La société a été, depuis la nuit des temps, une source inépuisable d’inspiration pour les dramaturges

Art dramatique

Et c’en est un effectivement. Les dramaturges ont pour seule source d’inspiration, l’individu dans son milieu social et dans toute sa diversité. Et la vie d’un individu ou d’un groupe varie selon le milieu social, professionnel, familial. La table autour de laquelle on a coutume de s’asseoir quotidiennement entre copains influent sur les individualités tant la discussion entre partenaires est toujours profitable s’il s’agit de bons partenaires à la discussion.

La vie est un théâtre
On peut dire qu’il y a du théâtre partout où il y a de la vie active. Et depuis la plus haute antiquité le théâtre s’est alimenté en puisant de la vie en société les meilleurs sujets. Kateb Yacine, plus grand dramaturge dont les œuvres ont été traduites dans les langues les plus parlées au monde a composé une belle comédie à partir des meilleures histoires du légendaire Djeha qui a fait rire bien des personnes de tous âges. Cette comédie fait partie d’une trilogie où les deux autres pièces sont des tragédies dont l’une traite de quelques séquences de la notre guerre de libération. C’est donc la vie sociale dans tous ses hauts et ses bas.
Les deux œuvres romanesques du même auteur, sont aussi des pièces de théâtre pouvant être jouées comme telles, elles reflètent la vie au quotidien telle qu’elle vécue par lui et les siens à des moments précis de la vie sociale, l’auteur a fait de la vie un théâtre. Celui qui s’est bien inspiré de la vie pour faire un théâtre, c’est Molière en puisant ce qu’il y a de plus drôle dans le quotidien des masses sociales comme l’avarice en tant que vice courant dans tous les temps et quelle que soit la génération. Pour cela l’auteur a mis en scène un avare dans ses comportements le jour, la nuit, au moment du petit déjeuner, au souper, on se rend compte qu’il n’est pas le même et qu’il a un grand souci : comment conserver son argent, les précautions à prendre pour que personne ne sache qu’il a des sacs de louis d’or. Il ne dort pas tant il a peur des voleurs et le moindre bruit qu’il entend la nuit le fait sursauter et lui font penser que des voleurs sont rentrés chez lui. Il est dans un état maladif à chaque heure de la nuit ou du jour et il était tellement obsédé par le voleur qu’il a cru une fois avoir attrapé la main d’un voleur alors que c’était sa propre main. C’est tous ces moments drôles qui le rendent malade et qui marquent le déroulement de la pièce théâtrale divisé en actes et scènes. C’est une pièce qui fait rire le public aux éclats en ayant l’impression de se remettre dans le vécu collectif.

Le dramaturge s’inspire de la vie telle qu’elle vécue en mal ou en bien
La pièce théâtrale, qu’elle soit une comédie ou une tragédie, nous donne à voir, des scènes de la vie sociale lorsqu’elle est jouée par des acteurs qui savent se mettre dans la peau des personnages. Un exemple simple, dans la comédie de Kateb Yacine « La poudre d’intelligence » qui nous à voir Djeha en personne s’installer dans un coin de la rue pour vendre l’intelligence, il est devant son sac et appelle à la criée : qui veut acheter l’intelligence ? Il en avait un sac plein mais de crottes de chèvre, les gens achètent sans avoir reconnu ce que c’était, sauf un qui lui a dit, oh ! Djeha, c’est des crottes que tu vends. Va t’en toi, toi, tu n’en as pas besoin, tu es intelligent, lui répondit Djeha. Quant aux deux tragédies de cette première trilogie portant les titres évocateurs « Le cadavre encerclé et Les Ancêtres redoublent de férocité » les premières pièces qui ait été écrite par l’auteur vers 1956, la première intitulée « Le Cadavre encerclé » porte sur le combat libérateur du peuple algérien, en commençant d’abord par le 8 mai 1945 au cours duquel l’auteur qui était élève au lycée de Sétif, a été exclu pour avoir participé aux manifestations de 1945. L’auteur, a eu à relater dans un style de niveau relevé tous les évènements qui ont marqué la guerre avec son lot important de morts, de blessés et d’emprisonnés. Le titre de la pièce : « Le cadavre encerclé » en dit long sur le contenu, le mot « cadavre » en est un indice.
Le théâtre est donc un genre littéraire qui peut avoir pour contenu le vécu collectif d’un peuple qui a eu à combattre des forces de l’ordre ennemies lors des évènements de 1945 qui ont été le prélude à une guerre de libération meurtrière et longue. Kateb a adopté la démarche du théâtre grec antique, celui de Sophocle et d’Eschyle par l’introduction d’un coryphée et d’un chœur qui ont joué pleinement leur rôle.

Le théâtre de situations sociales
Réellement le thème « La vie est un théâtre » évoque le théâtre de situations sociales qui est un domaine inépuisable. Les dramaturges réalistes qui possèdent la langue et la méthode n’ont qu’à puiser de ce domaine exaltant et motivant. C’est en examinant minutieusement le domaine que Molière a su tirer un théâtre universel qui peut se jouer partout sans heurter certains domaines sensibles de la société. Par exemple « L’Avare » est un état d’esprit qui n’est pas étranger dans toutes les sociétés, comme « Le Misanthrope » qui est un phénomène social bien connu et il n’y a pas de société qui ne possède pas de misanthrope et de philanthrope, caractères opposés, l’un détestant la société pour ses gens méchants et l’autre pour être aux méchants complaisants, l’autre, son opposé se montrant accommodant vis-à-vis de tout le monde parce qu’il sait vivre en société. Le dramaturge égyptien Tewfiq El Hakim a essayé de réaliser des variantes du Théâtre grec antique adapté au monde musulman, « Les hommes de la caverne » et « Œdipe roi » mais n’a pas dû être du goût du public qui préfère plutôt un théâtre inspiré du milieu social. Il composa « L’Oiseau d’Orient » mettant en scène un égyptien arrivant en France qui essaie de vivre en faisant l’effort de s’adapter à un univers qui n’est pas le sien, il réussit tant bien que mal à vivre au quotidien en tant qu’étranger. A l’origine la pièce était un roman. Comme Dramaturge de renommée mondiale, nous avons Berthold Brecht qui a fait un théâtre au service de la vie telle qu’elle est vécue au quotidien avec des décors simples et inspirés du réel. Prenons l’exemple de « L’exception et la règle » traduite et jouée en arabe. On vous montre une séquence, celle d’un riche rentier qui va se rendre dans un pays lointain accompagné.
Le rentier se déplace pour se rendre à un endroit où il doit négocier des actions sur la vente du pétrole, il emmène avec lui un porteur chargé de lui porter les bagages et en chemin il renvoie le guide parce qu’il a peur de se retrouver seul contre deux ouvriers. Il continue son chemin accompagné du porteur, mais arrivé à un endroit lointain sous la chaleur et la fatigue qui l’obligèrent de s’arrêter pour passer la nuit. Il choisit un endroit pour s’allonger et dit au porteur d’aller se reposer plus loin. Par une nuit très chaude, le patron avait soif et il donnait les signes de quelqu’un qui allait mourir, faute d’eau. Le porteur avait encore de l’eau et il avait peur d’être accusé de n’être pas venu au secours d’un homme en danger de mort, il se lève et va porter sa gourde à son maître. Le maître l’ayant vu avancer vers lui, sort son révolver et tue le guide. Dans le noir de la nuit, Il avait pris la gourde pour une pierre et qu’il s’approchait de son maître pour l’assommer. Dans cette pièce, l’un des personnages a connu une fin tragique, c’est le malheureux porteur qui en plus de porter les bagages des autres, est en proie à un destin malheureux. Dans toute tragédie, un ou plusieurs personnages connaissent des fins tragiques.

Dans la comédie, certains personnages sont tournés en dérision
La comédie a comme pour but de faire passer des scènes qui font rire le public, et le rire étant une thérapie. La plupart des comédiens s’inspirent de la réalité sociale pour trouver des scènes ridicules et qui font rire aux éclats tout le monde, même les plus tendus dans la vie. Prenons un groupe de personnages comiques qui passent à la télévision pendant le mois de ramadhan et connus sous le nom de Aaçab oua Aoutar.
Le groupe a joué dans toutes les situations possibles et fait rire naturellement. Une fois, c’était dans le marché aux voitures, le comédien a une vieille voiture genre « 4Chevaux », un client arrive et semble intéressé par ce modèle ancien. Le comédien met en valeur ce véhicule aux nombreux problèmes : les essuie glace ne fonctionnent pas, les portes arrières sont condamnés et ne s’ouvrent pas, l’embrayage ne marche pas bien et tu demandes combien, 4millions et demi lui répond le comédien qui voit le client tiquer, le comédien lui ajoute : tu sais bien que les voitures sont chères.
Boumediene Abed