Face aux grands laboratoires internationaux, les défis de l’Algérie dans l’industrie pharmaceutique

La production de médicaments, un enjeu mondial du XXIe siècle

L’industrie pharmaceutique est le secteur économique qui regroupe les activités de recherche, de fabrication et de commercialisation des médicaments pour la médecine humaine et animale.
Les efforts du secteur privé conjugués à ceux de l’entreprise publique Saidal ouvrent la voie à l’augmentation conséquente de l’offre de médicaments, à la diversification des produits mis en marché et à une pression à la baisse de leurs prix sur le marché interne. Ces efforts des entreprises sont, il faut le souligner, rendus possibles par l’administration sanitaire nationale qui va les accompagner intelligemment en aménageant graduellement le cadre technique et réglementaire : la définition de procédures claires pour l’agrément des distributeurs et des producteurs ; la mise en place d’un laboratoire national de contrôle des médicaments ; la mise en place d’un cahier des charges pour les importateurs de médicaments ; les procédures de détermination du prix des médicaments ; etc…La démonopolisation de l’activité pharmaceutique étant définitivement surmontée sur le terrain, l’autre obstacle sur le chemin était alors celui de la concurrence des laboratoires étrangers, détenteurs des technologies, des savoir-faire, des droits de licence sur les produits et qui, surtout, avaient la mainmise, établie de longue date, sur le marché interne du médicament.. Comme dans tous les pays du monde ( les USA considérées comme le chantre de l’oncle libérale le font), l’Algérie se doit de protéger une industrie naissante temporairement leur production locale à l’aide de mesures fiscales et douanières mais loin des mesures bureaucratiques administratives au moyen d’une régulation afin de favoriser l’équilibre offre/demande.
C’est cette politique publique avisée de protection du marché interne qui, adossée d’un côté à tout un système d’incitations au développement de l’investissement et de la production pharmaceutique et, de l’autre, à un environnement économique, technique et réglementaire aligné sur les meilleurs standards internationaux, qui va impulser l’arrivée sur le marché d’une production locale de plus en plus abondante et de qualité garantie et irréprochable.
La croissance de la demande interne aura ainsi été portée fondamentalement par celle de la production locale, avec une couverture des besoins nationaux en médicaments qui passe de 25% à 52% en l’espace de dix années. Dans une période qui a connu une poussée très forte des importations, ce secteur est l’un des rares au sein de l’économie nationale à avoir vu la production locale gagner des parts de marché substantielles par rapport à la vague irrésistible de l’importation. Malgré un ralentissement observable à partir de l’année 2018, et des pressions inhérentes aux perturbations économiques internes qui ont suivi la chute brutale des prix pétroliers mondiaux à partir de 2014, l’entrée en production des nombreux projets d’investissement engagés auparavant, vont conforter la résilience de l’appareil productif interne : le taux de couverture des besoins nationaux en médicaments sera évalué à 66% en 2022, par le ministère en charge de l’industrie pharmaceutique. Selon le ministère du secteur, le nombre de médicaments de fabrication locale a augmenté avec 2.889 médicaments sur un total de 3.641 médicaments figurant sur la nomenclature nationale. Devant être réaliste car fabriquer les matières premières pour ses propres médicaments, c’est un métier en soi et si on fabrique 2 ou 3 matières premières, il faut le faire à grande échelle, pour le marché mondial et être compétitif par rapport aux autres joueurs américains , indiens et chinois où le monde aujourd’hui s’oriente vers la biotechnologie. Pour l’Algérie, les axes stratégiques à court et moyen terme devant être axée dans la R&D, par l’innovation pharmaceutique , les parts des princeps, génériques, le processus de fabrication/contrôle de qualité, en orientant notre production vers les bio -similaires et la création de produits issus de la culture cellulaire afin de réduire la facture d’importation car les gros montants en valeur ne sont pas les matières premières génériques. Cela explique la décision opérationnelle réaliste, conformément à ce qui se passe dans le monde pour ce segment complexe contrôlé par quelques firmes comme mis en relief précédemment, que le ministère des industries pharmaceutiques privilégiant le seul indicateur financier valable, la balance devises, la régulation des importations pharmaceutiques nationale afin de réduire la facture d’importation qui a été de 40% en 2022 par rapport à 2019, pour atteindre 1,2 Mds Usd alors qu’elle s’élevait à près de 2 mds USD avec le respect des normes requises dans le domaine de la production pharmaceutique restant l’unique condition d’investir dans ce domaine, a été décidé l’annulation de la condition portant fixation du taux d’intégration à 30% pour homologuer le produit pharmaceutique en Algérie. Le secteur pharmaceutique algérien couvre 70 % des besoins de la population algérienne en générique, les 30 % restants, ce sont des produits assez difficiles à développer, nécessitant étant la clé de la réussite de toute industrie, il faut investir dans la ressource humaine, dans les locaux, les centres de Recherche et Développement. En quelques décennies, l’Algérie s’est hissée parmi les principaux producteurs pharmaceutiques d’Afrique. Le nombre d’entreprises pharmaceutiques activant dans le domaine de la production s’élevait à près de 200 entreprises, dont 137 spécialisées dans la production des médicaments permettant de couvrir plus des deux tiers des besoins nationaux, étant prévu, 69 nouveaux projets d’investissements, dont 42 projets de fabrication des produits pharmaceutiques et 27 projets de production des équipements médicaux. Quelque 200 unités de production couvrent près de 70 % des besoins du pays en générique, avec le dynamisme du secteur privé national,

En conclusion,les défis auxquels l’ industrie pharmaceutique aura à faire face au cours des années en Algérie consisteront à passer à un niveau d’organisation supérieur, non seulement pour renforcer sa place sur le marché interne, mais pour s’imposer également sur les marchés extérieurs dont l’Afrique. Une des voies, souvent évoquée, à savoir celle de la fabrication des matières premières de l’industrie pharmaceutique, dominée et solidement contrôlée par un groupe restreint de pays fortement industrialisés ainsi que certains pays émergents comme l’Inde et la Chine qui ne pourra être sérieusement envisagée qu’avec l’association avec de puissants laboratoires mondiaux. La clef de l’avenir de l’Algérie est clairement celle des capacités de l’innovation et de la recherche scientifique. Il s‘agit de mettre une politique appropriée afin d’atténuer l’exode massif de cerveaux qui constitue une hémorragie tant pour l’Afrique que l’Algérie où uniquement pour les médecins, sans compter toutes les autres spécialisées où en 2021, on estime que 16 000 médecins et spécialistes algériens exercent dans le pays européen, et pour 2022 environ 1200 médecins algériens, de différentes spécialités, s’apprêtaient à partir en France pour travailler dans ses hôpitaux après leurs réussite aux épreuves de vérification des connaissances -EVC. Il y a lieu d’établir des connexions solides entre les nombreux laboratoires de recherche en place dans toutes nos universités et les entreprises pharmaceutiques nationales, où bon nombre d’entre elles ont déjà mis en place leurs propres laboratoires de recherche-développement et ont entrepris d’en faire la base solide de leur croissance future
Abderrahmane Mebtoul
Pr des Universités
Expert international
(Suite et fin)