Arme de destruction massive de toute dénonciation du sionisme (III & fin)

L’antisémitisme

Mal nommer les choses, notait Camus, c’est ajouter au malheur du monde. Pis, c’est semer délibérément la confusion dans les esprits. Le terme antisémitisme n’a jamais été autant galvaudé qu’à notre époque propagandiste dominée par un lobbyisme sioniste outrancier et outrageant. Outre le fait qu’il désigne une réalité heureusement inexistante, c’est-à-dire une factualité fantasmagorique, l’antisémitisme est devenu, surtout, une redoutable arme de dissuasion massive de toute critique du sionisme. Un instrument de neutralisation des combattants antisionistes.

Interviewé par Pascal Boniface sur « les affirmations des responsables institutionnels, des intellectuels communautaires et certains hommes politiques de France, selon lesquelles l’antisionisme n’est que le masque d’un antisémitisme qui n’ose pas ou qui n’ose plus s’afficher au grand jour », le professeur Yakov M. Rabkin a donné cette longue réponse qui vaut son pesant d’or : « Ces accusations sont fausses et cyniques. Fausses parce que le sionisme constitue une rupture dans la continuité historique du judaïsme. Les intellectuels sionistes et les rabbins orthodoxes qui s’y opposent s’entendent sur le fait que le sionisme représente une négation de la tradition juive. Selon Yosef Salmon, expert israélien de l’histoire du sionisme : « Le sionisme a posé la plus grave des menaces parce qu’il visait à voler à la communauté traditionnelle, tant au sein de la diaspora qu’en Eretz Israël [Terre d’Israël], tout son patrimoine, à lui enlever l’objet de ses attentes messianiques. Le sionisme défiait tous les aspects du judaïsme traditionnel : dans sa proposition d’une identité juive moderne et nationale, dans la subordination de la société traditionnelle à des styles de vie nouveaux, et dans son attitude envers les concepts religieux de diaspora et de rédemption. La menace sioniste a atteint chaque communauté juive. Elle était implacable et frontale, et l’on ne pouvait lui opposer qu’un rejet sans compromis». Comme le montre un autre historien israélien, Noah J. Efron, c’est plutôt la société israélienne qui manifeste des attitudes ouvertement antisémites à l’égard des juifs traditionnels […]. Les accusations qui font l’amalgame entre l’antisionisme et l’antisémitisme sont, en outre, cyniques parce que ce sont les sionistes qui ont accepté la thèse centrale des antisémites selon laquelle les juifs constituent un corps étranger au sein des nations européennes. Depuis le début, il existe une confluence d’intérêts entre les antisémites, qui veulent se débarrasser des juifs, et les sionistes, qui veulent les concentrer tous sur un territoire. C’est à l’État d’Israël que profite avant tout l’antisémitisme, en augmentant sa population juive, en y attirant tous ceux qui se sentent menacés par les antisémites. De nos jours, les leaders israéliens s’inquiètent ouvertement de ce qu’ils appellent « la bombe démographique », c’est-à- dire la perspective que les juifs redeviennent une minorité au sein de l’État sioniste. Pour pallier cette menace, ils ont besoin de l’aliya (immigration de juifs en Israël). Or c’est l’antisémitisme plutôt que l’idéalisme qui encourage d’habitude l’aliya. C’est également l’antisémitisme qui justifie le sionisme, pour lequel l’existence de communautés juives libres et prospères à travers le monde constitue un problème idéologique fondamental ». L’association automatique des juifs à l’État d’Israël est fondamentale pour les sionistes qui, depuis les origines de ce mouvement politique il y a plus d’un siècle, se présentent comme les représentants du peuple juif tout entier. En se proclamant « l’avant-garde du peuple juif dans son ensemble », en parlant « au nom du peuple juif » les sionistes renforcent l’association automatique des juifs avec l’État Israël. Cela ne fait qu’encourager l’antisémitisme dans le monde en tribalisant le conflit et en l’exportant hors des frontières d’Israël. Or il est grave que les juifs – minorité avant tout religieuse que la tradition oblige à la pudeur, la miséricorde et la bienfaisance – soient de plus en plus associés aux images de soldats et de colons armés qui remplissent les écrans de télévision du monde entier ».
C’est avec des arguments des antisémites que les sionistes auront bâti leur « foyer national juif » colonial. Les antisémites prétendent que les juifs ne veulent s’entendre avec aucun peuple, ne veulent pas s’intégrer dans les pays où les vivent. Des arguments cautionnés et repris à leur compte par le sionisme pour justifier la création de la colonie juive en Palestine.
Et c’est avec les mêmes arguments que le sionisme dénigre les combattants antisionistes du monde entier, qui soutiennent que tous les juifs ont leur place dans leur pays d’origine, y compris les juifs établis en Israël, à condition qu’ils abjurent l’idéologie suprémaciste sioniste, qu’ils renoncent définitivement à la colonie israélienne, qu’ils consentent que les Palestiniens recouvrent leur souveraineté sur leur terre.
De même, quand les antisionistes dénoncent l’existence de l’État colonial sioniste, appellent en toute fraternité les occupants juifs, pour mettre un terme à la colonisation du peuple palestinien, à regagner leur « foyer national d’origine », ils sont taxés d’antisémitisme. « L’antisémitisme », ce concept européen, est le poison dont se nourrit le sionisme pour tromper les juifs, abusés par cette doctrine suprémaciste et belliciste ; pour empoisonner la vie des vrais sémites palestiniens, colonisés et massacrés ; pour accuser les peuples du monde entier d’être antijuifs, pour s’être levés pour combattre le dernier vestige colonial occidental, Israël.
L’écrivain algérien, Tahar Djaout, premier journaliste assassiné au cours de la décennie noire par les islamistes, frères siamois des sionistes, avait dit « Le silence, c’est la mort. Et toi, si tu parles, tu meurs. Si tu te tais, tu meurs. Alors, dis et meurs!». Avec les sionistes, si on combat Israël, on est accusé d’antisémitisme. Si on soutient, seulement humainement, les Palestiniens, on est accusé également d’antisémitisme. Alors, combattons Israël et soutenons les Palestiniens, quitte à subir les accusations d’antisémitisme.

(Suite et fin)
Khider Mesloub