Père de l’Empire des totalitarismes et des génocides

Napoléon 1er

La sortie du film « Napoléon » de Ridley Scott suscite la polémique en France. Le film déchaîne les médias français. Au contraire, les médias anglo-saxons se montrent très élogieux envers le film.
En tout cas, le gratin du germanopratin est en furie. La bataille fait rage parmi les élites culturelles et politiques françaises, qui accusent le réalisateur de présenter une interprétation anti-française et pro britannique. Le film enflamme également le courroux des historiographes officiels français, pour qui Scott aurait pris des libertés avec la vraie vie de l’empereur. Le film serait, selon eux, truffé d’inexactitudes historiques. Ces « Nord-coréens » de l’historiographie française reprochent à la fiction de prendre le pas sur la réalité. On pourrait en dire autant de ces mandarins universitaires. N’ont-ils pas transformé l’horrible réalité de l’époque napoléonienne en fiction historique radieuse, en douce épopée fabriquée pour les besoins de la cause nationale chauvine. Ces historiographes auraient voulu que le réalisateur corse son œuvre cinématographique sur Napoléon, ce natif de la Corse. Ridley Scott aurait, selon eux, corseté son film dans un parti pris britannique. Une chose est sûre, le portrait de l’empereur brossé par Ridley Scott dérange manifestement ces élites françaises chauvinistes. Le réalisateur présente Napoléon, selon les élites françaises, comme un meneur de soudards affamé de conquêtes.

Napoléon : l’homme des répressions tous azimuts
N’ayant pas vu le film, je ne vais pas livrer une critique cinématographique, mais brosser succinctement le portrait historique du vrai Napoléon, personnage controversé versé dans la gouvernance despotique et l’activité génocidaire. De manière générale, Napoléon Bonaparte est présenté, selon l’obédience politique de l’historien et, surtout, en fonction du pays européen, tantôt comme un héros ou un criminel, un révolutionnaire ou un contre-révolutionnaire, un dictateur impérialiste ou un libérateur des peuples. Qu’en est-il en vrai ? Pour résumer le personnage, on pourrait le qualifier tout à la fois de Genesis Khan et de Staline-Hitler. Napoléon fut un conquérant génocidaire doublé d’un dictateur sanguinaire. Il s’est acharné à exercer son empire totalitaire sur la société française et à se bâtir un empire à la démesure de sa mégalomanie. Il était tellement mégalomane qu’il a déclaré « Il n’y a point de conquête que je ne puisse entreprendre ; car à l’aide de mes soldats et des auditeurs, je prendrai et je régirai le monde ». Même au prix du génocide de millions de personnes. Talleyrand, homme politique français, surnommé le diable boiteux, qualifiait la diplomatie de Napoléon de « diplomatie de l’épée », autrement dit de la canonnière. Même l’autre général français, Charles de Gaulle, le boucher des insurgés algériens du 8 mai 1945, dira de son prédécesseur l’empereur : « Napoléon a épuisé la bonne volonté des Français, fait abus de leurs sacrifices, couvert l’Europe de tombes, de cendres et de larmes ». Au reste, il serait temps d’écrire le « Livre noir » du Bonapartisme. Comment le prétendu idéal d’émancipation de la Révolution de 1789, de fraternité universelle à la française, se retourna-t-il au lendemain du coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799) en dictature totalitaire impérialiste conquérante, en une entreprise génocidaire qui a fait des millions de morts en quinze ans de règne napoléonien sanguinaire ? Cette gouvernance napoléonienne dégoulinant de sang, la France refuse de la voir. Tout comme elle a toujours refusé de reconnaître son passé colonial génocidaire en Algérie.

Napoléon : le rétablisseur de l’esclavage
Cela étant, ces dernières années, plusieurs pays européens, victimes des opérations de conquêtes militaires génocidaires de Napoléon, notamment la Belgique, l’Angleterre ou l’Allemagne, ont rappelé la véritable personnalité de l’empereur de France, celle du massacreur des peuples, de dictateur sanguinaire, de criminel de guerre, de terroriste étatique.
Napoléon Bonaparte est l’homme des répressions tous azimuts : politiques, sociales, ouvrières, coloniales, raciales, esclavagistes, policières. Napoléon est certes connu historiquement pour avoir battu militairement les puissances féodales alliées à l’Angleterre. En revanche, il est moins connu pour avoir été l’homme des répressions de mouvements populaires, des esclaves, des ouvriers, des femmes, des nations libres, au nom des idéaux de la Révolution bourgeoise française qu’il a voulu imposés au monde entier. Bien avant son couronnement, alors qu’il est général, en 1797, il est connu pour avoir organisé personnellement une expédition massive pour détrôner et éliminer Toussaint Louverture, général noir et gouverneur d’Haïti, proclamé par la révolution des esclaves. À cet égard, il est de la plus haute importance de rappeler que Napoléon Bonaparte, présenté comme un émancipateur, est cet homme d’État qui aura rétabli l’esclavage en 1802, aboli en 1794 par les révolutionnaires jacobins. Selon l’historien guadeloupéen Claude Ribbe, Napoléon aurait ordonné le « génocide des Noirs » aux colonies. C’est la thèse qu’il soutient dans un ouvrage paru en 2005 : Le crime de Napoléon. M. Ribbe souligne que Napoléon avait programmé l’élimination systématique des hommes de couleur. Il parle d’un million de victimes noires dues au « premier dictateur raciste ». Selon cet historien guadeloupéen, Napoléon est « le premier dictateur raciste de l’histoire », « aventurier négrophobe ». Pour Ribbe, Napoléon « préfigure de manière évidente la politique d’extermination engagée contre les juifs et les Tziganes durant la seconde guerre mondiale » par Adolf Hitler. Du reste, au lendemain de la défaite de la France, en juin 1940, Hitler ne manquera pas d’aller se recueillir, en guise de reconnaissance de ses exploits génocidaires, sur le tombeau de son mentor, Napoléon Bonaparte, probablement pour trouver quelque inspiration en matière d’extermination de masse.

Napoléon : le législateur de l’avilissement de la femme française
Ainsi, au lendemain de son coup d’État du 18 brumaire, Napoléon instaure une dictature sanguinaire. Il institue un État autoritaire caractérisé par une surveillance policière de la population, opérée sous l’égide de Fouché, ministre de la Police. Plus tard, en 1804, une fois sacré Empereur, Napoléon Bonaparte codifie la soumission de la femme, incarnée par la loi sur l’incapacité juridique, qui instaure le statut de mineure éternelle de la femme. En effet, cette loi, qui demeura en vigueur jusqu’à 1938, plaçait la femme française sous tutelle maritale, la privant de sa capacité juridique au même titre que les enfants. Et la France de se gausser, de nos jours, des pays musulmans, de s’offusquer du sort des femmes musulmanes. Il y a 80 ans, les femmes françaises subissaient la même domination masculine, la même infériorisation juridique. Pour rappel, la femme française n’avait le droit ni de travailler, ni d’ouvrir un compte bancaire, sans l’autorisation de son mari. Ainsi, Napoléon, encensé par l’historiographie « nord-coréenne » française comme un libérateur, est l’auteur de cette loi misogyne qui frappait la femme française d’une incapacité juridique totale, c’est-à-dire qu’elle était placée sous la tutelle de son mari jusqu’à sa mort. D’abord, elle était sous la tutelle de son père, puis, une fois mariée, sous celle de son mari. C’était une éternelle mineure.

Napoléon : fondateur du goulag, camp de travail forcé
Napoléon est également l’auteur de l’asservissement total des ouvriers, réduits à vivre dans des camps de travail forcé, véritables goulags, car ils n’avaient pas le droit de changer de patron ni de ville. Pour les empêcher de s’échapper de leur goulag professionnel, Napoléon avait institué le livret ouvrier, qui accordait aux patrons un pouvoir de contrôle totalitaire sur leurs salariés. Le livret ouvrier permettait aux patrons et aux autorités d’exercer leur pouvoir autocratique sur les travailleurs : si un ouvrier souhaitait quitter son emploi mais n’obtenait pas la signature de son employeur sur son livret, il n’avait aucune chance de retrouver un travail. Or, un ouvrier ne possédant pas son livret était considéré comme vagabond et était emprisonné. Autrement dit, le prolétaire français était condamné à travailler obligatoirement, faute de quoi il était embastillé. En outre, son patron pouvait s’approprier l’ouvrier à vie, grâce à ce fameux livret qui lui permettait d’exercer son contrôle despotique sur ses salariés. Le livret ouvrier napoléonien n’a été supprimé qu’à la fin du 19e siècle, en 1890. Pareillement, les fonctionnaires, la nomenklatura napoléonienne, jouissaient d’énormes privilèges, notamment en matière de Justice. Pour assurer cet asservissement total de la population française, les libertés d’expression, de réunion, de circulation et de presse furent supprimées. Autrement dit, sous le règne de Napoléon la France était un véritable goulag. Et ce, jusqu’à l’institution de la Troisième république, en 1870. Le frère de l’empereur, Lucien Bonaparte, avait pressenti les ambitions impériales et les inclinations tyranniques de Napoléon très tôt, dès 1792. Dans une lettre adressée à son autre frère, Joseph Bonaparte, il décrit son autocratique frère en ces termes prémonitoires : « J’ai toujours démêlé dans Napoléon une ambition pas tout à fait égoïste, mais qui surpasse en lui son amour pour le bien public. Il me semble bien penché à être tyran et je crois qu’il serait bien s’il fût roi et que son nom serait pour la postérité et pour le patriote sensible un nom d’horreur. » Effectivement, le règne de Napoléon est imprégné d’horreur. On peut qualifier le règne de Napoléon 1er de règne des horreurs. Des répressions. Des génocides. Napoléon est le « père spirituel – cruel » de Staline et de Hitler. Le précurseur du totalitarisme bourgeois. Il inaugure l’ère des totalitarismes modernes. À peine couronné empereur, il s’emploie à répandre la répression. Il instaure le premier États policier de l’histoire capitaliste. Espionnage, manipulations, complots, dénonciations, travaux forcés, incarcérations arbitraires, tortures, marquages au fer rouge, amputations, exécutions, sont systématisés sous le règne de Napoléon. La police napoléonienne est la « Fille aînée » des polices totalitaires du monde moderne capitaliste, ces polices qui fleuriront au 20e siècle.

La France glorifie toujours les hauts faits génocidaires de Napoléon
Sous le cours règne de Napoléon, des millions de personnes périront. Selon les historiens, plus de 2,5 millions de militaires ont été massacrés en Europe et 1 million de civils tués dans le reste de l’Europe et dans les colonies « françaises ». Au vrai, selon une historienne américaine, Marlene Daut, ces chiffres sont sous évalués. Selon cette universitaire, les autres estimations varient entre trois et six millions. C’est l’une des raisons pour lesquelles Marlene Daut trouve étrange de considérer Napoléon Bonaparte comme un héros. Marlene Daut estime qu’encenser les prétendues contributions positives de Napoléon Bonaparte « revient à suggérer que les personnes dont il a détruit la vie n’ont en fait aucune importance ». N’est-ce pas ce que font encore les autorités françaises avec leur narratif sur les « bienfaits » de la colonisation de l’Afrique, notamment de l’Algérie. En février 2005, sans scrupule, le parlement français n’avait-il pas voté une loi mentionnant le « rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord » ? Il est utile de rappeler que le maréchal Bugeaud, le génocidaire des Algériens, a fait ses premières armes sous l’Empire napoléonien. À bien y réfléchir , on pourrait conclure que la mentalité raciste et génocidaire de Napoléon aura finalement façonné plusieurs générations de Français, notamment celles de la classe dirigeante. Pour l’universitaire américaine, les Français ne sont pas disposés à faire amende honorable, car « pour eux, admettre que Napoléon était raciste, c’est critiquer le peuple français et ils ne peuvent pas le supporter », explique-t-elle. C’est aussi admettre que la France s’est bâtie sur le racisme, un racisme longtemps institutionnalisé, symbolisé par le code de l’indigénat imposé aux Algériens dès 1834 et officialisé en 1881. « Même s’ils sont prêts à reconnaître les faits, et ils ne les nient pas, cela les met très, très mal à l’aise, car cela remet en cause toute la richesse qu’ils ont dans leur pays », ajoute Marlene Daut. « Qu’est-ce qu’il y a derrière toute cette prospérité ? Qu’est-ce que cela signifie pour l’identité française ? Qu’elle s’est construite sur le dos d’assassins », c’est-à-dire des dirigeants criminels, génocidaires, responsables par ailleurs des pillages des richesses des peuples colonisés. Notamment, le plus célèbre des massacreurs et pilleurs dirigeants français, Napoléon Bonaparte. Pourtant, ce criminel de guerre, ce génocidaire, cet autocrate est toujours célébré par les autorités françaises.
Le 5 mai 2021 le gouvernement Macron avait organisé la commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte. C’est vrai que Napoléon est le bâtisseur de l’État policier français, l’adversaire acharné des contre-pouvoirs et du parlementarisme. Modes de gouvernance autocratiques réactivés par la Macronie.
C’est comme si l’Allemagne avait continué, depuis 1945, à célébrer les hauts faits totalitaires et génocidaires de Hitler jusqu’à nos jours. Il n’y a qu’en France où on glorifie et honore les criminels de guerre, les génocidaires : Charles de Gaulle, le boucher des Algériens, les harkis, ces supplétifs de l’armée française, encore aujourd’hui exaltés et récompensés. Et bien sûr, Napoléon Bonaparte, le père des totalitarismes et des génocides.
Khider Mesloub