Les principaux défis 2024/2030

L’Algérie a toutes les potentialités pour devenir un pays émergent :

Le défi de l’Algérie entre 2024/2030 pose la problématique fondamentale du rôle de l’Etat reposant sur l’entreprise et son fondement, le savoir au sein d’une économie ouverte.
En ce début de janvier 2024, l’Algérie n’est ni dans une économie administrée, ni dans une véritable économie de marché concurrentielle, toujours en transition, expliquant les difficultés de régulation d’ensemble. Aussi, suite à mes précédentes contributions, cette présente analyse, fait le point sur le compromis des années 2024/2030 qui devra concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot, l’efficacité et l’équité. Car il faut éviter toute ambiguïté.

L’égalité n’est pas celle du modèle de l963-2023, mais recouvre la nécessité d’une transformation de l’Etat providence de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, par la formulation d’un nouveau contrat social, renvoyant à la nécessaire refondation de l’Etat.

1- Favoriser une croissance innovante au sein d’une économie ouverte
La nouvelle politique socio-économique devra reposer sur trois éléments fondamentaux complémentaires. Premièrement, elle doit tenir compte de l’adaptation aux mutations mondiales irréversibles. Les négociations futures avec l’Organisation mondiale du commerce, les accords pour une zone de libre échange avec l’Europe, la zone de libre échange avec l’Afrique, la création des zones franches ou tout autre partenariat avec les différents pays, doivent correspondre aux avantages comparatifs de l’Algérie. Je pense fermement que l’Algérie ne dispose pas d’autres alternatives que l’adaptation à la mondialisation dont les espaces euro-maghrébins, arabo-africains et euro -méditerranéens constituent son espace naturel. Prétendre que la mondialisation aliène le développement du pays et les libertés c’est ignorer une évidence : sans insertion dans l’économie mondiale, l’Algérie serait bien davantage ballottée par les vents des marchés avec le risque d’une marginalisation croissante. C’est que la nouvelle politique économique doit être marquée par l’adaptation à l’universalisation de l’économie de marché, le commerce international n’étant pas un jeu à sommes nulles. L’ouverture peut être douloureuse à court terme, car elle impose des changements mais elle est bénéfique à moyen et long terme. Deuxièmement, il y a lieu de garantir les grands équilibres macro-économiques par une stabilité juridique et monétaire et par la réduction des déficits publics, ces deux conditions, étant une condition nécessaire mais non suffisantes, évitant la hausse des prix sur des structures de monopoles inchangées, (l’économie de marché ne signifiant pas hausse des prix, ce qui se passe actuellement), et donc, aller vers les réformes institutionnelles et micro-économiques au sein d’un monde de plus en plus interdépendant. Cela passe par la réforme de l’Etat, de la justice, de l’école (la mère des réformes qui conditionne le tout), de l’économie, surtout le système financier dans toutes ses composantes banques, fiscalité, domaine, douane lieu de distribution de la rente, le tout devant être harmonisé avec de nouveaux systèmes de protection sociale qui doivent s’adapter, aller en cohérence et en mouvement s’intégrant à une économie dominée par le consommateur mondial et arbitrée par les marchés financiers.
La compétition dans une économie globale fait que chacun a le monde pour marché et tous les consommateurs pour clients.
La traduction d’un monde ordonné autour de la production est largement dépassée avec l’unification des conditions de production dont la valeur ajoutée augmente mais dont les distances entre la production et la consommation diminuent avec la révolution dans le domaine du transport et des télécommunications. La libéralisation des mouvements de capitaux transgresse les frontières géographiques. Il y a lieu de revoir les concepts erronés de stratégie industrielle et d’imaginer une nouvelle politique de l’entreprise. Car à l’intérieur des entreprises se mettent en oeuvre de nouveaux modes d’organisation éloignés du taylorisme, des grosses sociétés avec leurs lourdeurs bureaucratiques, fondés sur le raccourcissement des chaînes hiérarchiques, sur l’amélioration de la qualification, sur l’implication des personnes, sur la décentralisation interne et la gestion prévisionnelle des compétences. Troisièmement, la mutation nécessaire des services publics marchands.
La conception passée sur une superposition forte entre secteur public, entreprise publique, monopole, activité limitée du territoire national doit faire place à l’efficacité de gestion, à la concurrence des services collectifs. Si certaines infrastructures peuvent continuer à être gérées par des monopoles, les services de transport, eau, électricité, téléphone vocal doivent être libéralisés.
Ainsi, la plupart des pays émergents sans compter les pays développés ont des services collectifs caractérisés par de très nombreux acteurs privés et publics, puisque le commerce, l’agriculture et l’industrie sont presque totalement privatisés. Cependant, pour éviter les effets pervers du marché, l’action régulatrice de l’Etat est nécessaire pour assurer la cohésion sociale. Car, certes, la nouvelle politique socio- économique en Algérie devra être marquée en ce début du XXIe siècle par l’innovation, mais également éviter qu’une économie qui produit la richesse ne détruise les liens sociaux dans un univers où la plupart des structures d’encadrements, (familles, religion, syndicats) sont faibles.

2. Devoir d’équité à travers l’articulation des rôles Etat/marché
L’Algérie a vécu sur un modèle égalitaire simple, l’Etat propriétaire gestionnaire régentant l’ensemble de l’activité économique et sociale: réduction des inégalités, développement des prestations sociales pour tous, bien que certains contestent que ce modèle ait été équitable. Mais d’une manière générale, ce compromis est remis en cause avec l’évolution d’une société plus ouverte, plus individualiste exigeant des traitements plus personnalisés, avec comme toile de fond une croissance plus sélective et rendant urgent de mieux articuler les rôles respectifs et complémentaires de l’Etat et du marché.
De ce fait cela remet en cause le traitement statistique global qui correspond de moins en moins à la réalité plus complexe, supposant d’ailleurs une structure indépendante du Gouvernement comme l’atteste actuellement l’effritement du système d’information. La société de marché incitant naturellement à plus d’efforts et de dynamisme et la solidarité dans la compétition implique de cesser d’exclure sous peine de devenir une société de décadence. Ainsi, les problèmes doivent être absorbés différemment et cela passe par une réflexion collective sur la justice au sens sociétal. L’universalité de la justice n’existant pas, elle dépend du moment daté et du mouvement historique.
Une société dynamique en forte croissance offre des espoirs individuels plus grands en tolérant certaines inégalités qu’une société dont l’économie en stagnation où l’avenir est incertain. Paradoxalement, en dynamique, certaines inégalités à court terme profitent aux plus défavorisés à moyen terme si l’on respecte les droits fondamentaux, bien qu’il faille éviter une domination excessive de l’argent sur la vie sociale.
Dans un tel contexte, il faut identifier lés inégalités qui doivent être combattues (inefficaces et injustes) et trouver le niveau acceptable d’inégalités nécessaires pour assurer le dynamisme de l’économie. Il ne sera plus question de la simple égalité d’accès à des prestations banalisées mais l’équité par la discrimination positive privilégiant le renforcement des relations professionnelles, la relance des négociations collectives branches par branches grâce à de nouvelles méthodes de travail fondées sur l’innovation continue. Il s’agira de favoriser de nouvelles structures sociales dynamiques pour impulser le changement et impulser celles traditionnelles par définition plus conservatrices.
Parallèlement, une nouvelle politique axée sur une nouvelle politique de l’emploi et des salaires liés à l’éducation ; une nouvelle politique de la protection sociale et enfin une nouvelle politique fiscale qui est au coeur de l’équité sont nécessaires.
En ce qui concerne l’emploi, la politique passée et actuelle a été de préférer la distribution de revenus (salaires versés sans contreparties productives) à l’emploi, c’est à dire contribuant implicitement à favoriser le chômage. Aussi s’agit-il de modifier les pratiques collectives et réduire les à-coups sur l’emploi en accroissant la flexibilité des revenus et des temps de travail par une formation permanente pour permettre l’adaptation aux nouvelles techniques et organisations.
Le rôle primordial pour l’emploi est d’introduire l’initiative économique de tout le monde et les capacités entrepreneuriales caractérisées par les prises de risques industriels et économiques. La solution la plus sûre est de s’appuyer sur la qualification, la professionnalité des salariés, allant de pair avec la spécialisation de l’économie. L’avenir est dans les gisements importants d’emplois sur les activités de services, des emplois de proximité ce qui impliquera le développement important dans les années à venir des services marchands rendus nécessaires par l’élévation du niveau de qualification.
Abderrahmane Mebtoul
Pr des Universités
Dr d’Etat international
(À suivre…)