Quels impacts économiques du sommet Italie/Afrique les 28 et 29 janvier 2024 ?

Nouvelles mutations mondiales

Connu sous l’appellation de «Plan Mattei pour l’Afrique» du nom du fondateur du groupe énergétique italien ENI Enrico Mattei, initialement prévu pour le début du mois de novembre 2023, le sommet Italie-Afrique qui a été reporté en raison de « l’aggravation du contexte sécuritaire international », se tiendra les 28 et 29 janvier 2024 à Rome. Il prévoit un vaste programme d’investissements et de partenariats afin de sécuriser l’approvisionnement de l’Union européenne en produits énergétiques et d’accélérer le développement des pays africains pour freiner les flux migratoires. Il verra en présence de la présidente de la Commission européenne, du président du Conseil européen, de la cheffe du FMI, du directeur général de la FAO, de responsables des principales agences des Nations unies, des chefs d’Etat africains, de chefs de gouvernement et des ministres des Affaires étrangères.Nous nous orientons vers un monde multipolaire avec les tensions géostratégiques et les nouvelles mutations mondiales qui annoncent un profond bouleversement, l’Afrique en ce XXIème siècle est le continent de tous enjeux et des rivalités des grandes puissances et des nations émergentes, après les sommets USA/Afrique, Chine /Afrique, Europe/Afrique, Russie/ Afrique, Turquie /Afrique, Japon/ Afrique et bien d’autres rencontres internationales similaires, se tiendra le Sommet Italie-Afrique. Qu’en est -il de la situation économique de l’Italie pays d’accueil de cette rencontre ? Du point de vue démographique, depuis 2014, l’Italie a enclenché une période de déclin de sa population, passant de plus de 60,3 millions d’habitants à moins de 59 millions en 2023. Le produit intérieur brut (PIB) de l’Italie a été de 2108 milliards de dollars en 2021, de 2272 milliards de dollars en 2022 l’Italie étant à la 10e place mondiale contre le 8e en 2022, avec un PIB de 2 010, milliards de dollars. Selon les dernières prévisions de la Commission européenne, la croissance économique italienne devrait atteindre 0,9 % en 2023 et 0,8 % en 2024.
L’économie italienne en 2023 a échappé à la récession que beaucoup lui prédisaient à l’été 2022 à la suite de la crise du gouvernement, marquée par la démission de Mario Draghi et l’arrivée de Giorgia Meloni à la fonction de Présidente du Conseil, porté par le dynamisme des PMI/PME innovantes, l’industrie ayant un poids important où la part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale y atteint, en effet, 21,1 %, contre une moyenne de la zone euro de 20,2% , la France 14 %, le Portugal (17,1 %), l’Espagne (17,4 %) ou encore la Belgique 17,7 %. Les importations de biens en 2020 ont été de 422 milliards de dollars et de services 92 milliards de dollars, pour 2021, 409 milliards de dollars de biens et 101 milliards de dollars de services et pour 2023 les importations ont augmenté plus fortement (+35%) pour atteindre 783 Md€, soit 41% du PIB, la part des biens dans les échanges commerciaux étant largement majoritaire (84%) et en augmentation depuis 2019 (+4pp), les échanges de services étant plus marginaux s’élevant à 245 Md€ (en hausse de 32% sur l’année). Les exportations de biens ont été en 2021 de 409 milliards de dollars de biens et 99 milliards de dollars de services, en 2022, de 496,12 milliards de dollars et des services 86,53 milliards de dollars soit au total : 582,65 milliards de dollars et pour 2023 , les exportations ont atteint 742 Md€, soit 38% du PIB, en hausse de 22% sur l’année.
Une reprise a été constatée en 2021 où l’excédent commercial de l’Italie a atteint 50,4 milliards d’euros bien qu’en baisse par rapport aux 63,17 milliards enregistrés en 2020, selon l’Institut national des statistiques (Istat). Pour 2022 le déficit commercial avait atteint -41 Md€ en 2022, après un excédent de 29 Md€ en 2021 et 55 Md€ en 2020. Ainsi, le déficit commercial de biens était de -31 Md€ en 2022 (contre un excédent de +40,3 Md€ en 2021), le déficit commercial de services ayant atteint -9,5 Md€ (-18% par rapport à 2021). Mais la rapide résorption du déficit énergétique (-19 Md€ au T1 2023 contre -36 Md€ au T3 2022) a permis à l’Italie de dégager un excédent commercial dès le T4 2022 (+0,7 Md€) qui s’est accru début 2023 (5,4 Md€ au T1).
Quant aux autres indicateurs macro financiers et macro- sociaux, les réserves de change dépassent en 2021 les 230 milliards de dollars, dont 2451,8 tonnes d’or d’une valeur dépassant les 80 milliards de dollars et fin 2023 atteignaient . 224 milliards de dollars.
La dette publique de l’Italie s’est élevée à 153,5% du PIB en 2021, en légère baisse par rapport à 2020 (155,6%), mais nettement au-dessus de la limite de 60% prévue par les règles de Maastricht et fin 2022, elle représentait près de 145 % de son PIB ayant certes diminué au cours des deux dernières années, mais demeure à un niveau particulièrement élevé plus de 140% du PIB fin 2023 soit la deuxième plus importante de la zone euro , après la Grèce et en comparaison, celle de la France s’élève à un peu plus de 109% du PIB. Ce poids qu’elle porte depuis plus de 30 ans apporte une vulnérabilité budgétaire au pays », selon l’institut Jacques Delors bien que l’Italie, depuis les années 2000, « a réussi à retrouver un équilibre budgétaire, et même à dégager du surplus », c’est-à-dire à obtenir des recettes supérieures à ses dépenses qui selon cet institut serait davantage une bonne élève sans ce fardeau.
D’une manière générale, la crise Covid-19 et la crise ukrainienne ont affecté l’économie italienne ,fortement dépendante à cette période du gaz russe. Dans la phase de reprise , la croissance devrait s’appuyer sur la mise en œuvre du plan national de relance et de résilience, adossé à des réformes structurelles, l’Italie ayant bénéficié de l’impact positif du plan de relance européen (209 Md €). Mais la reprise des exportations sera dépendante du rythme de celle du commerce mondial et du marché intérieur. Malgré les incertitudes, l’Italie dispose d’une solide industrie manufacturière spécialisée dans des niches à haute valeur ajoutée et intégrée aux chaînes de valeurs mondiales, la deuxième européenne après l’Allemagne. Structurée autour de PME dynamiques, elle est la source de l’excédent commercial. Mais comme impact de cette situation mondiale incertaine, les conséquences sociales sont le taux d’emploi faible et le taux chômage relativement élevé, où selon les données d’Eurostat, le il atteint 7,6 % en 2023 alors qu’il est de 5,9 % et 6,4 % en moyenne respectivement dans l’Union européenne et en zone euro avec le chômage des jeunes parmi les plus élevés du continent européen, plus d’un cinquième des jeunes actifs âgés de moins de 25 ans étant considéré comme chômeur et creusant les écarts entre les régions riches et celles pauvres, entre le Nord et le Sud (17,6%).
Quant à l’inflation, les prix à la consommation en Italie ont augmenté en moyenne de 5,7% en 2023, contre 8,1% en 2022, grâce à l’accalmie sur les tarifs de l’énergie, l’Institut national de la statistique (Istat). Concernant les échanges commerciaux entre l’Italie et l’Afrique , dans une conférence donnée par Luigi Di Maio Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, les échanges commerciaux entre l’Italie et l’Afrique s’élevaient à 42,1 milliards de dollars en 2021, soit une hausse de 42% par rapport à 2020 et de 8,6% par rapport à 2019. Mais l’Union européenne demeure la principale destination des exportations italiennes (53%), avec l’Allemagne comme 1er pays de destination (13%, soit 67 Md€) devant la France (10%, soit 53 Md€) et les Etats-Unis (9%, 49 Md€).
L’UE est également le 1er fournisseur de l’Italie (56,7%), avec l’Allemagne qui renforce sa 1ère position (16%, 77 Md€) devant la France (8%, 39 Md€) et la Chine (8%, 38 Md€). Aussi, pour être à la mesure de ambitions de cette rencontre, l l’Italie étant confrontée est sa lourde dette et ne disposant pas des fonds nécessaires pour devenir un acteur majeur en Afrique, comme les USA, la Chine, le Japon, certains pays arabes comme l’Arabie saoudite, les Emirats, le Qatar, la Turquie. La seule solution est que l’action s’inscrive dans un cadre large qui est celui de l’Union européenne.
En conclusion, saluons cette heureuse initiative et puisse la coopération Italie /Afrique, contribuer à faire des espaces euro-africains un lac de paix et de prospérité partagée.
Abderrahmane Mebtoul
Professeur des Universités
Expert international