Le culte de l’argent, agent de la culture des servitudes volontaires

Capitalisme

Sous le capitalisme high-tech, nul besoin de contrainte en matière d’asservissement.
Car la domestication du corps, appendice de la machine-appareil de production,
et des consciences, a pris une dimension industrielle, étatique et mondiale.

Le travail, exercé au sein du capitalisme, ne sert exclusivement qu’à fabriquer des produits et services en vue de multiplier l’argent, contraignant ainsi des millions de travailleurs à des labeurs inutiles. Dans cette société capitaliste de pacotille, quatre-vingts pour cent de la production est absolument superflue. Inutile. Cette production superfétatoire représente un dramatique gaspillage de temps et d’énergie de l’Humanité, mais aussi un tragique pillage de la richesse naturelle de notre Terre. Dans le capitalisme décadent domine la gadgétisation de la production. Pour assouvir sa soif de profits, assurer sa valorisation, le capital invente chaque jour de nouveaux besoins factices. Inutiles.
Pour bénéficier de la consommation frénétique de ces produits factices, la possession de l’argent est indispensable. Et pour posséder cette matière toxique, il faut se résoudre à se déposséder en travaillant, autrement dit se vendre, s’aliéner au double sens du terme. Le travail étant la seule valeur rapportant de l’argent, au capitaliste comme au salarié, comme source respectivement de plus-value et de salaire, l’homme est contraint de vendre sa force de travail pour gagner ce sésame qui ouvre toutes les portes des cavernes d’Ali-Baba de la consommation : l’argent.
Qui plus est, l’esclave-salarié doit toujours travailler plus pour payer à crédit sa vie misérable ; jusqu’à s’épuiser dans le travail, à accepter de subir les pires humiliations. Ainsi, il consent à sacrifier sa vie au travail pour le profit de son patron. Aussi, pour lui rappeler la chance d’avoir un travail grâce à la générosité de son patron, le chômage a été inventé comme épouvantail afin d’effrayer le travailleur de toute inactivité. Car le chômage est vécu comme une déchéance sociale, une désocialisation, la fin de la consommation effrénée à crédit.
L’homme aliéné contemporain : esclave de son patron, exécutant de la machine ou de l’ordinateur ?
Que pourrait-il bien faire sans cette torture qu’est le travail ? Aussitôt, il serait désigné du doigt comme un impie de la société productive, un hérétique du travail, un blasphémateur de la servitude professionnelle. Et dire que ce genre d’activité aliénante est présenté comme une libération, une chance d’accomplissement social, de réalisation de soi.
Quelle dégradation morale. Quelle déchéance sociale. Pourtant, enfermé dans ces bagnes de la production où tout est chronométré, millimétré, délimité, le travailleur est totalement dépossédé de lui-même. Il ne s’appartient plus. Il est l’esclave de son patron, l’exécutant de la machine ou de l’ordinateur.
Quand l’humble humanité laborieuse se résoudra-t-elle à abolir ce marché des esclaves salariés où viennent s’approvisionner les négriers des temps modernes, aujourd’hui marché professionnel banalisé à l’instar de la légendaire foire aux bestiaux ? Où est la différence entre l’esclave, le serf, le colonisé, le salarié ? Si différence il y a, elle est de degré et non de nature. Modernité oblige, et imposture démocratique aidant, il est vrai que, à la différence de ses congénères serviles des sociétés de classes des époques antérieures, le salarié a la chance de signer librement son contrat d’asservissement. Quel prodigieux progrès ! L’honneur est sauf : par la grâce du paraphe désormais à la portée de la multitude massivement scolarisée pour les besoins de la production-valorisation- reproduction du système capitaliste.
L’organisation scientifique du travail constitue l’essence même de la dépossession des salariés : à la fois du fruit de leur travail mais aussi de leur temps, sacrifié à la production automatique des marchandises ou des services dont les bénéfices reviennent aux seuls patrons. Assigné à reproduire les mêmes tâches répétitives et rébarbatives « intellectuelles » ou physiques, le salarié-esclave est cantonné à besogner uniquement dans un domaine spécialisé de la production. Sans maîtrise ni vue d’ensemble des autres « process » de fabrication. Cette spécialisation se retrouve à l’échelle de la planète dans le cadre de la division internationale du travail. La conception s’élabore en Occident, la production en Asie, le néant économique et la mort existentielle en Afrique. Pour le bénéfice du dieu-argent mondialisé.
Dans cette société capitaliste, le dieu-argent régente notre vie. Tout le monde est soumis à sa puissante attraction. Tout le monde lui voue un amour passionné. Chacun le courtise, veut l’atteindre, l’étreindre, le mettre sous son matelas, le coucher sur son compte bancaire pour le féconder, lui assurer des héritiers. L’argent impose sa puissance sociale. De là vient qu’il nous contraint constamment à calculer, à dépenser, à économiser. À être créditeur, débiteur. L’argent humilie l’homme. L’argent corrompt l’homme.
L’argent pourrit les gens. L’argent est une matière nocive qui n’a pas d’équivalent, son pareil. Il s’impose comme l’unique valeur devant laquelle toutes les autres valeurs humaines s’inclinent, déclinent, se ruinent. Les valeurs humaines ne rivalisent pas devant sa puissante position dissolvante destructrice.
Qui se prosterne devant le dieu-argent prostitue son âme. L’obligation de tout acheter et de (se) vendre constitue un obstacle à toute libération et autonomie authentiquement humaines. L’argent transforme les individus en concurrents, en rivaux, en ennemis. L’argent dévore l’humanité de l’homme. L’échange (monétaire, marchand) est une forme barbare du partage. Le calcul et la spéculation sont devenus le moteur des rapports sociaux.
Comme le proclame un commerçant dans une pièce de théâtre de Bertolt Brecht : « Je ne sais pas ce qu’est qu’un homme, je ne connais que son prix ». Telle est la doxa de toute civilisation asservie au culte de l’argent. Au sein de la société capitaliste, l’homme, en guise de cerveau, s’est doté d’une calculette. Sa raison raisonnante ne raisonne plus. Car elle est accaparée par les calculs égoïstes de sa vie glaciale, parasitée par sa logique comptable. Le quantitatif a triomphé du qualitatif. L’avoir a supplanté l’être, a planté son être.
L’argent nous ampute de nos possibilités. Car, dans ce système mercantile, ces possibilités ne se réalisent qu’au moyen de la solvabilité. L’argent méconnaît l’investissement gratuit, il n’est attiré que par l’échange lucratif. De sorte que des millions d’énergies créatives meurent faute d’oxygène monétaire nécessaire à leur accomplissement.
Combien d’intelligences demeurent en friche pour ne pas être nées riches. Des millions de diplômés sont réduits au chômage faute de débauché professionnel. Quelle aberration humaine, quel gâchis : le système capitaliste anarchique « éduque-forme » 20 ans durant des centaines de millions dans ces écoles-casernes pour, au final, leur offrir aucun avenir professionnel, perspective d’insertion sociale, car il n’a pas les moyens de les intégrer dans la production régie par l’argent, la valorisation, l’accumulation.
Une chose est sûre : dans cette période de crise systémique du capitalisme, d’effondrement de l’économie, l’humble l’humanité régénérée (le prolétariat mondial) n’a pas besoin de miser sur l’augmentation de sa réserve d’argent mais, au contraire, d’œuvrer à l’anéantissement de cette matière toxique et létale.
Elle doit non seulement exproprier la marchandise et l’argent mais les supprimer. Car, comme l’a écrit Tolstoï, « L’argent ne représente qu’une nouvelle forme d’esclavage impersonnel à la place de l’ancien esclavage personnel. »
Plus rien ne doit être ravalé à une marchandise : les individus, les logements, les moyens de production, la nature. Il faut cesser la reproduction des rapports marchands, responsables de notre malheur, de notre dégradation physique, notre dépression psychologique, notre avilissement moral, notre aliénation.
L’argent, symptôme et moyen d’asservissement, n’est que le signe conventionnel donnant le droit ou le moyen de profiter du travail d’autrui. L’argent offre la liberté d’aliéner celle des autres, autrement dit d’acheter leur soumission, notamment par le travail salarié.
Force est de constater qu’à l’ère de l’argent roi n’importe quel vulgaire plébéien est assuré de se hisser aux cimes du pouvoir (j’allais écrire crimes du pouvoir, tant l’homologie des mots induit l’homogénéité des maux : « cime du pouvoir » rime avec le pouvoir du crime ; tout pouvoir (de classe) s’édifie sur l’amoncellement de cadavres politiques, économiques, sociaux) par la grâce de son compte bancaire alimenté par ses prédations. N’importe quel médiocre roturier est capable d’accéder aux palais de la puissance politique (j’allais écrire la puissance phallique tant l’érection de tout pouvoir est une forme de sublimation érotique de l’impuissance sexuelle de tous les gouvernants) grâce à ses liasses de billets amassées à force de prévarications opérées par son esprit de prédation. Et par la grâce de sa puissance financière, se faire respecter, admirer, aduler, élire, obéir. Exiger des autres pour lui de mourir à la tâche à force de travail exténuant et aliénant, de se sacrifier sur le champ de la patrie, cette abstraction nationale régie par les grands argentiers pour leur seul profit, évoluant au sein d’une société marchande irriguée par les seules « eaux glacées du calcul égoïste ».
De nos jours, pour reprendre à notre compte un dicton cité par Kant : « Tout homme a son prix pour lequel il se vend ». Aujourd’hui, avec la dégradation de sa valeur réduite à sa plus simple expression monétaire dévaluée, nous dirions : pour lequel il se brade, il se solde, au plus offrant.
Quand l’argent se saisit de l’être, l’être se mue en son agent vil et servile. Il permet de blanchir l’âme la plus ténébreuse, d’absoudre les criminels de guerre, de disculper les puissants scélérats, les potentats du pouvoir et des affaires. Il permet d’embellir la laideur par sa seule possession. De transmuer l’ignorance en intelligence tant l’argent rend brillant. Il s’impose comme l’argument d’autorité, voire l’autorité de régulation de l’argumentation, tant sa puissance exerce sur tous les sujets la censure. Il permet d’unir des individus aussi hétérogènes qu’antagonistes, former des couples aussi dissemblables qu’incompatibles, par son unique pouvoir d’aimantation transactionnelle vénale.
(A suivre…)
Khider Mesloub
1) Tahar Djaout : « Le silence, c’est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs et si tu parles, tu meurs. Alors dis et meurs ! »

 

 

Il permet de vacciner une minorité de privilégiés contre le virus de l’infortune, au détriment de l’immense majorité de l’Humanité infectée par la pandémie d’indigence, ce covid de la misère chronique inoculé par la société marchande, dominée par les classes financières parasitaires qui vouent une vénération absolue à leur Dieu-argent couplée à une aversion atavique au peuple, nourri, par ces mêmes machiavéliques classes régnantes, à l’opium religieux, ce soporifique aliment qui a la puissance de soulager la misère sans dépenser le moindre argent.
La religion offre le luxe de supporter richement sa pauvreté, par la grâce du capital-croyance, cet opulent trésor divin source de la foi du pauvre. Elle procure la chance de remplir virtuellement son être sans posséder réellement le moindre avoir. La religion est une sorte d’assurance-vie octroyée au croyant, lui garantissant un capital-bonheur mais uniquement dans l’Au-delà, versé une fois décédé, après avoir mené une existence parcourue d’accidents sociaux et économiques non pris en charge par la société gangrenée par l’insécurité existentielle. Une société déchirée par les injustices sociales, par ailleurs dominée par les puissants, épargnés, eux, par l’infortune. Donc assurés, de leur vivant, de profiter de leur capital-bonheur terrestre hic et nunc.
Quand tout se monnaye, même l’honneur et la dignité, la vertu et la morale, c’en est fini de l’Humanité.

L’argent offre la liberté d’aliéner celle des autres, autrement dit d’acheter leur soumission

Nous devons œuvrer à l’instauration d’une société humaine universelle débarrassée des rapports marchands, s’atteler à l’éradication du fétichisme de l’argent, à l’anéantissement de la dictature du profit. Œuvrer à l’édification d’une société produisant non pour vendre mais pour satisfaire les besoins essentiels humains. Une société dans laquelle les hommes et les femmes reçoivent leurs produits et leurs services librement, selon leurs besoins, sans médiation monétaire (actuellement, paradoxalement, dans les pays développés la majorité de la population vit sans monnaies fiduciaires : elle ne voit jamais défiler l’argent entre ses mains, ni son salaire. Toutes les opérations s’effectuent par virement et avec la carte bancaire sans contact. Ainsi, selon la loi de la dialectique – rien ne reste là où il est, rien ne demeure ce qu’il est, tout est mouvement, changement -, le capitalisme renferme en lui les potentialités de la future société sans argent, en d’autres termes, recèle en son sein, en vertu du principe de la négation de la négation, les forces vectrices de sa disparition, de sa transformation radicale). Une société dans laquelle les relations humaines sont directement établies, sans transaction pécuniaire. Dans laquelle les oppositions de classes seront abolies. À rebours de cette société capitaliste où les individus s’opposent selon leurs rôles et leurs intérêts sociaux.
Songeons que, pour prendre seulement l’exemple de l’Algérie, il y a à peine plus de cinquante ans, toutes les catégories du monde capitaliste (argent, marchandise, salariat, etc.), ces rapports marchands étaient totalement inexistants au sein de la société algérienne. De même qu’ils étaient ignorés dans d’autres pays semi-féodaux, semi-colonisés. Pierre Bourdieu l’a amplement démontré dans ses travaux consacrés à l’Algérie. Les pratiques sociales et économiques kabyles offrent un bon exemple de l’absence totale des catégories marchandes capitalistes dans la société kabyle. En effet, en opposition à un modèle de travail capitaliste, Bourdieu a présenté les paysans kabyles (fellahine) comme participant (ou ayant participé) à une économie du don ou « de la bonne foi » dans laquelle le « travail » individuel et collectif (tiwizi) reste extérieur à l’esprit de calcul. Il a démontré que, dans la société kabyle, il n’y a pas de distinction entre « travail » (activité) et loisir. Bourdieu a caractérisé le bouniya – l’homme de la bonne foi « pure » – par son attitude de soumission et de nonchalante indifférence au passage du temps que personne ne songe à perdre, à employer ou à économiser. Dans la société algérienne, la hâte est considérée comme un manque de savoir-vivre doublé d’une ambition diabolique. Tout le contraire de la société de l’urgence en cours dans les pays capitalistes modernes. Dans ces sociétés, le temps, c’est de l’argent (Time is money).
Pour rappel, ce fut le cas dans toutes les sociétés humaines. Durant les périodes antique et féodale, la société était fondée sur une économie de substance. La production servait l’usage immédiat, c’est-à-dire assurer la survie de la famille paysanne et, dans les sociétés de classe, permettre au maître ou au seigneur de vivre dans le faste. Ce qui importait était les « valeurs d’usage » : les biens de première nécessité pour le foyer du paysan ; et, dans les sociétés de classe, les biens de luxe pour satisfaire les goûts fantasques des maîtres et seigneurs. Néanmoins, le niveau d’exploitation des paysans était limité par la « taille de l’estomac du seigneur féodal », selon la formule de Karl Marx.
Mais avec l’introduction du capitalisme, l’activité productive humaine, c’est-à-dire le désormais dénommé « monde du travail », sera complètement transformé. L’activité productive cessera d’être un moyen de satisfaire les besoins humains pour devenir un simple moyen, pour ceux qui ont de l’argent (les détenteurs des moyens de production), d’en gagner davantage, de fructifier leur capital. L’activité productive sera dorénavant consacrée à produire exclusivement des valeurs d’échange pour le marché, pour valoriser le capital. Ce modèle économique capitaliste s’implante progressivement dans le monde entier, si bien que dès le mitan du 20e siècle le capital aura imprimé son sceau sur l’ensemble du monde. Le capitalisme s’impose dorénavant à toutes les sociétés.
Il n’existe pratiquement plus aucun groupe humain dont il n’a transformé radicalement, voire anthropologiquement, la vie. La société capitaliste est désormais la seule organisation sociale que les humains connaissent. Ses formes de comportement caractéristiques semblent relever de la « nature humaine ». Les individus contemporains, habitués à vivre dans une société fondée sur la concurrence, la compétitivité et la cupidité, ne se rendent plus compte à quel point leurs modes de vie et de pensée paraitraient étranges à leurs ancêtres.
Preuve que le capitalisme n’est pas naturel, mais un mode de production historique, spécifique, transitoire, voué à disparaître. Pour une fois, le passé est le meilleur miroir de l’avenir, le meilleur reflet du devenir. N’oublions pas que seule la rétrospection nous permet de tracer la prospective, d’avoir une perspective. Présentement, la mémoire est le miroir de l’avenir. Pensons qu’il existe encore dans notre vie des séquences sans médiation monétaire, sans argent : dans l’amour, dans l’amitié, dans la sympathie et dans l’entraide. Quotidiennement, nous cultivons encore ces échanges millénaires, sans présenter de facture à notre interlocuteur, à notre prochain.
Qui nous empêche d’élargir ces rapports humains gratuits à toutes les sphères de la société ? La réponse : nous-mêmes. Par notre « servitude volontaire », notre lâcheté, notre pusillanimité, notre frilosité en matière de combativité, nous refusons de nous libérer de nos chaînes, de nos catégories de pensée marchandes, de nos valeurs mercantiles, de notre cupidité, de notre oppression protéiforme.

L’époque est à la transformation radicale des conditions sociales et économiques

De manière générale, la critique demeure inopérante sans s’accompagner d’une perspective : la transformation de l’ordre existant. Cependant, la perspective sans la critique est aveugle. De même, la critique sans perspective est impuissante. Il est intolérable, pour notre existence, de dépendre d’autres individus (patrons, employeurs publics, gouvernants) qui tiennent entre leurs mains notre destin individuel et collectif.
Il faut en finir avec l’auto-domination et l’autocratie. Le système de domination capitaliste est le plus totalitaire, le plus complexe, le plus destructeur. Notre vie est tellement conditionnée par le capital que nous reproduisons le système quotidiennement sans être conscient de l’existence d’une autre alternative. Le capital colonise nos cerveaux. On pense au travers de ses catégories marchandes posées comme naturelles et éternelles. Donc, tout bouleversement implique la suppression et la négation du capital. De sorte que toute transformation des structures sociales implique la mutation de notre base mentale ; et aucune mutation de la base mentale sans la suppression des structures sociales.
Indéniablement, aujourd’hui nous ne sommes plus au stade des protestations, ni des indignations. Ni, pareillement, à la phase de la rénovation de la démocratie, ni du lifting de la politique bourgeoise. Ni à l’ère de la lutte pour l’égalité et la justice, ni à l’ère du combat pour l’État social et pour l’État de droit. Toutes les politiques économiques du capital ont échoué : le libéralisme, le keynésianisme, l’État-providence, le stalinisme, les socialismes tiers-mondistes militarisés, l’islamisme, le populisme, le multiculturalisme, le fascisme, etc. Tous ces combats sont révolus, surannés. La société capitaliste n’offre plus d’avenir. Elle est en pleine putréfaction. Elle est vérolée. Elle pue la mort. L’humanité doit donc renouer avec la Vie. Il faudrait ressusciter le vivant de l’homme enseveli par le capital.
L’époque est à la transformation radicale des conditions sociales et économiques ; à la suppression de toutes les valeurs marchandes capitalistes qui nous enchaînent, nous oppriment, nous avilissent. Il faut abolir notre statut d’esclave (salarié, chômeur à vie, « citoyen veau-tant »). Il faut nous libérer de cette prison mentale bourgeoise qui nous prive de notre authentique liberté. Il faut se libérer de toutes ces figures immanentes de la domination capitaliste : politique, État, démocratie factice bourgeoise, argent, salariat, marchandise. Il ne faut plus que la vie soit cette grande occasion manquée, marquée au fer rouge sang. Cette vallée de larmes, cet immense rocher de Sisyphe de malheurs qui revient en rond, en cycle. Il s’agit de se réapproprier notre existence. De faire reculer les nécessités et d’élargir les agréments. Il nous faut plus être ceux que nous sommes forcés d’être : des estropiés de la vie, contaminés par l’asservissement volontaire.

Khider Mesloub

1) Tahar Djaout : « Le silence, c’est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs et si tu parles, tu meurs. Alors dis et meurs ! »