De profondes réformes s’imposent pour devenir un pays émergent

Quelques indicateurs économiques 2022/2023 et perspectives de l’économie algérienne 2024/2030

Cette contribution à partir soit des données officielles du gouvernement algérien ou du Fonds monétaire international FMI présente quelques indicateurs 2022/2023 les plus significatifs de l’économie algérienne et trace les perspectives 2024/2030, axées sur une stratégie d’adaptation face aux nouvelles mutations mondiales.

Face à la nouvelle architecture des relations internationales, en ce mois d’avril 2024, l’Algérie a une relative stabilité macro financière qu’il s ‘agit de transformer en une dynamique sur la sphère réelle étant due en grande partie aux cours élevés des hydrocarbures. Ils représentent avec les dérivées (comptabilisées à 67% dans la rubrique hors hydrocarbures en 2022/2023 selon les statistiques douanières), 98% des recettes en devises, la recette globale en devises fin 2023 ayant été d’environ 55 milliards de dollars. L’Algérie a un endettement extérieur faible avec moins de 2% du PIB, un endettement public global qui a évolué de 45,6% en 2019 à 51,4% en 2020, à 56,1% pour 2021, à 55,6% du PIB 2022, 49,5% en 2023 et selon le ministre des Finances étant prévu en 2024 à 47% du PIB. Les réserves de change sont évaluées à 73 milliards de dollars fin 2023 et 82/83 milliards de dollars en tenant compte des 173 tonnes d’or, dont l’once connaît d’importantes fluctuations.
Le taux de croissance pour 2023 a été de 4,2% avec une prévision de 3,8%, en 224 et 3,1% en 2025 soutenue en partie par d’importantes dépenses budgétaires. Contre un déficit budgétaire de l’année 2023 qui a atteint 5.884,9 milliards de DA la loi des Finances (LF) pour 2024 prévoit un déficit budgétaire de -6170 mds de dinars(46 milliards de dollars au cours de 134 dinars un dollar, soit -17,4% du produit intérieur brut.
Les données de la Banque d’Algérie, couvrant la période allant du 17 au 19 avril 2024 pour la cotation du dinar dont l’amélioration est conditionnée par l’élévation de la production et de la productivité interne, donnent un taux d’achat de 143.06 dinars algériens et à un taux de vente de 143.09 dinars algériens, tandis que le dollar américain affiche un taux d’achat de 134.59 dinars algériens et un taux de vente de 134.61 dinars algériens et sur le marché parallèle un écart d’environ 65% par rapport à l’euro, contre 50% en 2022, se cotant 234.00 dinars algériens à l’achat et 236.00 dinars algériens à la vente et le dollar américain atteignant les 220.00 dinars algériens à la vente permettant artificiellement de limiter le déficit budgétaire, une des raisons avec l’inflation importée et la faiblesse de la productivité interne du processus inflationniste. Le taux d’inflation en 2023 selon la Banque d’Algérie, en glissement annuel a été de 9,32 % données proches de celles de l’Office national des statistiques (ONS) de février 2023 à janvier 2024/février 2022 à janvier 2023) a été de 9,1% mais selon le FMI devant baisser à 7,6% en 2024 et 6,5% en 2025 mais restant donc toujours très élevée, ce qui a impliqué en 2023 un important montant de transferts sociaux plus de 5000 milliards de dinars, pour 134 dinars un dollar, 37,31 milliards de dollars pour assurer la cohésion sociale. Le FMI commentant les rapports que lui a fournis l’Algérie, prévoit, prévoit un PIB à prix courant de 270 milliards de dollars en 2024, 326 en 2026, 370 en 2028, sous réserve de profondes réformes pour économie diversifiée et d’un accroissement des recettes d’hydrocarbures et ce contre 243 milliards de dollars en 2023, toutes ces données se référant au nouveau mode de calcul du PIB de l’Algérie. Le taux de chômage aurait été en 2023 d’environ 14% touchant surtout la tranche d’âge de 20/30ans et paradoxalement les nouveaux diplômés. Avec la forte pression démographique, l’on devra créer 350.000/400.000 emplois nouveaux nécessitant sur plusieurs années un taux de croissance de 8/9% qui s’ajoute au stock du taux de chômage, la création d’emplois incluant les emplois rente et les sureffectifs dans les administrations et entreprise publiques Car l’emploi ne se crée pas décret et dépend de la croissance des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration en Algérie en 2022 ne dépasse pas 15/20%, le taux d’emploi et le taux de chômage ((le revenu brut par habitant étant selon le FMI de 325 dollars entre 2022/2023 et le revenu brut annuel 3900 dollars mais devant éclater la moyenne pour déterminer la répartition du revenu national par couches sociales) étant fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité. La nouvelle politique économique en Algérie, devrait s’articuler autour de cinq axes directeurs :
Premièrement, la forte croissance peut revenir, mais suppose la conjugaison de différents facteurs : une population active dynamique, un savoir, le goût du risque et des innovations technologiques sans cesse actualisés, le combat contre toute forme de monopole néfaste, une concurrence efficace, un système financier rénové capable d’attirer du capital et une ouverture à l’étranger.
Deuxièmement, les actions coordonnées et synchronisées dans le temps exigent le courage de réformer vite et massivement, non des plâtrages conjoncturelles, avec comme support une planification stratégique pour le moyen et le long terme, car le principal défi du XXIème pour l’Algérie sera la maîtrise du temps où toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Cela passe par une refonte progressive de l’Etat par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, impliquant la transition de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, conciliant les coûts sociaux et les coûts privés, étant le cœur de la conscience collective, par une gestion plus saine de ses différentes structures.
Troisièmement, l’essentiel de l’action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d’avenir, d’apprendre davantage, de s’adapter, de créer, de partager et d’oser. La majorité des Algériens dont le revenu est fonction à plus de 70% de la rente des hydrocarbures doivent savoir que l’avenir de l’emploi et de leur pouvoir d’achat n’est plus dans la fonction publique, et que celui des entreprises n’est plus dans les subventions à répétition.
Quatrièmement, pour s’inscrire dans la croissance mondiale, l’Algérie doit d’abord mettre en place une véritable économie de la connaissance, développant le savoir de tous, de l’informatique au travail en équipe, de l’arabe, du français, du chinois à l’anglais, du primaire au supérieur, de la crèche devant synchroniser la recherche théorique fondement de l’innovation à la pratique et favoriser l’épanouissement de nouveaux secteurs clés, dont : le numérique, la santé, la biotechnologie, les industries de l’environnement, les services à la personne avec le vieillissement de la population.
Cinquièmement, toute Nation ne peut distribuer plus que ce qu’elle produit annuellement, si elle veut éviter la dérive sociale. Il s’agira de concilier l’efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, en intégrant la sphère informelle plus de 30/35% du PIB que l’on ne combat pas par des mesures bureaucratiques administratives ayant comme effet son extension.

En conclusion, l’Algérie est un acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, devant pour un espace économique fiable aller vers une intégration du grand Maghreb et des sous intégrations régionales africaines tenant compte des avantages comparatifs mondiaux ( voir Pr A. Mebtoul- revue mensuelle Politis El Moudjahid de septembre 2023 et American Herald Tribune 2018). L’impact dans les relations internationales de tout pays étant surtout son poids économique, face à l’accroissement des besoins internes (50 millions d’habitants horizon 2030) et des nouvelles mutations mondiales, il y a urgence pour l’Algérie des stratégies d’adaptation et de profondes réformes car le monde a profondément changé n’étant plus aux années 1970/2000.
Abderrahmane Mebtoul
Professeur des Universités
Expert international
(Suite et fin)