La psychose anti-islamique obéit aux mêmes desseins que la hantise antibolchevique

Stigmatisation

L’anticommunisme, en tant que concept de stigmatisation et arme idéologique contre-insurrectionnelle, apparaît au XIXe siècle, à l’époque du surgissement brutal et de l’essor exponentiel du prolétariat et des mouvements révolutionnaires socialistes.
L’anticommunisme, œuvre des classes possédantes et des élites conservatrices, se caractérise par une attitude d’opposition ou d’hostilité envers les aspects théoriques ou pratiques du communisme, en particulier son projet politique essentiel : l’abolition de la propriété privée. Il se manifeste par un discours politique, une propagande et une action violemment hostile contre les théories marxistes, les mouvances et partis politiques d’obédience communiste.
La lutte anticommuniste, autrement dit la menace du communisme, a également servi de paravent pour justifier et légitimer le durcissement autoritaire de la gouvernance, la militarisation de la société.
Au traditionnel anticommunisme de classe, œuvre des classes sociales privilégiées terrifiées par la perspective de l’abolition de la propriété privée, est venu se greffer l’anticommunisme de « circonstance et d’indignation » surgi au lendemain de la Révolution bolchevique. En effet, à la faveur de Révolution russe de 1917 l’anticommunisme prend une dimension autrement plus offensive et militaire, une ampleur inégalée, incarnée par l’antibolchevisme. Rapidement, de circonstanciel l’anticommunisme deviendra structurel.
L’antibolchevisme réactive toutes les thématiques anticommunistes répandues par les classes possédantes, la paysannerie et les milieux conservateurs tout au long du XIXe siècle : la « peur des rouges », des « partageux » et du collectivisme.
Tétanisée par la Révolution d’Octobre, la bourgeoisie occidentale ne pardonne pas aux bolcheviks d’avoir ébranlé son système capitaliste. Aussi s’organise-t-elle politiquement et idéologiquement pour défendre son ordre établi, son système d’exploitation, le capitalisme.
C’est à cette époque, en pleine crise économique et existentielle, qu’on assiste tout à la fois l’intensification des courants foncièrement anticommunistes et à l’éclosion du fascisme et du nazisme. Cette époque réactionnaire est marquée par « l’excommunication du rouge » et la déification du brun. Par la peur du rouge qui, dans certains pays occidentaux, revêtira la dimension d’une psychose anticommuniste. Une psychose amplifiée par la multiplication d’attentats à la bombe commis par des anarchistes. Elle prend également un aspect sécuritaire car, dans certains pays, elle pourchasse tous les « révolutionnaires » ou assimilés (communistes, anarchistes, socialistes), perçus comme des subversifs. Des dizaines de pays adopteront des lois punissant l’apologie de la révolution communiste. Certains interdiront le déploiement du drapeau rouge. C’est à cette époque qu’apparaît, dans ce climat d’hystérie anticommuniste, la campagne d’affichage et de caricature représentant un homme au visage féroce, tenant un couteau entre ses dents : le bolchevik au couteau entre les dents. Le bolchevik, voilà l’ennemi. Le couteau devient synonyme de bolchevik.
Pendant qu’elle représentait l’innocent prolétariat et les braves révolutionnaires communistes avec le couteau entre les dents, la bourgeoisie offrait de véritables armes meurtrières et génocidaires aux fascistes et nazis pour la représenter au pouvoir. Pendant qu’elle effrayait les prolétaires d’affiches de bolchevik au couteau entre les dents, la bourgeoisie frayait le chemin aux fascistes en leur permettant de s’afficher librement dans les rues, les meetings.
Aussi, comme nous l’enseigne l’histoire, il faut se méfier et se défier foncièrement de la propagande bourgeoise. Quand la bourgeoisie brandie de sa main gauche la menace virtuelle du « terroriste au couteau » pour épouvanter et tétaniser la population, il faut tourner son regard vers sa main droite, celle qui arme réellement les bandes fascistes, nourrit le fascisme. Prépare l’avènement du totalitarisme fasciste. Trame la guerre.
De nos jours, en Occident, en particulier en France, l’anti-islamisme est le cache-sexe de la haine de l’islam et des musulmans. Mais également le paravent servant à accélérer la transition fasciste. La psychose anti-islamique remplit la même fonction que la hantise antibolchevique. Le bolchevik au couteau entre les dents menaçant la civilisation capitaliste a été remplacé par le musulman au couteau dans la main défiant l’Occident. Si au cours de la période de l’entre-deux-guerres l’affiche du bolchevik au couteau entre les dents incarnait à elle seule l’antibolchevisme et l’anticommunisme français, de nos jours le fichage du voile islamique symbolise à lui seul l’islamophobie ambiante française.
À cette époque l’ennemi était le rouge, l’étranger. Aujourd’hui, l’ennemi est le vert, symbole de l’islam, l’immigré arabe.
Autrefois, le danger était représenté par le bolchevik sanguinaire tenant un couteau entre les dents, actuellement il est représenté par le musulman fanatique brandissant un couteau à la main. Il était incarné par les barbares bolcheviks qui mangent les petits enfants avec leur couteau entre les dents, aujourd’hui il est incarné par les « envahisseurs musulmans » qui mangent le pain des Français. Voire qui dépècent la culture française. Déchiquètent les valeurs de République. À l’époque, la peur de la « contagion bolcheviste » et de « l’homme au couteau entre les dents » avait atteint des proportions délirantes. Aujourd’hui, la psychose de la « contamination islamique » et du « barbare musulman le couteau à la main » atteint une intensité effroyable. À l’époque de la fièvre anticommuniste, on scandait sans scrupule « Mort aux bolchos », on prônait la lutte contre « l’hydre venue de l’Est ». De nos jours, on scande librement « Mort aux musulmans », « Mort aux Arabes » ; on prône la lutte contre « l’hydre venue du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne ». Pour rappel, c’est dans ce climat anticommuniste hystérique qu’émerge au début des années 1920 le fascisme et le nazisme. L’atmosphère anti-islamique contemporaine semble préparer les esprits à cette perspective : l’instauration du fascisme. Système institué en Israël, pays gouverné dorénavant par des fascistes qui livrent une guerre génocidaire aux populations palestiniennes musulmanes. Un pays fasciste devenu un modèle pour l’Occident, notamment la France dont la politique est dictée par Tel Aviv et l’idéologie suprémaciste inoculée par les rédactions israéliennes. Pour conclure. À titre d’information, en France selon les données de l’Insee, au cours de la décennie écoulée, chaque année en moyenne 710.000 personnes âgées de 14 ans ou plus ont déclaré avoir été victimes de violences physiques commises hors situation de vol ou tentative de vol et hors ménage. Parmi elles, 17% disent avoir « été agressées ou menacées à l’aide d’une arme », correspondant à 120.700 victimes par an. Le nombre d’attaques au couteau commises chaque jour est estimé à 120. Autrement dit, chaque année 44 000 personnes sont victimes d’agressions à l’arme blanche. Dans 99,99% des cas il ne s’agit pas d’attaques au couteau liées au terrorisme islamique mais aux conflits interpersonnels. Pourtant, les médias, par la médiatisation outrancière et systématique des rares attaques impliquant un jeune musulman, font accroire le contraire.
Au reste, le Conseil français du culte musulman (CFCM) a déploré dans un récent communiqué la « grave dérive que prend le traitement médiatique » en France. « Ce traitement partisan et orienté de l’information, qui a pour but de faire de l’islam et des musulmans un sujet anxiogène et de préoccupation majeure pour [les citoyens français], de distiller la peur et, parfois même, d’inciter à la haine, doit être dénoncé et combattu », estime cette organisation cultuelle indépendante. « Le prénom du suspect à connotation musulmane apparaît partout, et devient presque un sujet plus important que l’acte ou le délit lui-même. Les faits font alors l’objet d’une couverture médiatique exceptionnelle, et les musulmans sont pointés du doigt dans leur ensemble », dénonce le CFCM. Cette organisation cite l’exemple de l’attaque au couteau qui a eu lieu en Australie, samedi dernier, faisant six victimes et des blessés dont un bébé. Cette attaque « a d’abord fait la une de la chaîne CNews avec des spécialistes qui expliquaient en direct que le suspect serait d’origine orientale et que l’Australie nous paraît être un pays calme, mais il y a eu de multiples incidents liés à l’islam radical et au terrorisme », note le CFCM, en soulignant que, « quand on a appris que l’assaillant s’appelait Joël Cauchi, ce média a immédiatement cessé de porter un intérêt quelconque à ce drame ». Pendant que les caniches des médias français focalisent leurs projecteurs sur les petits porteurs de canif, leurs maîtres s’activent parallèlement en coulisses à aiguiser le couteau du fascisme.
Khider Mesloub