Histoires de lait ou de ‘’bachichet el guelil’’

L’état social Pauvreté

Pour survivre chez les pauvres il n’en fallait pas beaucoup. Une chèvre ou une brebis qui fournit le lait nécessaire et pour les bébés et pour les agneaux. On désignait ce breuvage de viande du pauvre ou ‘’bechichet el guelil’’. Dans les écoles primaires durant les périodes de guerre, le lait chaud était distribué dans des bols en aluminium accompagné d’un bout de pain. Cela se faisait le matin lors de la première récréation. Mais ce ne sont pas tous les enfants qui fréquentaient l’école ou qui possédaient des sources de production et qui avaient l’avantage de consommer du lait. Pour les travailleurs qui vaquaient dans des conditions poussiéreuses ou bien polluées avaient droit au litre de lait pour effacer les dépôts de substances polluées ingérées. Juste après notre indépendance, les stocks alimentaires étaient en deçà du seuil de la famine. Ils ne dépassaient guère les 17.000 kilocalories par jour et par habitant. Le lait influait sur le ratio. Ce chiffre ne tenait pas en compte la consommation des herbes et des fruits des sous-bois. Par contre les bières, alcools et vins étaient pris en considération et comptabilisés. Donc les disponibilités étaient beaucoup moindres que les chiffres officiels. Alors que le seuil de la famine selon la FAO et l’OMS était de 23.000 kilocalories/jour/habitant. Aujourd’hui c’est une toute autre chose, heureusement et Dieu merci. Ce n’est pas la première fois que l’Etat s’intéresse aux pauvres. Sur la simple question du lait plusieurs dispositifs avaient été adoptés. Durant les années soixante et soixante-dix, il y avait presque une autosuffisance. Jusqu’à après le décès de Houari Boumediene et que les remises en cause des acquis sociaux que la situation se dégrade. A cette époque, la Communauté économique européenne (CEE) adoptait une politique agricole commune, la PAC. Le lait était au centre de leurs intérêts. Qui dit lait dit vaches laitières. Le soutien aux producteurs était très attractif et encourageant. De son côté, l’Algérie pour boycotter ou se soustraire aux lois du marché imposées par les trois pays qui composaient la CEE décide d’importer des vaches laitières et les distribuer aux coopératives de jeunes pour pallier l’approvisionnement. Les Français avaient plus d’un tour dans leurs sacs. Avec leurs acolytes et vachers, ils déshydratent alors du lait et le transforment en poudre. Mieux encore, la CEE à travers la Politique agricole commune (PAC), elle soutient à perte momentanée la production du lait en poudre et le destine à l’exportation à des prix défiant toute concurrence. Le lait de vaches locales est estimé trop cher soit aux environs de 25/30 DA le litre de lait cru alors que le paquet de ‘’Lahdha’’ qui permettait d’obtenir 5 litres de lait était cédé à 17 DA. Le choix est vite fait. Alors y a pas photo. Du coup pratiquement, toutes les vaches importées ont été abattues. Viendra ensuite l’épizootie de la vache folle en France et dans quelques pays européens. Des centaines de milliers de vaches ont été abattues dans ‘’l’intérêt commun’’. C’est l’aubaine des pays déshydrateurs de lait pour récupérer les pertes et d’engranger d’importants bénéfices sur le dos des pays qui ne veulent pas que leurs peuples soient sujets à la famine et à la malnutrition.
Djillali Harfouche