Des mesures positives, mais encore…

Presse écrite

C’est en présence du président de la République, lors de la cérémonie, désormais consacrée, de la Journée internationale de la liberté de la presse, au Centre International des Conférences, Abdellatif-Rahal, que le ministre de la Communication a fait de son allocution, à cette occasion, le lieu d’annonce de mesures, dont il est attendu un renflouement économique et financier des métiers de la presse.C’est ainsi que le ministre de la Communication, M. Mohamed Laâgab a abordé la question du regroupement des imprimeries, projet qui est sur le point d’être finalisé dès l’obtention de l’accord du Conseil des Participations de l’Etat, et qui porte, dans ses replis, la perspective de sauvetage de ce secteur d’activité qui a pâti, de façon incommensurable, de la baisse vertigineuse des niveaux de tirage de la presse quotidienne, en particulier, et de la presse papier, toutes catégories confondues, en général.
Autre question sur laquelle les espérances de la corporation de la presse – autre catégorie en attente de sauvetage – la lancinante question du fonds d’aide, longtemps en souffrance en attente d’un texte d’application, dont le ministre a annoncé qu’il était fin prêt dans sa version mature, mais qu’il a été soumis à l’appréciation à quelques doyens de la presse pour enrichissement.
Le ministre a tenu à préciser, concernant l’alimentation du fonds d’aide destiné à la presse, qu’il n’était plus question qu’il ait pour source unique les fonds publics, et qu’il fallait dès lors imaginer d’autres formules financières, d’autres possibilités qui permettent d’alimenter cette caisse en complément du trésor public.
Une manière, pour le ministre, qui interpellait la corporation sur cette question, de faire un appel à proposition et de pointer du doigt le caractère ouvert de cette question qui attend, pour être prise en charge, les propositions des plus avertis.
Le temps d’une allocution, le ministre a touché, à ce propos, toute la détresse de deux corporations, dont son département assure la tutelle, celle des imprimeurs et celle de la presse, concernées toutes deux par des mesures censées les préserver de la disparition.
Toutefois, concernant les imprimeurs, pour lesquels on envisage un nouveau départ, elles devront aller vers plus de diversification, ne se limitant plus au seul tirage de journaux, allant vers le livre, le carton et les boîtes de médicaments. Une expérience, est-il dit, que la SIA a essayée de faire, lui valant, pour le coup, une amélioration sensible de sa situation financière.
Cependant, une telle mesure, déjà préconisée par l’ensemble des acteurs de la profession, n’aura réellement de résultats probants en matière de viabilisation financière de ces entités, que si elle est effectivement suivie d’une mesure encore plus courageuse et plus audacieuse, consistant dans l’effacement des dettes de l’ensemble des cinq imprimeries, principalement vis-à-vis de leur plus grand créancier. Autrement que cela, le regroupement des imprimeurs peut être, dès aujourd’hui, considéré comme mort-né.
Concernant la presse, il est évident que la dotation du Trésor public ne suffira pas à répondre à toutes les attentes et, partant, s’impose la nécessité de trouver d’autres ressources. Pourquoi, alors, ne pas mettre à contribution les opérateurs de téléphonie mobile publics et privés, en créant une application mobile pour l’ensemble des titres de la presse nationale. Une initiative qui aura vocation de créer un certain flux et donc aussi de la valeur avec un impact conséquent en matière de rentrées financières, dont le prélèvement d’un taux minime au bénéfice du Fonds d’aide à la presse serait le bienvenu.
Ce fonds doit aller directement à l’entreprise de presse et non plus seulement à la formation ou aux revues spécialisées, car c’est fondamentalement la presse quotidienne qui continue d’être une source d’emploi renouvelable pour les milliers de diplômés qui sortent chaque année des dizaines d’instituts et facultés de journalisme et de communication implantés un peu partout dans le pays.
Le fonds pourra ainsi être exploité pour soutenir certains chapitres budgétaires tels que le coût de l’impression, le paiement de l’internet, une partie du prix du loyer à la maison de la presse, etc. De toutes les façons, les propositions, à ce titre, ne manquant pas.
Le fonds d’aide étant ce qu’il est, avec ce qu’il devra être et ce qui devra le constituer, n’est qu’une partie de la solution, la problématique financière de la presse étant plus complexe, comportant des aspects liés à la fiscalité, à la double cotisation de la CNAS, à la distribution et la disparition des invendus dont elle procède par la force des choses.
Il n’est plus possible pour la presse de continuer à fonctionner avec les mêmes dispositions fiscales, lourdement pénalisantes pour la corporation, malencontreusement intégrée, impôts et TVA confondus, dans la sphère commerciale, alors que l’entreprise médiatique est une aventure journalistique, intellectuelle, culturelle et, surtout, patriotique. En guise de valeur à recueillir à l’arrivée pour l’ensemble des acteurs de la presse, il n’y a que de la gloire.
Il est temps de réfléchir à une fiscalité plus appropriée qui prenne en compte les spécificités de la profession et celles de sa pratique entrepreneuriale, qui englobe l’ensemble des entreprises du secteur.
Le temps aussi de considérer comme injuste et indue la double cotisation à la sécurité sociale qui ne profite pas aux pigistes de la presse dans le calcul de leur retraite et qui n’est reversée à personne, constituant une charge morte pour le secteur.
Enfin, le problème des regroupeurs, qui n’est pas des moindres, est la cause de déboires avec les services des impôts, car le non-retour des invendus, du fait de la désorganisation de cette activité retombée aux mains de l’informel, rend impossible toute justification auprès des agents fiscaux et fausse les perceptions quant à la situation de méventes absolues des journaux, donnant à voir, au contraire, une raison de payer plus d’impôts et, pourquoi pas, d’augmenter les tirages ? Pour parer à cela, une entité de distribution identifiée et fiable est à créer. A vrai dire, et bien qu’on ne puisse que se réjouir de mesures qui nous font avancer, il y a lieu d’espérer que les pas qui restent à franchir pour parachever le processus de sauvetage des imprimeurs et de la presse le soient. La survie de tous ces acteurs est à ce prix.
Ahmed Rehani