Ecrivain encyclopédiste hors pair des 8e et 9e siècles

Al Jahidh

C’est une référence pour tous les chercheurs en littérature de tous les pays en tant qu’écrivain moderne et auteur de deux cents livres sur des sujets divers dont une cinquantaine serait traduit en français.

Il est pourtant l’un des plus modernes parmi les anciens puisqu’il a été le premier à avoir inauguré l’ère de la prose. Avant lui tous les hommes de lettres arabes écrivaient en vers. El Jahidh, de son vrai « Abu Uthman ibn Bahr Mahbû al-Al kinâni al-Lithi al-Basrî, est appelé « Jahidh » pour sa laideur physique, il avait les yeux saillants et exorbités, ce qui le rendait repoussant. Ce qui l’infériorisait encore plus, c’était ses origines, selon ses biographes il était le fils d’un esclave d’Afrique de l’Est. Il se sentait diminué physique surtout par rapport aux hommes de lettres qu’il dépassait intellectuellement, lui qui avait le don de psychanalyser les hommes et même les animaux et les végétaux. Il pouvait parler des traits de caractère des hommes qu’il avait côtoyé ainsi que les animaux et des plantes, y compris les oiseaux migrateurs ou sédentaires qu’il connaissait à la perfection.
Parmi ses domaines de prédilection pour l’écriture, deux ont retenu son attention en y consacrant deux grosses œuvres maîtresses : le livre des avares et un livre non moins important sur la vie des animaux. Au cours de sa vie scolaire qui dura près de vingt-cinq ans, il assimila des connaissances dans un grand nombre de domaines : sciences, philosophie, philologie, Coran, hadith, lexicographie, poésie, la philosophie d’Aristote, l’histoire préislamique des Arabes et des Perses. Il écrira aussi des livres importants sur la grammaire de l’arabe, la zoologie, la poésie, la lexicographie et la rhétorique. Plus tard à Samarra, le calife Al- Ma’mun envisagea de faire de lui le précepteur mais très vite il se ravisa, effrayé par ses yeux protubérants qui lui causeront son surnom. Ainsi, Al Jahidh vécut dans la pauvreté et le mépris. On le trouva marchand de poissons pour venir en aide à sa famille, pourtant il était un grand homme de plume, mais à l’époque il n’y avait pas d’imprimerie qui pouvait assurer une grande diffusion de ses œuvres et son enrichissement.

Vie et contexte socioculturel dans lequel El Jahidh a évolué
Il a vécu dans les pires difficultés, de famille très pauvre il s’était senti obligé de travailler pour subvenir aux besoins des siens et obligé d’étudier pour améliorer son sort ; ce qu’il fit en menant les deux activités. Et en 816, il va à Baghdad auprès d’El Mamoun où Haroun Errachid avait créé une maison de la sagesse.
Cet auteur atypique a connu 12 califes et une dynamique culturelle, scientifique qui a été favorable à sa promotion. El Jahidh va aller dans une mosquée pour apprendre les sciences de tous les niveaux. Et son niveau de connaissances était tel qu’il avait écrit toutes sortes de livres littéraires. De plus, étant donné sa parfaite connaissance du Coran, il a pu parfaire sa formation en se formant dans les écoles où on étudie les théologies rationaliste s’inscrivant dans le Motazilisme qui dit que celui qui voit une injustice doit la condamner, que l’idée de prédestination se répand à une époque où un mouvement est enclenché, celui de la traduction à l’arabe des œuvres grecques en mathématique et philosophie, El Jahidh va s’en détacher pour devenir créatif dans le domaine de l’écriture. Il mit au point les 350 anecdotes sur les animaux en évoquant le déterminisme de la chaine alimentaire à l’image de celle des poissons selon laquelle les plus petits servent d’aliments aux plus gros. Il s’informa sur certains usages de la conception persane de la culture qui reconnait la supériorité des Noirs sur les autres à l’exemple des Ethiopiens.
En tant qu’homme de lettres parfait (adib), El Jahidh avait le sens des réalités et sa principale source d’inspiration a toujours été le vécu collectif. Il s’informait auprès de sa tribu sur la vie des animaux, leurs comportements, leurs relations. Etant donné son intérêt pour les êtres humains, animaux et végétaux, il étudia le milieu dans lequel chaque espèce évolue et il est devenu écologiste avant l’heure malgré lui. Et lui, qui a connu le bouillonnement dans tous les domaines, on peut dire qu’il a été un moderne. Il rédigea 2000 pages sur la vie des animaux en que produit de la société musulmane.
Dans tous ses travaux il a pratiqué le doute, la critique, la vérification, l’observation scientifique, l’explication. Pour mieux connaitre le monde, il a jugé utile de connaitre toutes les catégories sociales, il avait même une parfaite connaissance des bandes de voleurs qu’il avait coutume de côtoyer. Son livre des avares restera le modèle de langue puissante et le symbole de celui qui développera la lecture. Aussi on a lu ses œuvres avec beaucoup de délectation. Lui- même a beaucoup aimé les livres, surtout le livre traitant de l’homme des vestiges de l’homme hors du commun et vivant dans les pays lointains. Grand esprit, humaniste, il avait une étonnante sagesse divine des animaux. El Jahidh est mort en 868 à l’âge de 93 ans des livres qui lui sont tombés sur le corps, il en avait tellement qu’il n’avait pas où se mouvoir.
Abed Boumediene
(Suivra)