Sept axes directeurs

Dynamiser la Bourse d’Alger

Le gouvernement se propose d’ouvrir le capital des entreprises publiques, dont celui des banques, à travers la bourse d’Alger, d’où l’importance de sept actions pour sa dynamisation.

1.-Premièrement, il ne peut y avoir de bourse sans entreprises concurrentielles ayant des bilans positifs et une visibilité dans la politique socio-économique, évitant les instabilités juridiques.

2.-Deuxièmement, une bourse doit se fonder sur un système bancaire rénové. Or, le système financier algérien depuis des décennies est le lieu par excellence de la distribution de la rente des hydrocarbures et donc un enjeu énorme du pouvoir. La dynamisation de la bourse passe forcément par la refonte du système financier algérien qui porte en lui la substance de l’enjeu du fait qu’il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu’à présent et son corollaire les sources et les modalités de son financement. En effet, malgré le nombre d’opérateurs privés, nous avons une économie de nature publique avec une gestion administrée. La totalité des activités quelle, que soit leur nature se nourrissent de flux budgétaires, c’est-à-dire que l’essence même du financement lié à la capacité réelle ou supposée du trésor. On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement en Algérie opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail mais par les avances récurrentes (Tirage : réescompte) auprès de la banque d’Algérie pour les entreprises publiques qui sont ensuite refinancées par le trésor public sous la forme d’assainissement. Or, la richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Puisque cette transformation n’est plus dans le champ de l’entreprise mais ce déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures), dans cette relation, le système financier algérien est passif.

3.–Troisièmement, il ne peut y avoir de bourse sans la résolution de titres de propriété qui doivent circuler librement segmentés en actions ou obligations renvoyant d‘ailleurs à l’urgence de l’intégration de la sphère informelle par la délivrance de titres de propriété. Les surliquidités au niveau de la société notamment au niveau de la sphère informelle, montrent la difficulté de transformer le capital argent en capital productif. L’opérationnalité de l’ouverture des bureaux de change suppose gue l’on résolve le problème de la dualité des cours du dinar entre le marché officiel et celui du marché parallèle (écart d’environ 50%) en fonction de profondes réformes dans la gouvernance.

4.-Quatrièmement, il ne peut y avoir de bourse sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales par la généralisation des audits et de la comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de coûts pour les actionnaires.

5.-Cinquièmement, posant la problématique de l’adaptation du système socio-éducatif à l’environnent en perpétuel changement (l’intelligence artificielle pénètre progressivement le système financier mondial), en Algérie force est de constater la faiblesse d’ un Engineering financier national pour les évaluations supposant des bureaux d’études complexes avec des interactions entre technologues, juristes, économistes, sociologues, financiers. Or l’exode des compétences devient inquiétant sachant que le poste services au niveau de la balance des paiements étant passé de 2 milliards de dollars en 2002, de 10/12 milliards de dollars entre 2010/2019 et selon le FMI 6/7 milliards de dollars entre 2020/2022 contre 2 milliards de dollars en 2002.

6.-Sixièmement, transitoirement comme amorce, nous proposons une privatisation partielle de quelques champions nationaux pour amorcer le mouvement et la création de fonds de partenariat Public/Privé pour sélectionner quelques entreprises en vue de leur introduction ultérieure en bourse, une entreprise déficitaire ou ayant le soutien de l’Etat pour leur assainissement–comme cela se passe à travers le monde, ne pouvant être cotées en bourse, en rappelant que selon les données du premier ministère reprises par l’APS durant les trente dernières années à fin 2020 l’assainissement des entreprises publiques a couté au trésor public 250 milliards de dollars et durant les dix dernières années toujours à fin 2020 les réévaluations ont été de plus de 65 milliards de dollars, dont 80% sont revenues à la case de départ. Les annonces officielles de l’ouverture du capital du CPA et de la BD vont dans la bonne direction sous réserve que l’on solutionne le problème épineux des créances tant en dinars qu’en devises. A l’avenir on pourrait mettre en bourse : d’autres sociétés 10% par exemple de Sonatrach, (des importantes sociétés d’hydrocarbures russe et le géant Aramco (Arabian American Oil Company étant cotés en bourse) ce qui permettrait de constituer un indice boursier consistant en volume et en qualité amorçant le cercle vertueux et attirer des opérateurs privés. Ces fonds agiraient comme incubateurs de sociétés éligibles à la Bourse.

7.-Septièmement, en cette ère de profonde mutations mondiales dominée par les grands espaces économiques, l’ère des micros Etats étant révolu, une bourse pour 40 millions d’habitants étant une phase intermédiaire, il serait souhaitable la création d’une bourse euro-méditerranéenne supposant au préalable la résolution de la distorsion des taux de change. Cette intégration devrait dynamiser le tissu productif qui permettra d’accroître le nombre d’acteurs au niveau de la bourse.

En conclusion, mon expérience et mes contacts internationaux aux plus hauts niveaux montrent que les temps ont changé, que les réseaux tendent à supplanter les relations entre officiels même entre chefs d’Etat, que dans la pratique tant des relations internationales et des affaires n’existent pas de sentiments, mais uniquement des intérêts, et que tout investisseur est attiré par le profit, qu’il soit américain, chinois, russe, turc ou européen. Il appartient ainsi à l’État régulateur, dont le rôle stratégique en économie de marché s’apparentant à celui d’un chef d’orchestre, de concilier les coûts privés et les coûts sociaux d’améliorer le climat des affaires par la lutte contre le terrorisme bureaucratique. C ’est l’entreprise qu’elle soit publique ou privée de créer une économie productive permettant d’améliorer le pouvoir d’achat du citoyen. Il est donc nécessaire de cerner les causes du blocage car si les investisseurs algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers les segments créateurs de valeur ajoutée dont la rentabilité n’est pas immédiate mais à moyen et long terme, il ne pas s’étonner, ou encore moins, les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 49/51% ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement. L’attrait de l’investissement à forte valeur ajoutée et la dynamisation de la bourse d’Alger, ne saurait résulter de lois, mais de la stabilité du cadre juridique et monétaire permettant la visibilité, et les pays qui attirent le plus les IDE n’ont pas de codes d’investissement, mais une bonne gouvernance.

Abderrahmane Mebtoul
Pr des Universités
Expert international