«Faire la chasse aux charlatans des plateaux-TV»

Ahmed Bessol :

Un des doyens de la presse sportive africaine, Ahmed Bessol dit Lahouari a publié un nouvel ouvrage sur le Mouloudia d’Oran dont son père a été l’un des membres fondateurs.

Ahmed Bessol est une référence quand il s’agit de discuter du football national, ayant été un acteur privilégié depuis 1962 comme joueur, membre élu du Bureau fédéral de la FAF, journaliste et historien. Lanceur d’alerte et influenceur, dans le bihebdomadaire Botola et FootAfrique.COM, il donne son avis sur l’actualité sportive bien agitée ces dernières semaines, sans complaisance.

Vous venez de publier votre dernier ouvrage «C’était le Mouloudia des Hamraoua 1946–1956». Il a été salué comme un chef d’œuvre de la littérature sportive par vos confrères. Un bel hommage n’est-ce pas ?
L’hommage est pour tous ceux qui ont contribué à la création du Mouloudia d’Oran et qui ont guidé ses premiers pas durant une décennie (1946-1956). C’est également un quartier, celui d’El Hamri avec ses 200 morts et disparus durant la lutte armée. C’est pour eux que j’ai écrit cet ouvrage afin qu’on ne les oublie pas. Les souvenirs de mon enfance et de ma jeunesse ont beaucoup servi à la réalisation du livre. Mon souhait est qu’il donne à réfléchir à ceux qui ont été à la tête du Mouloudia depuis l’avènement du professionnalisme. Je peux vous dire qu’ils ne méritaient pas l’honneur de diriger ce grand club.

Après cet ouvrage, quels sont vos projets ?
Travaillez-vous sur un nouveau livre ou bien allez-vous faire un break et vous lancer dans autre chose d’autant que l’on dit de vous que vous ne prenez jamais de vacances. C’est vrai que j’ai horreur de l’ennui et le temps est précieux. Je ne peux me satisfaire de l’oisiveté. Je viens de terminer un ouvrage sur le football au temps des Colonies à travers la Coupe d’Afrique du nord (1930-1956). Ce fut un long travail de recherches qui a duré une dizaine d’années. J’ai rencontré les principaux acteurs qui ont marqué cette épopée accompagnée d’une caméra que ce soit au Maroc, en Tunisie, en Algérie ou en France. Je profitais de mes jours de repos pour réaliser ce travail. J’ai exploité une nouvelle forme d’écriture parce que cette belle histoire est racontée en forme de carnets par la Coupe d’Afrique du nord, elle-même, surnommée La Mauresque. Dans le livre, on saura pourquoi.

Il y a en vous, le footballeur, le journaliste, l’écrivain, l’historien, le dirigeant en tant qu’ex-membre du Bureau fédéral élu de la FAF et l’entrepreneur avec le bihebdomadaire Botola et FootAfrique.COM qui vient de fêter ses vingt ans. Mais vous semblez avoir voulu toujours éviter de vous exposer. Comment expliquez-vous cela ?
Vous avez oublié de mentionner que j’ai été président de la Fédération de tennis de table et que j’ai présenté des équipes nationales (garçons et filles) de moins de 17 ans aux Jeux africains de 1978. Une révolution à l’époque (rires). En vérité, je n’aime pas ce qui est éphémère. J’ai appris très vite ce que c’est que la gloriole en football. (ndlr- Bessol a remporté le concours du plus jeune footballeur – 3e à Paris, puis le premier concours du jeune footballeur à Alger. Il a été international junior sous les couleurs du MCO et a fait partie de l’équipe historique qui a accédé en Nationale Une). Donc, ce qui m’importe le plus ce sont les idées qui tendent vers le progrès, les feux de la rampe ne m’intéresse pas. Vous avez remarqué que je signe rarement mes articles par mon nom.

On dit de vous que vous avez été pour beaucoup dans la formation des meilleurs journalistes sportifs du pays lorsque vous avez été responsable du service des Sports de l’Agence Algérie Presse Service (APS). Comment expliquez-vous cela ?
C’est en partie vrai. Le seul que je n’ai pas formé est mon fils Nazim qui dirige Botola (rires). L’APS a été une formidable école de formation. Lorsque je suis arrivé en 1974 à l’agence après avoir été muté (ndlr- Journal La République Oran), il n’y avait pas de service Sport. J’ai beaucoup été aidé par Ouardi Noredine et malgré l’anonymat qui caractérise le journaliste – agencier, certains ont réussi un excellent parcours. Ma plus grande joie a été de participer avec toute l’équipe aux réformes du football algérien au Conseil économique et social (CNES). Nous étions les seuls de la presse. Les décisions prises ont donné un autre visage au football algérien et ont permis une restructuration totale des clubs. Nos qualifications au Mondial-1982 et 1986 en sont les fruits.

Justement, on dit de vous que vous avez été et vous l’êtes toujours d’ailleurs, un lanceur d’alerte, voire un influenceur du football national, puisque vous participez à l’aventure du bihebdomaire Botola. Mais une minorité dit de vous que vous êtes plutôt un agitateur ou un trublion. Qu’en pensez-vous ?
Je vous vois venir ! Et je dois vous dire que pour le moment, je ne me suis pas trompé quant à la politique sportive du football national et aux choix des personnes. Seulement, j’avais raison trop tôt. Je n’ai jamais accepté et je n’accepterai jamais ceux qui militent depuis deux décennies pour que le football soit pris en otage par un microcosme minoritaire d’une ville et cela pour des considérations mercantiles. Ces personnes n’ont jamais mis les pieds sur un terrain de football. Ce sont ni plus ni moins que des parvenus qui ont eu le soutien des «puissants» de l’époque. J’ai cotoyé de grands dirigeants comme Si Mohamed Baghdadi, Hadj Sekkal, Abdelkader Amrani, Ahmed Khelifi ou encore Haraigue Rachid, des patriotes qui m’ont beaucoup appris sur les vraies valeurs du sport.

Vous avez contribué au développement du football de par vos programmes comme les «80 points pour le renouveau du football» avec Rachid Haraïgue ou encore dernièrement avec les 50 propositions que vous avez suggérées au symposium organisé par la FAF présidé par Zetchi Kheïreddine.
Mon vécu au sein du Mouvement sportif national (ndlr – depuis 1962) m’a permis de m’intéresser aux problèmes du développement du football. Sa gestion, ces deux dernières décennies, a été une catastrophe tant chez les professionnels que chez les amateurs. Le slogan était : «Enrichissez-vous» sans aucun contrôle de l’Etat sur le financement des clubs même amateurs. L’arrivée de la nouvelle direction à la FAF avec comme président Zetchi Kheïreddine a changé la donne. Le football national a été mis au centre des débats. Ainsi, les réformes qui ont été mises en place et les autres qui le seront apportent une lueur d’espoir notamment avec les Académies et les Centre de formation. Elles vont nous permettre dans une dizaine d’années de rattraper les nations avancées parce que l’Algérie est une terre de football.

Comment expliquez-vous alors ces violentes campagnes médiatiques contre la Fédération algérienne de football. Est-ce que l’on peut dire que le football algérien va aussi mal ?
Dans notre pays c’est toujours «noir c’est noir» parce que c’est facile de détruire plutôt que de construire. Et puis, il ne faut pas oublier la fameuse formule : «Si tu n’as pas compris et tu veux comprendre cherche où est l’intérêt». Et l’intérêt est dans les affaires. Aujourd’hui, le football algérien ne s’est jamais aussi bien porté. Je le dis parce que j’ai vu défiler des présidents à la tête de la FAF, et croyez-moi, l’Algérie possède en Zetchi Kheïreddine, une grosse pointure. De nombreux pays africains nous l’envient et Infantino (ndlr- Président de la FIFA) ne tarit pas d’éloge sur ses compétences. C’est une des réussites de ces trois dernières années. Seulement, les issabistes ont beaucoup investi dans ce secteur «stratégique» sachant qu’il peut être source de mécontentement populaire et donc de déstabilisation. Zetchi est devenu leur cible prioritaire.

On ne se quitte pas sans vous demander, quelles solutions proposez-vous pour que le football national sorte de cette atmosphère polluante dans lequel il se trouve avec ces attaques permanentes contre tout ce qui est favorable à son épanouissement ?
Il est inadmissible que l’on porte atteinte à l’honneur et à la dignité de ceux qui au quotidien, gèrent bénévolement avec sérieux et compétence le football national. Les autorités politiques doivent leur garantir un minimum de protection et la justice de traiter les dossiers de diffamation dans des délais plus courts. Il est temps de mettre de l’ordre dans les médias en donnant les moyens à l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) présidée par Mohamed Louber, de faire la chasse aux charlatans des plateaux-TV. Ils polluent l’atmosphère du football national et donnent une image dégradante de notre pays sur le plan international. Avec ces gens-là, c’est toute la profession qui reste la passion de ma vie et dont je fais partie qui est discréditée. On est bien loin du droit d’informer, on est dans la diffamation et la désinformation permanentes.
Entretien réalisé par Larbi Balta