Pénurie du blé, une nouvelle menace pour la production de «pâtes»

La hausse record des cours du blé à l’international impacte l’Algérie

La facture de l’importation du blé risque d’être salée pour l’Algérie. Quelques heures seulement après l’offensive russe en Ukraine, les prix des céréales ont enregistré un niveau record, atteignant un sommet inédit pour le blé (344 euros la tonne). A cela, s’ajoute un risque accru de rupture d’approvisionnement des marchés en blé dur et tendre. Dans ce cas, tous les pays importateurs, y compris l’Algérie, doivent se poser quelques questions et réfléchir à des alternatives au blé ukrainien et russe, avant la fin de leurs réserves. En effet, deuxième pays consommateur de blé au niveau africain et cinquième importateur mondial de céréales, l’Algérie s’inquiète désormais de toute rupture de la chaîne d’approvisionnement, en raison de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, principaux producteurs et exportateurs de blé, vu la faiblesse de ses réserves.
Ses dernières ne peuvent couvrir, en effet, que six mois de la demande, ce qui suscite des interrogations et les craintes des experts et même des citoyens qui craignent une pénurie de blé, par conséquent, de farine et du pain sur un marché qui connaît déjà une inflation galopante. La seule solution pour le pays est de mettre en place une stratégie efficace et le financement nécessaire pour encourager la production des céréales au niveau national. Intervenant sur les ondes de la radio nationale, Chaîne III, le maître de conférence à l’Ecole nationale supérieure d’Agronomie (ENSA), Arezki Mekliche a mis l’accent sur l’impératif d’augmenter les rendements dans la filière des céréales qui, selon lui, «passe par l’adoption d’une nouvelle stratégie basée sur de nouvelles technologies, des incitations financières mais surtout la libération des initiatives ».
«Il est nécessaire de revoir les techniques appliquées dans les cultures de céréales », a-t-il ajouté.
La guerre en Europe bouleverserait l’ordre économique et aurait des conséquences durables sur le marché mondial des matières premières qui connaît une hausse vertigineuse et sur les marchés locaux à cause de la flambée des prix du blé qui inquiète les producteurs de pâtes alimentaires. Des produits subventionnés encore par l’Etat algérien, mais qui risquent de connaître de nouvelles hausses, si les cours du blé continuent leur ascension sur les marchés internationaux à cause des escalades militaires en Ukraine, quatrième exportateur de blé dans le monde. Les autorités ont déjà fait beaucoup de concessions pour réguler les prix des pâtes alimentaires sur le marché et éviter les pénuries.
Le Trésor public ne peut supporter de nouvelles charges, désormais. L’Etat doit trouver d’autres solutions à toute éventuelle rupture de la chaîne d’approvisionnement du marché national en blé.
C’est depuis quelques années seulement que l’Algérie a changé de fournisseur de blé. Aujourd’hui, elle importe une partie de son blé de l’Ukraine, de la Russie, de la Roumanie ou de l’Argentine. Elle voulait ainsi se détourner du blé français qui, autrefois, dominait l’approvisionnement du pays, sans partage, suscitant même une grande polémique autour de l’attribution des appels d’offres, des prix appliqués à l’importation et de la qualité du produit. Face au risque de pénurie de blé encouru en raison de la guerre en Ukraine, de nombreux experts et personnes s’interrogent sur l’éventuel retour de l’Algérie à l’importation du blé français. Les réserves de blé du pays arrivent à expiration dans six mois. Il faut anticiper toute éventuelle pénurie et tenter de renforcer ses réserves afin de répondre à la demande croissante en la matière. La consommation algérienne de blé s’élève à environ 11 millions de tonnes par an. Une demande couverte par l’importation qui coûte chaque année près de 16 milliards de dollars. Malgré ses efforts pour développer la filière céréalière, la production du pays peine à couvrir le tiers de la demande pour de multiples raisons.
Les conditions d’une bonne récolte et d’un meilleur rendement sont, selon M. Mekliche l’ «eau, de l’énergie solaire, d’un climat favorable et l’absence de maladies s’attaquant à ces cultures sont autant de facteurs qu’il faudra valoriser ». Si toutes ces conditions ne sont pas réunies, les autorités se doivent de changer, selon lui, de stratégie « sur le plan technique, en assurant la disponibilité d’intrants (semences, engrais) de bonne qualité et à temps, sur l’ensemble du pays entre les mois d’août et de septembre au même titre que les engrais ou encore des pièces détachées, afin d’optimiser les rendements ». C’est l’unique issue pour sortir le pays de sa dépendance à l’importation du blé, assurant que «l’adoption de nouvelles techniques permettra de surmonter le manque de pluies », appelant à «favoriser la technique du semis direct (introduction directe de la graine dans le sol sans le travailler) largement appliquée à travers le monde depuis longtemps et qui n’est que timidement adoptée en Algérie », a-t-il regretté.
Pour mettre en place les nouvelles techniques et encourager l’investissement dans la filière céréalière, l’agronome a recommandé la levée des obstacles administratifs et financiers afin de permettre aux agriculteurs de se lancer dans la diversification de la production céréalière.
Il a mis, par ailleurs, l’accent sur l’importance d’assurer «un meilleur encadrement en matière de formation et de soutien, ce qui permettra d’instaurer une confiance entre eux et les ingénieurs agronomes qui devront se déplacer vers les exploitations pour mieux orienter les agriculteurs ». Samira Takharboucht