Guerre contre les reformes, neutralisation des élites populaires

Contribution

L’objectif de certains milieux est de susciter une nouvelle crispation entre Alger et Paris. Mais après le rapatriement des ossements mortuaires de nos chefs de guerre, la relation algéro-française se hisse au niveau qui lui sied. Celui du dialogue entre les Etats, au-delà des manœuvres des milieux revanchards d’outre-Méditerranée d’un côté et du nationalisme rentier des pétrodollars de l’autre côté. En effet, les réformes initiées par le président de la République touchent à d’immenses intérêts nichés dans le monopole étranger en partage de ses relais locaux sur notre transport maritime, notre trafic portuaire, notre sécurité alimentaire, nos télécommunications, notre commerce extérieur, nos infrastructures, nos carburants, etc. Partout la puissance publique veut reprendre la main sur les prébendes du régime néo-Pieds-noirs qui précéda. Ses partisans sont encore très puissants. Il a suffi, la semaine dernière, que le Conseil de la nation examine le jeudi 25 juin, la loi instituant le 8 mai 1945 comme Journée de la mémoire, d’un crime contre l’humanité ayant impliqué jusqu’à la marine française pour que notre ministre des Moudjahidine subisse une attaque en règle. Nous assistâmes alors à une mystification d’envergure. Elle visait à escamoter la responsabilité historique de la France dans ce massacre qui la marqua au fer rouge de l’infamie. La manœuvre consistait à ouvrir le procès symbolique du ministre Si Tayeb Zitouni, en prétendue détention d’un passeport français, prolongation perfide de l’imbroglio de la double nationalité de la marionnette Samir Chaabna. Avec le recul, nous comprenons que tout ce scénario, ce montage de première sophistication, sentait la manipulation d’officines sur le départ cherchant à faire échouer le rapatriement des ossements mortuaires de nos résistances populaires d’hier. C’est que la barbouzerie fait recette dans les milieux interlopes qui ne trouvent de bénéfices que dans l’ingénierie des imbroglios. De tous côtés, des intérêts rapaces lointains mais intimes du régime précédant cherchent à contrecarrer nos redéploiements et à promouvoir la détestation, par nos jeunes élites populaires, de leur Etat-national.

La mentalité néocoloniale n’a pas de double passeport. Elle ne se pose pas de questions existentielles ineptes pour chercher à savoir vers quelle légitimité pencherait une identité duale tant elle est mono-orientée et cherche avec application son accomplissement prévaricateur. Elle possède les moyens de sa politique car elle est le produit d’une force sociale organiquement liée à la mondialisation. Elle s’exprime dans les couloirs de nos ministères en options dilatoires, suscitant l’impatience présidentielle jusqu’à provoquer un remaniement ministériel de nos secteurs stratégiques (ceux de l’énergie, de la sécurité alimentaire, des finances) et un réarmement de leurs leviers (l’économie de la connaissance, la numérisation et la transition énergétique). Elle lève ses mains (les deux pour faire bonne mesure) à l’assemblée des béni oui-oui des maroquins «démocrates» réservés en priorité aux fractions acculturées. Elle ne jure que par l’universalisme laïcard applaudi par les enfants de Pieds-noirs qui peuplent les hautes travées de nos entreprises publiques les plus prestigieuses, exhibant fièrement le passeport vert….de leurs billets de banque américains ! Si ce n’était la colère de détestation d’eux-mêmes, nous ne pourrions les reconnaitre que dans leur obstination appliquée à vouloir évacuer du texte constitutionnel en cours de discussions, la valeur constituante du Premier Novembre, qui pourtant, leur fit la concession de s’exprimer en français, comme pour mieux leur ôter des prétextes en faux-procès culturels. Cette aliénation d’ordre anthropologique, patiemment éduquée à distance, parle aisément avec le « tcheu » et le « reu » de la défaite cinglante infligée par un mouvement populaire de l’intelligence sociale révolutionnaire que les mélopées féminines venues du fond des âges de nos montagnes du Djurdjura ont rendu muettes à jamais de leur prononciation revancharde. Cette terre est populaire et le restera inch’allah. Ce caractère issu d’une résilience ancestrale qui nous porte à l’altérité, aussi bien dans nos douars que dans la plus reculée des cités de banlieue de Lyon, constitue notre véritable document de voyage dans ce bas monde. Il est le laisser-passer singulier que tous les authentiques patriotes reconnaissent spontanément comme faisant partie intégrante de l’algérianité, une attitude décontractée en complicité combattante contre les puissances de l’argent et de la dissolution du sentiment national. Nous pouvons déchiffrer ce sauf-conduit immédiatement dans toutes les Nations du monde tant l’Islam, religion des peuples et non pas des églises, nous enseigne une fraternité universelle transcendante de tous les tribalismes.

Action psychologique contre nos élites populaires

Cette capacité naturelle à l’auto-identification de nos devenirs intimes, enrage les pseudos élites de l’adulation du confusionnisme, du nationalisme étroit cachant mal leur logique rentière corrompue. Elles réfutent la lutte qui est la nôtre, en tentatives d’évincements de notre mémoire d’évènements dramatiques, comme ceux du 08 Mai 1945. Mais notre peuple héroïque les transforme en un patrimoine précieux, légué par nos chouhada insurgés, défendu courageusement par le ministre des Moudjahidine, Si Tayeb Zitouni. Cette haine vis-à-vis de nos morts prononce des jugements médisants contre les vivants, comme par exemple les critiques adressées à la nomination d’une championne authentique, la judokate Salima Souakri, dix fois championne d’Afrique. Comme si les sacrifices à consentir pour mener durablement une carrière sportive de haut niveau ne valaient pas les meilleurs diplômes du monde. Les CV de l’académisme des classes hégémoniques cherchent à mentir sur leurs véritables intentions, en prises martiales de la véritable traitrise que les tribunaux nous révèlent chaque jour par milliards de dollars. Ce sont les mêmes sentiments de perfidie qui poussent la propagande de certains salons algérois à réclamer l’ouverture des plages, à réfuter la Covid-19, à chercher à diviser irrémédiablement le peuple algérien en intérieur (au sein du territoire national) et extérieur (notre immigration) sous prétexte de bi-nationalité juridique. Pourquoi changer une veille ruse intellectuelle qui fit la preuve de son efficacité en 1956, en divisions manipulatrices de dimension politique et en débats stériles pour démobiliser le front populaire nécessaire à l’effort de redressement national, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Ceux qui réfutent la bavette ne postillonneront pas bien longtemps leur haine d’un peuple à nouveau en ordre de marche. Leur peine est perdue en vaines tentatives de suggestions d’élargissements infinis de la Commission Laraba, de conférences nationales autour du texte constitutionnel, d’assises faussement consensuelles, voire d’une assemblée constituante désignée, d’où seule la démocratie du peuple souverain, nécessaire à la bonne conduite de tels débats, sera exclue. Le climat délétère que cherchent à créer des cercles idéologiques qui tournent en ronds, vise en dernier ressort les discussions constitutionnelles pour tenter – par tous les moyens manipulateurs de pressions sociales, de coups médiatiques se voulant révélateurs d’une hypothétique vraie nature du régime en place – de les faire passer pour une énième esbroufe d’un régime tyrannique! Mais les jeux sont défaits. Le «Hirak béni», que personne n’attendait, a ouvert de nouveau le champ de tous les possibles en une authentique prise de conscience sociale du rôle des forces populaires dans notre édification nationale. C’est pour cette raison précise qu’il est maintenant nécessaire de passer, sans plus de délais, à la phase probatoire du texte constitutionnel. La guerre est d’abord menée contre un exécutif présidentiel, cœur battant des reformes. L’action en réponse, de Si Abdelmadjid Tebboune, fait de l’herméneutique (la science de l’interprétation des textes), un mode de déploiement offensif, toujours adossé à des explications d’ordre pédagogique. C’est l’exercice auquel il s’astreint patiemment lors de ses rencontres avec la presse, mais également lorsqu’il consent à prolonger le débat sur la révision constitutionnelle ou bien au moment des Conseils des ministres rendant particulièrement claire le sens politique de l’action gouvernementale en soulignant les orientations saillantes, sans possibilité pour les concernés (les ministres) d’en diluer la puissance synthétique. Ce sens de la clarification se retrouve dans l’organisation par la télévision publique, d’émissions spéciales, donnant la parole à ceux qui ne la prennent jamais, comme les gens du Sud. Il s’agit d’éveiller les consciences de tous, de battre en brèche l’égoïsme du centre du pays (Alger, Blida, Tipaza, Tizi-Ouzou consomment 50% du budget consacré aux wilayas), de promouvoir une stratégie de développement, d’affirmer les besoins pluriels de nos populations, de ne plus faire crédit aux poncifs revendicatifs dits démocratiques mais en réalité néocoloniaux tant au niveau des problématiques culturelles soulevées que dans la manière d’aborder le développement économique et social, trop souvent ethno-centré. Cette façon toute en délicatesse et en tolérance de l’approche du président de la République tranche avec les rodomontades douteuses dont nous fûmes sevrés, des partisans d’un exécutif fort de…ses renoncements intéressés pour lui substituer une véritable didactique de la réforme politique. C’est le prélude indispensable à la démocratie et à son corollaire, l’économie anti-rentière qui devient désormais une nécessité sociétale.

La parole au peuple souverain

Cette faculté à synthétiser et donc à exprimer de manière signifiante le sens des reformes serait vaine si elle n’était accompagnée de la volonté de voir le discours politique se traduire par des changements concrets. L’augmentation des salaires en support des classes paupérisées par les effets de la mondialisation sur notre économie, la prolongation obstinée des bénéfices de nos déploiements infrastructurels de base (sécurité, eau, électricité, télécommunications, santé, routes, transports scolaires, cantines, écoles de proximité) en désenclavement des zones d’ombre, porte en gestation l’expression des masses populaires qui ne manquera pas de se réaliser lors des prochaines échéances électorales (referendum de la constitution, législatives et municipales). Ce vaste basculement sera fondateur de l’Algérie Nouvelle, des logiques populaires en lieu et place de perspectives antinationales. Toute la question est là. Il ne peut y avoir de développement économique et social véritable dans ce pays, en dehors d’une libération des énergies populaires, seules capables de battre en brèche les forces réactionnaires, nourries au biberon de la rente pétrolière, en conjonctions de forces sociales mondialisées qui se fichent de la couleur de nos passeports pour ne considérer que celle de leur argent. Aucune réforme politique ou économique ne pourra porter ses fruits, si elle ne s’appuie pas avant toute chose sur des aspirations sociales puissantes, en leviers déterminés des progressions matérielles. En ce sens la démocratisation en cours et dont nous espérons de tout cœur qu’elle se verra confirmée par un régime électoral futur novateur et radical, est grosse de ruptures politiques irréversibles et de différenciations économiques fécondes pour peu que nous sachions façonner un modèle politico-économique au plus près de nos caractères. S’exprimeront alors les énergies juvéniles populaires qu’un lent et patient apprentissage de la démocratie attend. Elles mesureront alors ce qu’il en a couté aux générations précédentes de maintenir haut le seul étendard de l’Etoile et du Croissant en ralliements indéfectibles à la sincérité, au travail, à l’effort, à l’éducation, à la science, à la technologie, à la connaissance, véritables patries de tous ceux qui sont investis du legs du flambeau et non pas de dévolutions rentières, héritées en richesses patrimoniales par la bande et ses acolytes proches et lointains. Le 5 Juillet que nous venons de fêter avec émotion, pour nos 58 ans d’indépendance, doit ainsi être mis à profit pour conclure les débats sur la réforme constitutionnelle en une mouture novembriste affirmée, pour que plus aucun daltonien ne vienne nous démentir que les couleurs de notre drapeau devant ses yeux malades, sont bien le rouge sang des martyrs, le vert de l’Islam et le blanc de la pureté de nos âmes patriotes.

Brazi