Des soldats égyptiens à Tobrouk impliqués militairement en Libye aux côtés des forces de Khalifa Haftar

Libye

Des militaires égyptiens en opération en Libye commencent à publier leurs photographies sur les réseaux sociaux. Ce fait est normalement interdit dans la plupart des forces armées de la planète, mais révèle ce que tout le monde savait depuis des années concernant l’implication militaire directe de l’Égypte en Libye.

L’Armée égyptienne se bat en Libye aux côtés du Maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de la Cyrénaïque, qui veut occuper la Tripolitaine et le Fezzan par la force des armes. Les soldats égyptiens se sont heurtés à différentes reprises avec les soldats turcs appuyant les forces de Fayez al-Serraj de Tripoli et les pertes militaires égyptiennes sont systématiquement comptabilisées en Égypte comme résultant d’opérations anti-terroristes en cours au Sinaï. De ce fait, Le Caire cache son implication directe en Libye, même s’il reconnaît que son aviation de combat et notamment les Dassault Rafale qu’il a obtenu de la France avec un financement d’un pays du Golfe, mènent fréquemment des raids aériens en Libye. Avec son implication politique, militaire et diplomatique en Libye en faveur de l’un des principaux belligérants libyens, L’Égypte du Maréchal Abdel-Fettah al-Sissi se retrouve impliquée dans un conflit à l’Est et à l’Ouest car le terrorisme dans la péninsule du Sinaï fait rage. A ces deux conflits s’ajoutent une très forte tension géopolitique permanente avec la Soudan sur fond de revendications territoriales et plus encore avec l’Éthiopie en raison de la construction d’un barrage risquant d’affecter en amont le Nil, véritable poumon historique de L’Égypte. En outre, L’Égypte est à couteaux tirés avec la Turquie pour des raisons idéologiques et stratégiques.
L’intervention militaire turque en Tripolitaine en soutien au Gouvernement d’entente nationale de Tripoli a grandement irrité Le Caire et ses soutiens des pays du Golfe. Les soldats égyptiens ne sont pas les seuls à se battre en Libye. Le plus gros contingent est fourni par l’armée régulière soudanaise dont des centaines de soldats ont péri jusqu’ici dans ce conflit en cours. Les militaires turcs et russes (appartenant au groupe PMC Wagner) ont également subi des pertes substantielles en Libye. Les forces turques soutiennent les forces du gouvernement d’entente nationale de Tripoli et les milices alliés de Misrata, tandis que les forces égyptiennes, soudanaises, émiraties en plus des mercenaires du groupe PMC Wagner se battent aux côtés des forces de Haftar. Des commandos et des agents de liaison de l’Otan et plus particulièrement ceux de Grande-Bretagne, de Grèce, de France et des États-Unis sont présents sur le terrain où ils offrent des services au Maréchal Haftar. Dans le camp opposé, seule l’Italie soutient directement Tripoli, surtout au niveau du renseignement. Egypte : rien ne va plus… Le Général Al-sissi, chef des armées égyptiennes appelle les égyptiens à soutenir une lutte sans précédent contre le terrorisme.
Le rôle du nouvel homme fort de l’Egypte demeure encore ambigu mais les pressions croissantes de Washington et de l’Union européenne en faveur des Frères Musulmans indiquent que l’armée égyptienne n’est pas aussi docile qu’elle veuille bien le faire croire et qu’elle a sa propre conception de la sécurité nationale. Pendant ce temps, des rapports secrets établis par des ambassades de pays maghrébins au Caire s’inquiètent d’une «probable invasion de [millions] de réfugiés égyptiens en Libye, en Tunisie et en Algérie. Rien ne va plus en Egypte. Le discours assez surprenant du général Al-Sissi, chef suprême de l’armée égyptienne, tenu aujourd’hui dans la plus grande académie militaire de ce pays de 92 millions d’habitants a non seulement laissé perplexe la plupart des observateurs mais a accentué une impression de déjà-vu. Intervenant après une semaine de violences, particulièrement dans la péninsule du Sinaï, le général égyptien affirme qu’il en appelle au peuple égyptien pour soutenir la démarche de l’armée dans sa lutte contre la subversion.
Soumis à une pression croissante de son puissant allié US et à d’autres moins pressantes émanant de pays de l’Union européenne en faveur du mouvement des Frères Musulmans, Al-Sissi dispose d’une étroite marge de manœuvre. Il sait que lorsqu’il s’agit de la sécurité d’Israël, les Etats-Unis n’hésiteront devant rien. Il sait aussi qu’une partie des islamistes a décidé de recourir aux armes, notamment au Sinaï mais également dans l’enclave palestinienne assiégée de Gaza où des chefs influents des Frères Musulmans égyptiens viennent de se réfugier et fonder un commandement avec objectif de libérer l’Egypte de la «junte militaire fasciste» et de rétablir ce qu’ils appellent la légitimité. Les milliers de réfugiés syriens et des palestiniens anti-Assad présent sur le sol égyptiens participent dans les actes de violences contre les symboles de l’autorité et les partisans de l’armée. Cette donne inédite a fait bouger des lignes. La IIIe armée égyptienne dont le commandement est stationné à Suez a pour la première fois explicitement menacé les réfugiés syriens et palestiniens de sérieuses conséquences s’ils continuent de se mêler des affaires égyptiennes.
La menace n’est pas vaine. Les militaires égyptiens redoutent une collusion entre ces milliers de réfugiés syriens accueillis par le précédent régime islamiste de Mohamed Morsi et les groupes armés libyens. Qui est réellement Al-Sissi ? C’est la question que ce posent les américains et les israéliens. Quel est sa position réelle dans cet échiquier où s’enchevêtrent les intérêts saoudiens et israéliens? De toute évidence et après son discours d’aujourd’hui, l’homme est bien plus complexe que ce qu’il a laissé croire. Certaines de ses phrases révèlent en lui un fin connaisseur des rapports de force réels et des enjeux. Du coup, Israël transfert en urgence des systèmes ABM près des frontières égyptiennes. Officiellement pour parer à toute attaque d’Al-Qaïda. Mais personne n’est dupe. Washington dont l’aide à l’Egypte est subordonnée au degré de la soumission du Caire attend. Sans trop savoir maintenant qui est vraiment ce général à l’allure d’un Gaddafi et dont le son de la voix rappelle celui de Nasser…
Mohamed El Ouahed