L’université algérienne, entre le renforcement de ses acquis et la pré́paration des perspectives de son évolution

Eléments de réflexion

«L’université n’est pas un monde clos, elle doit ê̂tre sensible à l’é́volution du monde, à̀ l’é́volution du monde des connaissances et aux exigences toujours renouvelé́es de la formation et de la recherche.»

Cette approche est d’autant plus importante, pour nous faire sortir de la logique de la sanction et de l’appréciation de la formation universitaire par le diplôme, vers la logique de l’évaluation et de la validation de la qualité de la formation par son contenu et les compétences exigées. Processus dont la finalité pourrait être la valorisation des formations issues du système LMD, particulièrement la licence qui reste une grande ambition de ce dernier. Ceci montre clairement qu’au niveau du système LMD (construit sur la base d’un système de crédits), que la valeur du diplôme ne se mesure pas par le nombre d’années d’étude mais, elle se mesure par son contenu. Maintenir une implication active du Secteur Socio Economique dans la construction de l’offre de formation est aussi un autre gage pour réussir une relation durable entre ces deux partenaires et d’assurer une meilleure conception des contenus. En outre, on constate aujourd’hui que l’approche par compétence n’est plus réservée à la licence et au master, elle prend aussi une place importante dans le doctorat troisième cycle (formation doctorale).
Aussi, au-delà du contenu de ses recherches, le doctorant doit acquérir un ensemble de compétences qui lui permettent d’analyser des informations et de les synthétiser, de rédiger, de communiquer, de mener des projets, de maîtriser les outils du numérique, et de comprendre les enjeux de l’innovation et de la valorisation des produits de la recherche. Cette nouvelle démarche a permis au niveau de ce cycle, l’introduction du principe du passage d’une simple logique de réalisation d’une recherche à une logique de formation. En partant de ces nouvelles données et des exigences du monde socio- économique, il appartient à l’université d’initier les étudiants à maîtriser aussi les règles et les codes du monde professionnel en impliquant les structures comme les Centres des Carrières, les maisons de l’entreprenariat, la programmation des stages en entreprises, l’organisation des enseignements en alternance entre l’Université et l’Entreprise, l’organisation des entrepreneuriales et des doctoriales, ainsi que l’installation des FABLABS, qui sont d’une part, des espaces technologiques destinés à faire exprimer les capacités de création des étudiants et d’autre part, sont des plateformes d’ingénierie, nécessaires au lancement et au développement d’une nouvelle révolution industrielle.
Il s’agit donc, de préparer l’étudiant à acquérir les compétences sociales, qui sont : l’esprit critique, l’esprit d’équipe, la confiance, la créativité, la communication et l’éducation à la citoyenneté. En plus de cela, il faut qu’on comprenne, clairement que la révolution du numérique a créé de grands bouleversements au sein de l’université auxquels elle doit faire face, par l’adoption «d’une stratégie du développement du numérique» et la formation des différents acteurs de l’université à la maîtrise de l’utilisation des outils du numérique. Par ailleurs, le fait que la connaissance est hébergée dans les bases de données (data center), il revient à l’université de concevoir une démarche pédagogique, amenant les étudiants à faire le meilleur profit de ces connaissances dans leurs cursus universitaires, en les formant comment apprendre à apprendre. Si le savoir disciplinaire reste par évidence au centre de la formation universitaire, aujourd’hui, il ne suffit plus, pour cette raison, il faut apprendre à trier les informations et prendre le recul devant leurs provenances et leurs sources.

Prendre du recul est une démarche intellectuelle qui est le propre de tout universitaire, elle permet de développer et forger l’esprit critique chez nos étudiants. Aujourd’hui l’université, à travers l’exercice de ses missions, elle est appelée à intégrer dans tout projet de formation les principes et les valeurs définis par : Le savoir apprendre ; Le savoir-faire ; Le savoir être. Ce sont ici, les composantes d’un enseignement global qui regroupe les éléments d’un processus à mobiliser pour la construction de l’offre de formation universitaire. Un enseignement global est un assemblage de normes, de référentiels, de méthodes, de supports, des compétences, des métiers et une projection dans une carrière professionnelle. Ceci, nous interpelle à juste titre, pour que l’Université algérienne, ou traditionnellement, l’offre de formation est restée en grande partie très académique, doit prendre la direction de la formation universitaire globale, afin de répondre aux étudiants, aux parents et aux entreprises que c’est «le pourquoi apprendre» qui est mis en avant et que le sens des études doit être exprimé en termes concrets, traduisant la liste des compétences et leur lien direct avec l’insertion professionnelle. Enfin, dans le cadre de la progression du LMD, actuellement devenu un enjeu universel, la logique qui se dessine, c’est qu’à tout moment on doit répondre à la société sur «le pourquoi apprendre au lieu du quoi apprendre».

II- La Relation Université-Entreprise : Comment créer un rapprochement volontaire et réciproque ?
L’université comme l’entreprise sont deux monde qui se côtoient, mais ne parlent pas la même langue. Pour résoudre ce problème il y a lieu de mettre en place des interprètes, en d’autres termes, des médiations, qui auront pour rôles de changer le regard de l’université sur l’entreprise, et d’essayer de changer aussi le regard de l’entreprise sur l’université. La question à traiter dans cette relation U/E n’est pas liée à la proximité physique ou spatiale, car aujourd’hui, on peut travailler avec son voisin comme avec quelqu’un qui se trouve au bout du monde. Il y a une autre proximité, la proximité organisationnelle et institutionnelle qui est construite sur la base de projets avec des contenus discutés ensemble. Pour dire que c’est un espace de formation, de créativité et d’innovation, disposant d’un programme d’actions, de perspectives et d’un capital humain. Ici, on comprend bien que le rapprochement université-entreprise n’est pas un simple phénomène spontané, mais une réalité à construire. Sujet que nous essayons de développer à travers la vision et les pratiques engagées par l’Université Frères Mentouri – Constantine.
À partir de l’expérience de l’Université des Frères Mentouri – Constantine dans le domaine de la relation U/E, nous présentons ici les différents facettes des liens qu’elle a tissés avec son environnement. Bien sûr cette expérience a été construite en s’appuyant sur nos propres pratiques, et celles développées avec d’autres universités et institutions, soit dans le cadre de la coopération bilatérale, ou à travers les programmes européens (Tempus et Erasmus+) et en dernier lieu le programme PAPS-ESRS. Ce parcours, riche en résultats, qui sont le fruit des échanges et de collaborations, nous a permis de mettre en pratique plusieurs approches et actions avec différents secteurs socio-économiques. Les enseignements tirés de cette dynamique, montrent bien que la relation U/E est devenue une nouvelle mission pour l’université, à laquelle elle doit se préparer et s’organiser de façon permanente et continue. Ainsi, les éléments clés de sa réussite et de sa concrétisation effective passent obligatoirement par la mise en place de plusieurs chantiers, qui sont : La professionnalisation de l’offre de formation (une réponse aux besoins de l’entreprise et du développement socio-économique : une réponse à la demande sociale).
La mise en place de formations qui ciblent les besoins des entreprises ou d’un domaine d’activité socio-économique (un moyen de rapprochement et de partenariat de l’université avec les autres secteurs). La professionnalisation représente aussi un dispositif de services aux entreprises comme aux organismes. Cet aspect, de la formation universitaire qui est la professionnalisation des parcours doit être intégré dans le projet d’établissement (en moyenne 50% des offres de formation doivent être déclinées vers la professionnalisation où chaque parcours est soutenu par un comité de perfectionnement). La professionnalisation de l’offre de formation implique aussi une préparation de l’université à développer et renforcer ses capacités en ingénierie pédagogique liée à la spécificité des parcours de formations appliquées. Il faut noter aussi qu’au niveau de l’université que la mise en place d’une dynamique et une politique intensive en apprentissage technologique par l’intermédiaire de l’installation de plateformes technologiques et de travaux pratiques, favorisent le lien avec l’industrie et ses branches d’activités professionnelles.
En outre, ce processus de la professionnalisation nécessite l’accompagnement par un suivi de l’employabilité des formations et un dispositif de l’insertion professionnelle des diplômés. 2.La Recherche – Développement (moteur de l’innovation, un appui pour la compétitivité, et un levier pour la performance de l’entreprise) La valorisation des travaux de recherche et la création d’équipes de compétences ayant pour mission de développer au sein des entreprises une activité de recherche-développement, représente une résultante de renforcement du lien U/E, et une dynamique de relation basée sur l’échange et les capacités d’intervention de l’université par la proposition de solutions aux secteurs socioéconomiques. Pour réussir ce niveau qualitatif d’échange et de collaboration entre l’U/E il y a lieu de construire des formations qui préparent aux métiers de la recherche développement (Parcours masters), d’intensifier les activités d’études et d’expertises (Contrats d’études ), et de cerner et d’identifier des problématiques et thématiques à caractère appliqué dont le traitement passe par la réalisation de travaux de thèses en entreprise (faire de l’entreprise un espace d’expansion de l’espace de recherche universitaire). Par ailleurs, l’université doit travailler pour rendre exploitable les produits et les résultats de la recherche, afin qu’ils soient transférables à l’industrie.
(A suivre)
Par Abdelhamid Djekoun