Manque d’eau, envasement et salinité des sols

Mascara (Mohammadia)

Le désarroi du monde agricole face à l’incompétence des décideurs est sans limite. Ce qui se passe dans la wilaya de Mascara, où le ridicule tue au coup par coup, a fait sortir de leurs gonds les fellahs de Mohammadia qui se sont déplacés à la Maison de la presse sise au chef-lieu de la wilaya. Il ne faut pas se mystifier, si vous visitez le chef-lieu de la wilaya et autres daïras en voyant des jets d’eaux dans presque tous les ronds-points et autres simulacres qui cachent la vérité âcre. La wilaya végète dans l’immobilisme et pour les visiteurs, c’est le paradis de la «ville des eaux» par excellence.

La région se trouve confrontée au manque d’eau, subissant de surcroît un autre problème de taille, une contrainte naturelle qui a atteint la cote d’alerte. En effet, les chefs de de file des fellahs de la daïra de Mohammadia, y compris de la plaine de la Habra, reçus à la Maison de la presse, sont montés créneau pour dénoncer les incompréhensions et autres injustices de la part de ceux qui sont censés être autour de la table de décision. La wilaya de Mascara qui était à vocation agricole a perdu d’emblée son blason doré de culture polyvalente, et ce depuis plus trois décennies. Le maraîchage qui occupait une place importante, à l’exemple de la pomme de terre et de l’oignon, et dont cette région profonde n’a plus malheureusement le privilège de fournir aux divers marchés national du pays. Pour rappel, la wilaya de Mascara avait cultivé 13.738 ha de maraîchage, et près de 131.767 hectares étaient destinés à ces cultures.
Sur le plan hydraulique, où il est vital de maîtriser toutes les potentialités de la région qui favoriseraient les programmes d’extension de l’irrigation et de permettre surtout de combler le déficit en eau qui menace la wilaya. Pour atténuer ce manque à gagner en matière hydraulique qui frappe en plein fouet la wilaya de Mascara, les services de l’agriculture sont préoccupés, dans un premier temps, par l’état d’érosion qui a fait son itinéraire sur toute la chaîne des monts de Béni-Chougrane. Les stigmates commencent à être visibles, notamment par une désertification de plusieurs espaces qui se dénudent au fil du temps. Les conséquences de la sécheresse qui ont été comptabilisées dans cette région profonde de l’Algérie, qui ont systématiquement laissé des résultats préjudiciables sur l’avenir de la wilaya sans que les responsables centraux et locaux qui se sont succédés n’aient pu remédier à cette descente aux enfers des barrages et autres digues qui connaissent un envasement dramatique, et ce contrairement à d’autres wilayas qui ont été comblées en infrastructures hydrodynamiques.
Dans ce contexte difficile, la lutte contre l’érosion s’impose au plus haut point dans une région qui fait la séparation entre la plaine de Ghriss, celles de Mohammadia et de Sig, et dont le paysage présente un aspect de désolation et d’aridité manifeste. Cependant, le visiteur aura l’occasion de voir que cette région garde encore sa biographologie de banquettes et de plantation. L’aspect de dépérissement des arbres est, lui, très avancé. Quant aux banquettes, elles se sont tout simplement effritées.

L’envasement s’éternise sans aucun dénouement
Les résultats de cette situation est tant que l’érosion avance à grande échelle, la stérilité des sols a une incidence directe sur l’envasement des barrages et des retenues d’eaux. Atténuer l’avance de l’érosion et des effets néfastes sur le sol et l’environnement suppose l’application d’un schéma de mise en défense et la reprise de la confection des banquettes. Il faut souligner, par ailleurs, qu’un sol dénudé fait régresser le taux de pluviosité. L’état actuel se situe à l’origine de l’envasement des barrages, et notamment celui de Fergoug qui irrigue la plaine de la Habra située à Mohammadia. L’envasement du barrage de Fergoug qui a été évalué à 100%, a réduit automatiquement la capacité des retenues des eaux.
Le niveau d’eau a complètement chuté. Il en est de même pour le barrage de Sidi-Bouhanifia. Sa capacité initialement de 75 millions de mètres cube, ne serait actuellement que de 45 millions, soit un envasement de 45%, ce qui dénote un rapport évident au degré d’envasement. A tous ces faits, un trait commun : tous les travaux d’entretien et de drainage des barrages ne sont que gaspillage et arnaque si au préalable aucune mesure n’est appliquée pour limiter les effets de l’érosion constatée au niveau de tous les bassins versants. L’exemple d’une société turque ou syrienne qui a eu le palmarès d’escroquer un marché de dévasement du barrage Fergoug, qui en dit long sur des marchés octroyés à un niveau centrale à des amateurs de pêches en eaux saumâtres, où la facture en devise a atteint son summum dans cette affaire et dont le Turc et le Syrien ont pris la poudre d’escampette dès la paiement de l’ardoise. Nous avons pour souvenance que cette affaire qui a vu plusieurs cadres de l’ANBT poursuivi en justice, et dont malheureusement la leçon n’a pas été retenue, et ce jusqu’à l’heure où nous mettons sous presse le présent article.

Le périmètre irrigable de Mohammadia : les oranges manquent de jus
Cette situation s’est traduite par la disparition totale ou partielle de certaines cultures et arboricoles, à l’exemple des agrumes et les oliveraies où le recul des superficies irriguées et des complications à préserver le potentiel productif au niveau des plaines de la Habra et Sig et l’exploitation méthodique des terres des plaines intérieures de Ghriss-Tighennif et les effets négatifs à venir sur le plan socioéconomique seront incalculables pour la wilaya où cette ressource devient de plus en plus rare et difficile à mobiliser. Une approche nouvelle s’avère urgente et est à prospecter au niveau local et régional. Le manque d’eau dans la daïra de Mohammadia, qui ne date pas d’hier est désormais ressenti par la population et les fellahs. Le périmètre irrigable à partir du barrage de Fergoug couvre une superficie de 19 610 hectares dont 5 100 hectares en agrumes, en constante déperdition vu la salinité des sols.
Les minces disponibilités en eau, qui se sont d’abord fait ressentir au niveau du barrage il y a de cela plus de trois décennies, sont également dues aux grandes altérations à partir des canaux d’irrigation saccagés qui nécessitent une rénovation complète pour économiser et utiliser une partie non négligeable à l’amélioration des rendements du maraîchage et de l’arboriculture. L’urgence dont personne ne veut plus entendre parler, signale ce manque d’eau dans une région réduite au silence des responsables au niveau central qui a d’ailleurs occasionné la suppression de certaines cultures annuelles dans le strict souci de préserver la vie, voire la survie de l’arboriculture ou, du moins, de ce qui en reste. Les autres zones distantes du réseau principal accusent elles aussi un déficit en eau. Les exploitants qui se sont à plusieurs reprises montés aux créneau, notamment lors de la visite du président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika dans la wilaya de Mascara, et celle de l’actuel Premier ministre qui ont exprimés leurs ras-le-bol au niveau de cette zone insuffisamment irriguée et de façon irrégulière.
C’est cette situation qui prévaut dans la daïra de Mohammadia. Les citoyens rencontrés accusent les exploitants du périmètre irrigable à partir des canaux de détournement illégal aux dépens de la population qui endure le calvaire. Accusations mutuelles ou pas, la guerre de l’eau a déjà été entamée dans une wilaya où les forages illicites ou autorisés sont pompés au seul cercle restreint des épaules larges et autres gros bras intouchables qui ont pignon sur le terroir. Au passage, nous signalerons que le barrage de Fergoug alimente également la zone industrielle d’Arzew. Cette ponction qui s’est faite sur les eaux destinées à l’irrigation a été évaluée à 800 litres/seconde. Soit un total de 30 millions de m3/an. La compensation de prélèvement qui s’effectue depuis 1976 est en principe prévue à partir du barrage de Sidi M’hamed Benaouda (Relizane). Il était plus subtil de la part de la Sonatrach ou des responsables de la zone industrielle d’Arzew de venir en aide, notamment dans le cadre des opérations de drainage et d’entretien des barrages au niveau de la wilaya de Mascara, pour plus de justice.

Sig : l’arboriculture se meurt
Dans la daïra de Sig, la même situation est omniprésente. Elle est due elle aussi à l’envasement du barrage Sarno, situé à quatre kilomètres de cette importante localité et alimenté par un barrage plus important, celui de Chorfa. Le périmètre de Sig est concerné exclusivement par la «grande hydraulique». La «petite hydraulique», susceptible de développer l’irrigation dans une région, est évidemment conditionnée par de nombreux apports en eau, ce qui n’est plus le cas actuellement. Une autre tare se présente : la salinité des sols. La région se trouve confrontée au manque d’eau, subissant un autre problème de taille, une contrainte naturelle qui a atteint la cote d’alerte. Le taux de salinité refoulé à la surface est de l’ordre de 11 à 12 grammes de teneur en sel par litre.
Une grande partie de l’arboriculture a été abîmée par cette catastrophe naturelle. L’arboriculture est complètement menacée. Plusieurs cas de dépérissement de sujets sont visibles à l’œil nu. Plusieurs terrains incultes sont carrément envahis par les eaux salées et prennent la forme d’un véritable marécage, lorsqu’il n’y a pas infiltration qui ont servi à l’irrigation d’eau et de sels qui remontent à la surface, détruisant ainsi l’arboriculture. Des cas de dépérissement ne cessent de se propager et aucun renouvellement de plantation n’est possible sans l’assainissement général de la plaine. En attendant mieux, beaucoup reste à faire, et ce, en attendant que les décideurs arrêtent de «badigeonner dans le tas», à la caricature dans ce qui se passe devant les caméras de la télévision qui a une tendance dans notre pays à un arrangement, au scoop visant le dressage des cerveaux d’une partie très crédule de la population.
Manseur Si Mohamed