L’épopée, des origines à nos jours

Genres littéraires

Elle est faite dans un langage esthétique des grands maîtres du verbe et consiste à composer des vers pour faire part à ses contemporains ou ses proches, des faits d’histoire, de religion qui ont le plus marqué le monde des actes héroïques ou de lutte intestines.

A l’origine de l’expression langagière, il y avait l’épopée associant l’histoire à la littérature ainsi qu’à tous les domaines de la pensée comme la religion, la philosophie, la sociologie pour sauver de l’oubli tout l’héritage de l’humanité. C’est pourquoi elle est devenue un genre couramment privilégié dans les sociétés longtemps privées de l’usage de l’écriture. Et dans ces sociétés l’épopée s’appuie sur la chanson pour se développer, à défaut d’autres moyens de communication.

Dans les pays à longues traditions populaires
L’odyssée d’Homère est restée le modèle le plus perfectionné de texte par excellence à vocation narrative et esthétique qui s’apparente aux récits guerriers de nos aînés. Jadis, alors qu’il n’y avait pas d’autre forme de transmission, ceux qui avaient le don de narrer entraient dans la compétition des joutes oratoires pour dire de la meilleure manière possible tout ce qui est action d’éclat digne des héros entrés dans la légende populaire. Dans nos régions, des poètes de tous les temps ont composé leurs plus beaux vers en honneur des martyrs, des saints qui se sont distingués par l’aide qu’ils ont apportée à des moments difficiles aux malheureux tombés dans la pauvreté, sinon par les sacrifices qu’ils ont accomplis au profit d’une catégorie sociale ou de personnes menacées de déchéance. Ainsi, on a chanté des poèmes sur les bandits d’honneur qui se sont donnés corps et âme, parfois à leur risque et périls à la défense des pauvres opprimés.
Du temps où le mépris était érigé en système de gestion des affaires publiques étaient là pour donner aux plus lésés en enlevant aux plus nantis ce dont ils n’ont pas besoin. Le même esprit d’admiration et d’élan humaniste sont mis en évidence dans l’odyssée d’Ulysse dont les héros principaux sont Ulysse et sa femme Pénélope. Ulysse a consacré vingt ans de ses meilleures années, à la guerre de Troie. Il en est revenu glorieux malgré les nombreux obstacles. A son retour, il rétablit l’ordre en éliminant tous ceux qui avaient brigué sa place. Pénélope, elle aussi, a la stature d’héroïne vu sa qualité de gardienne des feux sacrés. Elle s’est voulue fidèle à son mari. En tant que femme méditerranéenne, elle a une haute idée du foyer, elle en a donné les preuves significatives.

Le genre épique peut apparaître sous la forme de roman ou de conte
Le roman ou le conte sont des genres plus abordables pour les hommes ou femmes d’écriture. Cela ne signifie nullement exclusion de l’esthétique du texte en tant que genre en prose devant mettre en relief des actes héroïque ou des actions d’éclat, sur fond de narration. Les textes sont composés pour narrer des scènes de combat, d’agressivité avec des partenaires qui s’inspirent de la réalité, bien qu’ils aient parfois une envergure hors catégorie. Le combat épique peut avoir une dimension mythique, érotique en raison de la diversité de sens qu’il peut impliquer et du fait qu’il donne à la communauté une raison d’être. Le mot combat peut susciter beaucoup d’interrogations, sinon de non-dit, comme dans ce vers du Cid de Corneille «et le combat cessa, faite de combattants ! » On considère par ailleurs que la fonction vitale de l’épopée est d’ordre spatial.
Le mot espace peut être abordé sous toutes ses formes : patrie comme étendue morale, cultivée et aménagée par les générations. La relation du mot patrie avec l’épopée conduit à l’idée de conquête d’un espace géographique avec rêve d’expansionnisme. L’épopée se rattache à une période de l’histoire dont elle chante les exploits guerriers, les œuvres fructueuses, la prospérité ; elle recrée perpétuellement une vérité par la poésie chantée. Une des caractéristiques de l’épopée et qui n’est reconnue dans toutes les cultures populaires du monde, c’est de narrer le combat contre l’autre, l’étranger ennemi et extérieur au groupe qui peut être pris au sens de nation, de groupe social ou de famille. On peut dire que se perpétue l’héroïsme national, autrement dit le surmoi communautaire et là-dessus le terrain favorable est la frontière entre deux pays en perpétuelle lutte pour des raisons ethniques ou religieuse. Le chant épique cristallise l’hostilité et met en valeur les héros nationaux pour leur bravoure.
Les chants épiques ou les hymnes nationaux incitent à l’action menée jusqu’aux sacrifices suprêmes. Dans les pays musulmans, la croyance dit que le sacrifice pour une cause juste comme l’indépendance, la défense de la morale et des valeurs à la communauté d’appartenance, conduit au Paradis. Et en Algérie, l’épopée doit se créer d’elle-même par la parole du poète face à une lutte des braves contre des ennemis, ou à des volontaires qui donnent sans regarder ou sans attendre une monnaie d’échange, à d’autres hommes ou femmes fragilisés par la maladie ou la pauvreté. Durant la conquête française en 1830, l’armée coloniale a usé de tous les stratagèmes pour opposer des Algériens contre d’autres selon le vieil adage : diviser pour régner, brûler des villages des uns, en reconstruire d’autres pour les amis.
L’histoire rapporte que des éléments genres goumiers se sont alignés sur l’armée coloniale pour la cause française : coloniser le pays. Les Français, eux, connaissant bien l’impact des chants sur l’état d’esprit des populations, ont payé des poètes paroliers pour produire des chants qui glorifient l’action des goumiers contre les combattants opposés à l’occupation française. On a donné à des traitres de l’argent pour leur faire accomplir les plus basses besognes. Exemple d’épopée de tournée de sa vocation initiale.
Abed Boumediene