L’Algérie du 5 juillet 2020, une transition inachevée à la recherche de son destin

Fête de l’Indépendance

L’Algérie célèbre le 5 juillet 2020, la fête de l’Indépendance marquant la fin de la colonisation française depuis la conquête de l’Algérie de 1830 à 1871 par la France, qui marquera une longue résistance avec l’avènement du nationalisme avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale. La France reconnaît l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet et celle-ci est proclamée le 5 juillet 1962. Du 5 juillet 1962 au 5 juillet 2020, l’Algérie est toujours à la recherche de son destin avec une transition inachevée tant sur le plan politique qu’économique. Les défis qui attendent l’Algérie après l’élection présidentielle de M. Abdelmadjid Tebboune sont nombreux et complexes. Toute politique de développement de 2020 à 2030 n’aura de chances d’aboutir que si d’abord l’on tient compte des trajectoires du passé pour ne pas renouveler les mêmes erreurs. Cela implique la mise en place de nouvelles institutions débureaucratisées décentralisées, un minimum de consensus social pour sa mise en œuvre, tout projet étant porté forcément par les acteurs politiques, sociaux et économiques.

Septièmement, sur l’épineux problème du foncier car actuellement le mètre carré est trop cher et souvent les autorités attribuent souvent du terrain sans viabilisation et utilités : routes, téléphone, gaz, électricité et enfin huitièmement, éviter des changements périodiques de cadres juridiques. Car, il est reconnu après les scandales financiers que la règle des 49/51% , a eu un impact néfaste permettant à certaines oligarchies proches du pouvoir d’avoir une rente sans apporter une valeur ajoutée, mais devant définir clairement ce qui est stratégique et ce qui ne l’est pas idem, pour le droit de préemption qui peut décourager tout investisseur sans compter les nombreux cas de litiges au niveau des tribunaux internationaux. Avec une contraction du PIB négatif de 6,4%, le taux de chômage devrait s’accroître en raison de la cessation d’activité de plusieurs entreprises, notamment dans le secteur du BTPH et la rupture des approvisionnements en provenance de Chine et d’Europe en raison de l’épidémie de Covid-19, qui représentent plus de 80% des importations algériennes, avec une hausse des prix des importations. Il faut être réaliste. Comment avec moins de 40 milliards de dollars de réserves de change fin 2020, sous certaines conditions et avec un taux de croissance réel inférieur au taux de croissance démographique créer entre 350 000/400 000 empois par an entre 2020/2025, (encore que le taux de chômage officiel sous-estime la demande d’emplois féminins) qui s’ajoutent au taux de chômage actuel nécessitant un taux de croissance de 8/9% par an pour éviter de vives tensions sociales. Le risque n’est-il pas l’épuisement des réserves de change, le premier semestre 2022 ? Afin d’éviter ce scénario catastrophe, cela suppose une mobilisation générale, plus de rigueur budgétaire, une profonde refonte politique reposant sur la bonne gouvernance (moralisation tant des dirigeants que de la société) qui conditionne la mobilisation générale autour des compétences nationales Cependant évitons toute sinistrose. De 1963 à ce jour, contrairement à certaines analyses malveillantes, depuis l’indépendance politique l’Algérie a connu d’importantes réalisations. Quelle était la situation de l’économie, de l’éducation des infrastructures, des branchements en gaz et électricité, en 1962 devant comparer le comparable, la population était de 11,62 millions d’habitants avec de 95% d’analphabètes, plus de 80% vivant dans des taudis et actuellement au 1er janvier 2020 43,9 millions d’habitants. Ceux qui affirment que rien n’a été réalisé depuis l’indépendance politique versent dans le dénigrement politique mais devant reconnaître qu’existent encore des poches de pauvreté et une répartition inégalitaire du revenu national, devant également reconnaître une non maîtrise de la gestion avec des surcoûts exorbitants et la corruption qui gangrène le corps social. D’où l’urgence de corriger l’actuelle trajectoire qui a atteint ses limites devant reposer sur une réelle décentralisation, une réorganisation institutionnelle centrale et locale et une vison stratégique de l’avenir dans le domaine économique, social, culturel, diplomatique et sécuritaire de l’Algérie horizon 2020/ 2030 par rapport à la transformation du nouveau monde. Car depuis fort longtemps et pas seulement durant la période actuelle, l’Algérie semble chavirer un moment et reprendre avec hésitation ses équilibres un autre moment. Il ne s’agit pas de renier les traditions positives qui moulées dans la trajectoire de la modernité, peuvent être facteurs de développement. Comme le rappelle avec justesse Malek Chebel, l’Algérie à l’instar de bon nombre de pays musulmans est en transition et fonctionne entre l’imaginaire de la Oumma et la construction d’un Etat-nation, n’existait-il pas d’Etat national standard mais que des équipements anthropologiques intrinsèques qui modèlent le système politique inhérent à chaque situation socio anthropologique. Pourtant, au-dessus de tout, l’Algérie reste un pays dynamique, plein de vitalité, qui se cherche et cherche sa voie. Les partis et société civile traditionnels avec le développement des réseaux sociaux servent de moins en moins d’intermédiations sociales et cela n’est pas propre à l’Algérie : l’opposition est atomisée et les nombreux micros partis et organisations dites société civile peu efficaces pour mobiliser la population, déconnectés de la réalité du nouveau monde supposant une profonde restructuration de la société devant s’adapter à la configuration de la société en perpétuelle évolution, n’existant pas de situation statique. (Pour comprendre les enjeux géostratégiques du nouveau monde et élaborer des stratégies d’adaptation dans le cadre d’une planification stratégique 2020/2030/2040 – contributions du Pr Abderrahmane Mebtoul en français Afrik Eco et Africa Presse Dakar/Paris 5 mai et 8 mai 2020 – «Comme impact de l’épidémie du coronavirus, de profondes mutations géostratégiques, économiques et comportementales attendent le monde de demain 2020/2030/2040. En anglais American Herald Tribune USA Pr Abderrahmane Mebtoul «The World’s Deep Geostretegic Change After the Coronavirus 2020/2030/2040» 7 mai 2020). Car lorsqu’un Etat émet des règles qui ne correspondent pas à la réalité de la société, celle-ci émet ses propres règles avec le développement de la sphère informelle et cela s’applique également à tous les secteurs notamment le commerce contrôlé à plus de 60% par cette sphère (voir étude réalisée par le Pr A. Mebtoul pour le 41e Think Tank mondial Institut Français des Relations Internationales IFRI décembre 2013, et Institut Militaire de Documentation et de Prospective Militaire IMDEP octobre 2019 – le poids de la sphère informelle au Maghreb et comment y remédier)… En conclusion, la prospérité ou le déclin des civilisations de l’Orient et de l’Occident a clairement montré qu’une nation sans son élite est comme un corps sans âme. Les expériences historiques montrent clairement que le régime politique (à ne pas confondre avec l’Etat au sens épistémologique du terme) qui est un sous-ensemble du système politique, que les tensions que connaît le système, ou celles qu’il est appelé à connaître, doivent être recherchées dans les dysfonctionnements ou les crises d’autorité qui surgissent périodiquement, et depuis longtemps, au plus haut niveau de l’Etat. La nouvelle reconfiguration politique, pour aller vers une nouvelle République doit prendre en charge tant les mutations internes de la société algérienne que la nouvelle architecture des relations internationales et tenir compte de notre histoire car l’histoire est le fondement de la connaissance et de l’action future pour une nouvelle République. Comment ne pas souligner avec force, l’importance du devoir de mémoire (pour une analyse de la période des Numides, IVe siècle avant J.-C., à la période romaine, de la période du Kharidjisme à la dynastie des Almohades, à l’occupation espagnole et ottomane, de la colonisation française de 1830 à l’indépendance politique du 5 juillet 1962, voir contribution du Pr A. Mebtoul – 2005/2006www.google.com). Les relations entre l’Algérie et la France sont mouvementées et passionnelles devant dépasser les faux préjugés, d’établir la vérité afin d’éviter surtout que certains, comme l’a souligné récemment le président de la République Abdelmadjid Tebboune, des deux côtés, de la Méditerranée n’instrumentalisent l’histoire à des fins politiques. Cela permettra d’entrevoir l’avenir, pour un devenir solidaire, entreprendre ensemble loin de tout esprit de domination, l’Algérie étant souveraine dans ses décisions. La jeunesse a besoin de connaître son histoire, très riche qui ne saurait se limiter à la période contemporaine de 1963 à 2020. Gloire à tous nos martyrs à travers notre longue histoire, qui se sont sacrifiés pour une Algérie prospère, où serait bannie l’injustice, une Algérie fondée sur l’Etat de droit, la démocratie tout en tenant compte de sa riche anthropologie culturelle.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul