Quel avenir pour l’organisation Opep et la stratégie de Sonatrach face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales ?

Cours mondial du pétrole

L’Opep a été créée le 14 septembre 1960 et fête son 60e anniversaire avec une part déclinante tant dans la décision énergétique que dans la commercialisation mondiale. Avec l’épidémie du coronavirus, malgré une baisse substantielle, les cours peinent à se rétablir au niveau de 2019. Avec une crise sans pareille, depuis la crise 1928/1929, au moment où l’interdépendance des économies était faible, n’étant pas assimilable à la crise de 2008, aucun expert, pouvant seulement élaborer des scénarios, ne peut prédire si les activités de consommation et d’investissement vont pouvoir rebondir, tout dépendant de la maîtrise de l’épidémie.

Les nouveaux gisements découverts notamment au Canada ou au large du Brésil pourraient bouleverser la répartition mondiale de ces réserves et donc diminuer significativement la part de l’Opep. Mais le pus important à moyen et long terme du déclin de son influence est le nouveau modèle de consommation énergétique mondial qui se dessine horion 2020/2030/2040 largement influencé par l’épidémie du coronavirus, comme l’atteste la réorientation des investissements publics en Europe notamment, où selon la déclaration de BP en ce mois de septembre 2020, les compagnies devraient réorienter leurs investissements vers d’autres énergies alternatives avec la combinaison entre 2025/2035 des énergies renouvelables et l’hydrogène, dont le coût sera largement concurrentiel par rapport aux fossiles classiques. L’on devrait assister horizon 2030 à une moindre dépendance des pays industrialisés envers le pétrole où a contrario, les pays de l’Opep restent très dépendants du pétrole, ayant peu développé un modèle économique pérenne pouvant relayer l’industrie pétrolière, où les revenus pétroliers représentent en moyenne plus de la moitié de leur Pia développé une «vison 2030» pour diversifier son économie. La conjugaison de ces facteurs affaiblit l’influence géopolitique de l’institution Opep et agit sur le niveau des prix.
Le cours des hydrocarbures, pétrole et gaz, dépendra donc du temps à maîtriser l’épidémie et de l’évolution de l’économie mondiale, en précisant qu’à court terme, il est également influencé par le cours du dollar à la baisse les importants stocks qui ont été mis en place du fait du bas cours. Face à, une crise sans précédent touchant toute la planète, la crise de 2020 préfigurant, une nouvelle architecture des relations entre l’Etat régulateur et le marché encadré pour certains services collectifs (santé, éducation), et d’importants impacts sur les relations politiques et économiques internationales. La crise sanitaire a provoqué la paralysie de l’économie mondiale son économie avec la rupture de la chaîne d’approvisionnements de nombreuses entreprises en Asie dont la Chine et l’Inde, dans la zone euro, dépendante de plus de 70% d’hydrocarbures, aux Etats-Unis d’Amérique, première puissance économique mondiale, premier producteur en 2019 d’hydrocarbures suivi de la Russie et de l’Arabie Saoudite et d’une manière générale pour l’économie mondiale dans sa globalité, selon plusieurs instituts internationaux, dont l’Institut de la finance internationale (IIF), où dans sa note du 7 avril 2020, l’économie mondiale devrait se contracter de 1,5% en 2020 dans le contexte de la pandémie de Covid-19, revoyant ses prévisions à la baisse de 2,6% à 0,4%. Sur l’année entière, l’IIF s’attend à ce que les taux de croissance aux Etats-Unis et dans la zone euro se contractent respectivement de 2,8% et 4,7%. Pour sa part, le FMI anticipe selon sa directrice générale, au mieux une «reprise partielle» en 2021 à condition que la pandémie s’estompe au second semestre 2020 et que les mesures de confinement puissent être levées pour permettre une réouverture des commerces, des restaurants, une reprise du tourisme et de la consommation, récession avec plus d’intensité pour les pays à faibles revenus ou émergents en Afrique, en Amérique latine et en Asie. Alors quelles perspectives pour le cours du pétrole ?
La consommation mondiale de pétrole a avoisiné en 2019, 99,7 millions de barils par jour (Mb/j) au niveau mondial selon les données de l’AIE et les pays de l’Opep ont représenté seulement 40% de la production mondiale de pétrole brut. Dans son dernier rapport, l’Opep révise à la baisse la demande pour 2020 la plafonnant pour 2020 à 90,2 millions de barils, avec une prévision pour 2021 à 96,9 millions de barils, notant que des quotas n’ont pas été respectés par certains pays qui ont pompé entre juillet et aout 2020 plus de 763 000 barils/j. La Chine qui a importé 11 millions de barils en 2019, soit environ entre 11/12% de la consommation mondiale, ainsi que certains pays d’Asie n’ont pas connu la reprise attendue, selon l’Opep, qui explique la faiblesse de la demande. Or, selon les experts en énergie la baisse ou la hausse d’un dollar de pétrole sur le marché mondial a une incidence entre 500 et 600 millions de dollars. Si l’on prend une moyenne médiane de 550 dollars, le manque à gagner de cette décision par jour est de 5,5 milliards de dollars par jour et par an (365 jours) plus de 2007 milliards de dollars. Il s’agira donc d’établir une balance devises du gain net de cette décision, en prenant l’hypothèse, selon laquelle, si le cours descend à 30 dollars, avant cette réduction, permettant au cours du marché de s’établir entre 40/45 dollars le baril. En cas où le baril serait inférieur à 30/35 dollars, cette décision aurait eu un impact très mitigé.
Qu’en est-il des tensions actuelles en méditerranée orientale concernant la filière énergétique qui échappe à l’action de l’Opep, mais influant indirectement sur le prix de l’énergie et des parts de marché de l’Algérie en direction de l’Europe son principal client, rappelant qu’existe une organisation gaz indépendante de celle de l’Opep. Mon ami, le polytechnicien Jean Pierre Hauet de KP Intelligence (France) note avec justesse que la scène énergétique s’anime en Méditerranée avec au moins deux grands champs de manœuvre dont il est intéressant d’essayer de comprendre les tenants et d’anticiper les aboutissants qui explique les tensions actuelles notamment en Méditerranée orientale. Le premier théâtre est celui des énergies renouvelables (éolien, solaire à concentration, photovoltaïque), qui s’est caractérisé par le lancement de grandes initiatives fondées sur l’idée que le progrès technique dans les lignes de transport à courant continu permettrait de tirer parti de la complémentarité entre les besoins en électricité des pays du Nord et les disponibilités en espace et en soleil des pays du Sud. On parlait alors de 400 M€ d’investissements et de la satisfaction de 15% des besoins européens en électricité.
Aujourd’hui, le projet Desertec est plutôt en berne, du fait notamment du retrait de grands acteurs industriels, Siemens et Bosch, et du désaccord consommé entre la fondation Desertec et son bras armé industriel la Desertec Industrial Initiatitive (Dii). La Dii poursuit ses ambitions d’intégration des réseaux européens, nord-africains et moyen-orientaux, cependant que la Fondation Desertec semble à présent privilégier les initiatives bilatérales au Cameroun, au Sénégal et en Arabie Saoudite. Le second théâtre d’opérations est plus récent : il a trait à la découverte à partir de 2009, des ressources gazières en off shore profond, en Méditerranée orientale qui explique les tensions actuelles. Les grandes compagnies qui exploitaient jusqu’alors d’autres champs plus accessibles, plus rentables ou à proximité d’installations à proximité, sur terre, se tournent désormais vers la Méditerranée orientale, au large de l’Égypte, d’Israël, du Liban, de Chypre et de la Turquie, autant de pays qui n’entretiennent pas forcément de bonnes relations de voisinage. C’est que plusieurs gisements de gaz ont été découverts au large des côtes égyptiennes, israéliennes, libanaises ou chypriotes, au cœur de ce qu’on appelle le bassin levantin estimées par l’US Geological Survey – à 3 452 milliards de mètres cubes (m3).
«Pour les Etats riverains producteurs ou futurs producteurs, cette ressource gazière offre l’opportunité d’accéder à l’indépendance énergétique et un moyen de renflouer leur économie par le biais d’exportations potentielles», selon la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques dans un rapport très documenté. C’est pourquoi la Turquie mène des recherches. Même si la Grèce et une partie de la communauté internationale l’accusent d’avoir pénétré dans l’espace maritime grec, le droit international est flou dans cette situation qui de délimitent pas clairement les frontières et les limites géographiques, les ressources pouvant se trouver dans des réservoirs situés sous les pieds de différents pays et l’initiative turque pourrait n’être le début que d’une longue série de tensions qui pourraient transformer les équilibres régionaux. Car les formations géologiques ne connaissant pas les frontières politiques, les compagnies pétrolières et gazières ont exploré les sous-sols marins des pays voisins. Se sont ainsi succédé la mise au jour du champ Léviathan (2010) également au large d’Israël, Zohr (2015) dans les eaux égyptiennes puis Aphrodite (2012), Calypso (2018) et Glaucus (2019) autour de Chypre.
(A suivre)
Professeur des universités, expert international, Dr Abderrahmane Mebtoul