Un diagnostic serein de la situation géostratégique et socio-économique

Plan de relance économique 2000/2025

A un mauvais diagnostic résultent forcément de mauvaises solutions. Aussi, s’impose un bilan serein de la situation actuelle et des solutions adéquates pour faire face à la crise qui secoue pas seulement l’Algérie mais le monde. (Voir notre interview à la télévision américaine Al Hurra 11-8-2020).

Un bilan ne saurait être la compilation des départements ministériels mais implique une vision globale, tenant compte tant de la situation interne qu’externe, les actions sectorielles devant se mouler au sein d’une fonction objectif stratégique. En effet, selon les prévisions de l’OCDE, du FMI, de la Banque mondiale, le monde connaît une récession inégalée depuis la crise de 1928-1929, qui durera plusieurs années avant que l’économie mondiale ne retrouve son niveau d’avant 2019 avec des incidences sociales, voire politiques.

1- Le plan de relance doit partir d’un bilan serein de la situation économique et sociale
1.1- Pour l’Algérie, toute action opérationnelle doit au préalable analyser l’évolution du cours des hydrocarbures avec les dérivées des hydrocarbures qui représentent 98%, 70% hors hydrocarbures étant des dérivées des hydrocarbures, influant sur le taux de croissance, le taux de chômage, et le niveau des réserves de change (notre interview Monde.fr/AFP Paris 10/08/2020). La baisse d’un dollar en moyenne annuelle lui occasionne un manque à gagner entre 400/600 millions de dollars selon les fluctuations du cours où 33% des recettes de Sonatrach proviennent du gaz naturel. Le prix du gaz au niveau mondial entre 2007 et septembre 2020 a baissé de plus de 75%, beaucoup plus que le pétrole étant passé de 15/16 dollars pour le GLN à 4/5 dollars et de 9/10 dollars pour le gaz naturel – GN – ayant fluctué entre 2019/2020 pour la même entre 1,7 et 2,5 dollars le MBTU, étant coté le 30 septembre 2020 à 2,561 dollars le MBTU sur le marché libre.
Mais attention aux faux calculs car le cours réel du pétrole doit être rattaché au pouvoir d’achat du dollar qui s’est déprécié depuis le début de l’année 2020 étant cotée à 1,08-1,07 dollar un euro et est coté le 30 septembre 2020 à 1,1707 dollar un euro en raison des incertitudes de l’économie américaine et surtout du gonflement du déficit budgétaire, soit une baisse d’environ 10%. Ainsi, le 30 septembre 2020, 15h GMT, le cours en bourse du Wit est coté à 39,48 dollars et le Brent à 40,61.
Ramené à prix constant à la période janvier février 2020 le cours du Brent est en réalité de 38 dollars, ce gain étant contrebalancé par une hausse de la facture d’importation libellée en euros, devant donc dresser la balance devises. L’évolution du cours du Brent, en moyenne annuelle, avec des fluctuations semaine par semaine, mois par mois, est la suivante de 2000 à 2020 : 2000, 28,52 dollars le baril – 2005, 54,41 – 2010, 78,92 – 2014, 99, 00 – 2015, 52,36 – 2016, 43,55 – 2017, 54,25 – 2018, 71,05 – 2019, 64,34 estimation fin 2020 en moyenne entre un cours très bas les quatre premiers mois de 2020 (cours environ 30 dollars et moins) et hypothèse un cours qui dépasse 40 dollars le Brent de juillet à décembre 2020, selon les instituions internationales nous aurons une moyenne de 35/37 dollars pour le Brent. Nous aurons plusieurs incidences sur l’économie.

1.2- Premièrement, sur le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à prix courant qui a évolué ainsi de 2000 à 2019, se calculant par rapport à la période précédente, un taux de croissance élevé en T1 par rapport à un taux de croissance faible en TO donne globalement un taux faible : – 2000 5,0% – 2005, 6,1% – 2010, – 2015,3,7% – 2018, 1,4 % – 2019, 0,8%. Pour les prévisions 2020, nous avons pour l’ONS, un taux de croissance négatif de 3,9% au premier trimestre 2020, pour le FMI, moyenne 2020 moins 5,0% et pour la Banque mondiale moins 6,4%. Les données du PIB en dinars ou dollars à prix courants peuvent être trompeuses de plusieurs manières, en particulier lors de comparaisons entre deux ou plusieurs années. D’abord, parce qu’elle peut être gonflée à cause de l’inflation (ou l’inverse à cause de la déflation). C’est pour cette raison que l’on a souvent recours au PIB en dollars constants. On doit aussi tenir compte de la population, il est alors utile d’examiner le même indicateur par habitant. Pour des comparaisons internationales plus adéquates, on doit examiner la donnée formulée en PPA (parité pouvoir d’achat). Il suffit que la Banque d’Algérie dérape la valeur du dinar par rapport au dollar de X% pour que le PIB fléchisse dans la même proportion.

1.3- Deuxièmement, l’impact de la pression démographique dont la population a évolué ainsi : 2000, 30,87 millions d’habitants, – 2005, 32,90 – 2010, 35,97 – 2018, 42,57, – 2019, 43,4 – 2020 – 43,9 millions, 51,309 millions en 2030 et 57,625 millions en 2040 avec une population active en 2006 de 8,86, millions – 2010, 10,81- 2016, 11,93 – 2018, 12,46 et fin mai 2019, 12,73 . La répartition de la population occupée par secteur d’activité, il est constaté que les plus gros employeurs sont le secteur de la construction avec 1,9 million de travailleurs (17,2% de l’ensemble de la population occupée), suivie de l’administration publique (hors secteur sanitaire) avec 1,73 million d’employés (15,7%), du commerce avec 1,71 million (15,5%), de la santé et l’action sociale avec 1,56 million (14,1%), des industries manufacturières avec 1,33 million (12%) et de l’agriculture avec 1,14 million (10,4%), alors que les travailleurs des autres services sont au nombre de 819 000 (7,4%). (Audit réalisé sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul avec une équipe pluridisciplinaires composée d’experts algériens de différentes spécialités – sans rémunération – «Quelle politique de l’emploi et des salaires pour l’Algérie (Présidence de la République 8 volumes 2008/2009). Plus précisément, la structure de l’emploi, selon le secteur d’activité, fait ressortir un secteur tertiaire (commerce et service-administration).

1.4- Troisièmement, l’impact sur le taux de chômage avec des disparités selon l’âge, le sexe et le niveau d’instruction, et dont les conséquences sont néfastes sur le plan socio-économique. L’Algérie subit actuellement les effets de l’accroissement démographique dans les domaines de l’éducation et le marché de travail, avec la présence d’un déficit d’emplois décents et permanents, l’inadéquation entre l’emploi et la formation, la crise économique avec des flux migratoires. Le taux de chômage selon les statistiques internationales a évolué ainsi en référence à la population active de l’année 2012, 11,0%- 2013, 9,8%- 2014, 10,6%-2015, 11,2%- 2016 10,5%- 2017, 11,6%- 2018, 13,1%- 2019, 14,3%- 2020, 15,0%- et pour 2020/2021 avant la crise -2021, 15,4% et 2021 15,8%. Les chiffres de l’ONS précisent que pour l’année 2019, 45,8% de la totalité des chômeurs algériens ne sont détenteurs «d’aucun diplôme» tandis que les 62,9% restants, soit six chômeurs sur dix, sont des chômeurs de longue durée à la recherche d’un emploi depuis «au moins une année, en augmentation permanente avec l’accroissement de la démographie.
Pour l’OCDE dans son rapport de mai 2020, une baisse d’un point de taux de croissance engendre un accroissement du chômage en stock de 350 000. Si l’on prend les données pour 2019, taux de croissance moyen de 2% en Algérie et celles la Banque mondiale du 8 juin 2020 – moins 6,4% (recul 8,4%) celles de la Banque africaine de développement de début juillet 2020 – scénario pessimiste moins de -5,4% et modéré -4,4%, et les données de l’ONS de juillet 2020, de moins 3,9% pour le premier trimestre nous aurons un stock additionnel de chômeurs pour 2020 en Algérie qui varierait entre 2 500 000 et 1 800 000, pas propre à l’Algérie avec la situation de l’économie mondiale comme le montre le rapport alarmant de l’OIT de mai 2020, plusieurs centaines de millions de chômeurs dans le monde, avec un accroissement des inégalités et de la pauvreté, frappant particulièrement les pays les plus vulnérables. Certes à court terme, l’Algérie possède des tampons sociaux comme la crise du logement, le regroupement de la cellule familiale qui concerne une grande fraction de la population et les charges sont payées grâce au revenu familial global, mais résoudre la crise du logement sans relancer la machine économique prépare à terme l’explosion sociale ; également grâce aux subventions bien qu’inégalitaires, étatiques, les familles algériennes ayant accumulé une épargne sous différentes formes, mais cette épargne est en train d’être dépensée face à la détérioration de leur pouvoir d’achat ; la sphère informelle qui pourvoit par différents mécanismes à la faiblesse de l’offre pour satisfaire la demande sociale.
Cela n’est pas propre à l’Algérie, où selon les rapports du FMI et de l’OIT, les taux d’informalité varient considérablement d’un pays à l’autre, allant de 30% dans divers pays d’Amérique latine à plus de 80% dans certains pays d’Afrique subsaharienne ou d’Asie du Sud-Est. Avec l’épidémie du coronavirus , est posée toute la problématique de la sphère informelle de la population occupée dans cette sphère sans protection sociale. Pour l’Algérie du fait qu’en dehors des hydrocarbures sur une population active dépassant 12 millions, nous avons près de 45/50% de l’activité concentrée dans la sphère informelle, sans protection sociale, principalement dans les services, les petits boulots, plombiers, électriciens, maçons et l’agriculture pour les saisonniers. Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, courant mai 2020, a révélé que le décompte des zones d’ombre qui a eu lieu au niveau des wilayas a permis le recensement d’environ 8,5 millions d’Algériens vivant dans 15 000 zones d’ombre.

1.5- Quatrièmement l’impact sur le déficit budgétaire où les prévisions de la Loi de finances complémentaires 2020 qui se fonde sur le prix fiscal de 30 USD et sur le prix de marché de 35 USD est le prix au-delà duquel, si cela se réalise, le surplus sera versé au Trésor public, dans le Fonds de régulation des recettes, le fait le plus important est la baisse des exportations d’hydrocarbures à 17,7 milliards de dollars, contre 35,2 milliards de dollars prévus dans l’ancienne Loi de finances.
(A suivre)
A. M.