Les cités populaires détiennent beaucoup de malades mentaux

Annaba

Selon toute vraisemblance, à Annaba, ils sont de plus en plus nombreux à battre le pavé à longueur de journée dans les différentes artères de la ville.

A leur vue, les passants préfèrent souvent se détourner et changer carrément de trottoir et ce, en raison du comportement quelque peu agressif manifesté par bon nombre de ces sans logis qui, faut-il souligner, comptent dans leurs rangs beaucoup de malades mentaux. Présents dés les premières heures de la journée, jeunes et moins jeunes que l’on dit avoir perdu et le gîte et la raison, semblent suivre un chemin tout tracé mais dont ils sont les seuls à connaître l’itinéraire. En effet, le constat est frappant, l’image quotidienne est bien ancrée dans la dynamique urbaine, on les trouve partout aussi bien dans les quartiers pauvres de Boukhadra que dans les cités cossues dites de Beau Séjour ou les Hondrois, errant d’une zone à l’autre, ces laissés-pour-compte sont arrivés pour la plupart, dit-on, par la voie ferroviaire. Le phénomène a pris une telle ampleur aujourd’hui. Selon les citoyens interrogés, que cela ne doit plus laisser personne indifférent ; ils estiment ainsi que les autorités et les responsables des structures compétentes se doivent de réagir au plus vite pour tenter de trouver une solution à ce problème. Le département de la santé mentale au ministère avait avancé que plus de 140 000 personnes sont atteintes de maladies mentales en Algérie et prés de 200 000 enfants souffrent de troubles psychologues, ce ministère avait affirmé que le malade psychiatrique n’est pas très bien pris en charge dans notre société malgré les 150 centres intermédiaires de santé mentale qui ont été mis en place à travers 46 wilayas.
Les dernières statistiques révèlent un chiffre de 388 psychiatries réparties sur les 46 wilayas. En effet, en l’absence d’une coopération intersectorielle de la santé et des activités sociales, les malades mentaux errants semblent tourner dans un cercle vicieux après avoir reçu les soins nécessaires pour sa stabilité mentale et une fois dehors le malade mental se trouve livré à lui-même en l’absence de toute prise en charge familiale et sociale. En fait, s’il ne fait aucun doute quant à la sincérité de la compassion éprouvée à l’égard de ces malheureux, il y a en revanche comme un sentiment d’impuissance face au comportement de ces rejetés de la société. «Il faut le dire franchement, tient à déclarer une quinquagénaire, c’est notre sécurité dont il est question ; là où j’habite, il y en a un qui a l’âge de mon fils et qui n’ouvre la bouge que pour lancer des obscénités. Il le fait à haute voix et en plus il lui arrive de se balader complètement nu !», ajoute notre interlocutrice. En effet, un spectacle très peu réjouissant à la vue de ces malades mentaux et marginaux itinérants allongés sur des cartons à même le sol, peau et cheveux crasseux, ils soulèvent l’irritation, indignation et tristesse. En tout état de cause, les citoyens de la quatrième ville du pays se plaignent de ces pauvres créatures : «Il n’y a pas un jour sans que ces tarés importunent nos filles. De l’agression verbale, ils passent très facilement à l’agression physique. Par ailleurs, nos filles n’ont plus le droit de porter une chaînette ou des boucles d’oreilles en or sans risquer d’être agressées, ces malades investissent même les établissements étatiques pour y semer la panique, renchérit un autre habitant du quartier Beau Séjour.
Dans le même contexte, des usagers de la poste sise à l’avenue colonel Amirouche, rapportent avoir été sérieusement importunés alors qu’ils se trouvaient devant les guichets : «Quelque uns d’entre ces fous n’ont pas hésité à malmener des filles. Ils ont brusquement fait irruption dans le hall en lançant des cris qui nous ont glacés d’effroi, il y avait des personnes âgées parmi nous qui ont tout de suite quitté ses lieux par crainte évidente d’être frappées» cela dit, il convient de signaler que la gent féminine est une cible de choix aux yeux de ces vagabonds. Saida, 32 ans n’est pas prés d’oublier ce qu’elle à vécu, il y a moins d’un mois alors qu’elle rentrait chez elle en fin d’après- midi, après s’être rendue au chevet d’une tante malade. C’est une des nombreuses victimes de ces laissés-pour-compte qui a bien voulu nous faire part de sa mésaventure : «Quand j’y pense, j’en tremble encore de peur. Je ne suis pas prête d’effacer de ma mémoire ce que j’ai vécu à quelques dizaines de mètres de chez moi, lorsqu’un cinglé m’a barré le chemin. Au départ, il s’est juste contenté de me lancer un méchant regard, c’est là que j’aurai du me méfier. Soudain, il s’est décidé à me laisser passer pour me donner un violent coup de poing dans le dos, j’ai eu très mal. Je me suis retournée et j’ai vu mon agresseur se saisir d’une grosse pierre. Celle-ci fut lancée en ma direction et faillit m’atteindre, j’ai alors pris mes jambes à mon cou, j’estime que j’ai étais chanceuse ce jour-là, car cela aurait pu être plus grave, les aliénés doivent être admis dans des hôpitaux psychiatriques, il n’y a pas d’autre solution. Ils constituent un réel danger pour eux et pour les autres», conclut-elle sur un ton amer.
A ce thème, il convient d’indiquer qu’une sous direction de la promotion de la santé mentale au ministère de la Santé et de la Population travaille sur l’identification des vrais malades mentaux de ceux qui sont des SDF, des fugueux et des autres qui sont mentalement stables. En ce sens, le ministère de la Santé semble avoir mis en place une sous-direction de la promotion de la santé mentale dont le rôle principal consiste à élaborer et évaluer les programmes de la santé mentale et d’organiser une prise en charge des affections psychiques. Tout en renforçant et en développant l’action communautaire dans ce domaine, précise-t-on. Manque flagrant des psychologues Nombreux sont les patients jeunes et âgés appartenant aux deux sexes qui viennent attendre la psychiatre de service à l’hôpital El Razi dans le chef-lieu de la wilaya de Annaba. Or, ce CHU de psychiatrie fait état d’un déficit important en psychologues. Ses services sont réellement débordés et seulement un ou deux praticiens dans ce domaine possèdent leurs propres cabinets. En effet, leur travail est bien précis, il n’est pas préventif mais thérapeutique, tout en détectant la maladie psychomotrice qui devient dans la majorité des cas une paranoie ou une schizophrénie. L’établissement hospitalier d’El Razi qui est en activité depuis avril 1982 reçoit des malades de six wilayas de l’Est : Guelma, Tebassa, El Taref, Souk Ahras et autres régions. Les capacités d’accueil de cet hôpital régional, selon toute vraisemblance, ne peuvent répondre à la demande réelle du terrain et pour cause le nombre de cas nécessitant une admission est de plus en plus important. En fait, plus de 7 082 cas ont été traités pour l’année 2009 alors que le nombre des consultations externes a été environ de 3 185 malades seulement qui sont, nous révèle-t-on, passés par ce même centre pour une durée de soins de dépassant pas les 72 jours. Soit un taux de 70,7% pour les hommes et 29,3% pour les femmes de 30 à 55 ans. Notre informateur ajoute également que pour cette année prés de 300 personnes ont été admises à hôpital qui, faut-il, le préciser dispose d’une capacité d’accueil globale de 240 lits.
Son unité de psychiatrie pour enfants et adolescents est de 80 lits, l’effectif global de cette structure médicale s’élève à 287 employés dont deux médecins en chef. La période de 2010 a connu une activité estimée à 28 015 consultations dont 5 135 au niveau des urgences et 6 480 en neuroleptiques à action prolongée, il a été admis 1 577 malades. A ce sujet, il y a lieu de souligner que hôpital d’El Razi souffre d’un manque de personnel dans l’ensemble de ses structures, aussi, les patients qui quittent l’hôpital et qui suivent un traitement doivent se prendre en charge et ceux qui sont démunis rechutent dans leur maladie. Premières victimes Mais les malades mentaux ne constituent pas un danger seulement pour la société, c’est également leur propre personne qu’ils mettent en péril à travers leur comportement. Ne comptent-ils pas parmi les premières victimes des accidents de la route qui viennent grossir le lot des corps non identifiés dans les morgues ? Beaucoup effectivement sont retrouvés sans aucune pièce ni document pouvant attester de leur identité ou de leur origine, ce qui rend encore plus compliquée la tâche de la restitution des dépouilles à leurs proches. Voilà donc une situation qui est loin de cadrer avec le statut de la quatrième ville du pays. Aussi est-il temps aujourd’hui plus que jamais de penser à la mise sur pied de structures spécialisées à même d’offrir le refuge et les soins appropriés. Or, concernant les cas dépressifs plus de deux mille patients pouvaient être estimés guéris au cours de l’ancien exercice. A noter enfin que des informations font état de plus de quatre cent millions de personnes par le monde qui sont atteintes de troubles mentaux ou de problèmes psychosociaux, ajoute-t-on.
Oki Faouzi