La crise financière accélère la précarisation de la classe moyenne

Le PLF 2021 soumet les ménages à de nouvelles impositions

L’année 2021 s’annonce très difficile pour les ménages et périlleuse pour les caisses de l’Etat en raison du cumul des déficits et la chute des indices micro et marco-économiques.

Le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, a bien souligné à demi-mot que «l’Etat fait de son mieux pour préserver le pouvoir d’achat des Algériens et assurer les équilibres budgétaires», amenant ainsi de nombreux experts et spécialistes du domaine à poser des questions sur divers points afin d’être fixés sur les intentions du gouvernement concernant sa stratégie financière et de lutte contre le Coronavirus. Ce dernier a d’ailleurs été ignoré par les rédacteurs du projet de loi qui devrait illustrer de manière concrète le plan de relance économique que le gouvernement compte engager. Malheureusement, les orientations générales pour préserver l’équilibre financier du pays prévus dans ce texte législatif plongent largement dans le flou en raison de la nouvelle politique des finances publiques mal définie, notamment, sur le plan fiscal et la répartition budgétaire. La fixation de nouveaux taux d’imposition et la multiplication des prélèvements fiscaux pénaliseront davantage les ménages et les entreprises nationales sévèrement impactées par la crise sanitaire. Les membres de l’APN ont adopté le PLF 2021 alors qu’il devait faire une lecture attentive de la situation actuelle avant de se projeter sur 2021.
Aucune disposition d’ailleurs n’a été consacrée à la prise en charge de la crise sanitaire du Covid-19 qui n’a fait qu’aggraver la situation financière du pays qui baigne dans une grave crise économique antérieure à ces deux chocs. En tentant d’amorcer un assainissement concret des finances publiques par une compression des dépenses et la diversification des sources de financement des caisses de l’Etat, le gouvernement s’est éloigné de la réalité des finances locales et du projet des réformes financières globales. La fixation de nouvelles taxes n’implique, malheureusement, pas l’adoption d’une véritable perspective de sortie de crise comme souhaité par les citoyens et les opérateurs économiques, eux-mêmes confrontés à la question de l’adaptabilité des dispositions, notamment, fiscales, de ce projet de loi à la situation réelle des ménages et des entreprises, gravement impactés par la double crise économique et sanitaire. Ils ont besoin plus que jamais de soutien et de perspectives pour surmonter la crise financière qui risque de s’abattre particulièrement sur la politique salariale, de l’emploi et sur la qualité de vie des citoyens, notamment, de la classe moyenne.
Le projet de loi de Finances 2021 (PLF 2021) présenté jeudi dernier devant la Commission des affaires économiques et financières du Conseil de la Nation par le ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, devrait faire l’objet d’un véritable débat découlant sur des propositions exhaustives et plus réalistes concernant la stratégie de sortie de crise, car le nouveau régime fiscal amputerait sérieusement le pouvoir d’achat des Algériens dans une conjoncture incertaine en raison de la chute des indices micro-économiques et macro-économiques (baisse de la croissance et augmentation de l’inflation, chômage…etc). Cette situation correspond à une dégringolade du pouvoir d’achat qui fait face à la stagnation des salaires et surtout à la dévaluation de la valeur du dinar (5% chaque année jusqu’à 2023).
Ces prévisions auront des répercussions dommageables pour l’économie tout comme pour les finances et la stabilité sociale. Les nouvelles orientations du PLF 2021, hélas, n’anticipent en rien les évolutions pour établir un plan de soutien aux ménages, excepté la suppression de l’IRG pour les revenus inférieurs à 30.000 dinars. En contrepartie, le contribuable sera soumis à de nouvelles impositions. Il s’agit, entre autres, de la fiscalisation de l’épargne des particuliers qui consiste en des prélèvements à la source pour les sommes inscrites dans les livrets d’épargne. Le taux peut aller jusqu’à 10% pour la fraction des intérêts supérieurs à 50.000 dinars. Au moment où les ménages crient à la précarité et à la cherté de la vie, le gouvernement instaure la taxe de la friperie à hauteur de 30%, ce qui affecterait la clientèle grandissante de ce commerce.
Les exemples ne manquent pas. Désormais, la hausse des taxes s’étalent dans tous les domaines. Le taux du droit de timbre à l’examen du permis de conduire est revu à la hausse (300 dinars) et à 1.000 dinars la délivrance du permis de conduire, tandis qu’à la délivrance de la licence de conduite des motocycles, il faut s’acquitter de 600 dinars. Pour aller en Tunisie ou ailleurs, la voie terrestre coûtera plus cher. Il faut s’acquitter à chaque fois de 500 dinars, pour les véhicules de tourisme, 3.500 dinars, pour les véhicules utilitaires et camions moins de 10 tonnes, 12.000 dinars, pour les camions plus de 10 tonnes et bus.
Seuls les véhicules appartenant aux administrations et établissements publics sont exonérés de cette taxe. L’année 2021 s’annonce très «difficile» pour les ménages, mais aussi pour l’Etat qui hésite à prendre des risques pour sortir du modèle économique et financier classique et limité. Recourir aux marchés financiers (inexistants) et aux bons de Trésor pour couvrir le déficit public est insuffisant, à défaut d’une réforme économique et financière profonde.
Samira Takharboucht