Evolution des matières et des goûts

Les chaussures au fil des époques

On a toujours considéré qu’être bien chaussé est un signe de bien-être, sinon que les souliers sont une référence concernant la situation matérielle de chacun.

En effet, on a tendance à regarder les souliers de tout individu pour porter un premier jugement sur la personne. Et regardons un peu autour de nous pour remarquer la grande diversité des chaussures les gens ; il est rare de trouver une paire qui ressemble à l’autre. La diversité est un signe de différence qu’ont les hommes et les femmes d’être différents dans les goûts, les couleurs, leur manière de penser, de juger, de travailler. Et que n’a-t-on dit sur la manière de se chausser de différents individus : intellectuels, marginaux, gens du peuple dont la situation a frisé la pauvreté, riches ayant que trop d’argent pour se payer les plus belles paires de chaussures, et les va nu-pieds trop nombreux pour être oubliés.

Les chaussures depuis les origines Jadis, il n’y avait pas de chaussures et s’il y en avait, elles n’étaient qu’à la portée de quelques nantis, aussi les hommes portaient des mocassins, une longue histoire, ces mocassins taillés dans les peaux d’animaux : peaux de bœufs ou de chèvres très solides pour supporter les plus longues marches ou les travaux les plus pénibles. Il s’agit des travaux des champs, particulièrement, celui du cultivateur qui, du matin au soir trace des sillons en retournant la terre et pendant la longue saison des labours, du berger chargé de faire paître le troupeau et de le garder du matin jusqu’au soir. Ceux qui connaissent bien l’histoire du mocassin affirment que dans l’ancien temps il n’y avait pas d’autres moyens de se chausser et à bon prix, surtout dans le monde rural, majoritaire en ces temps anciens, celui des paysans obligés de vivre en tirant leur subsistance des maigres et précaires travaux qui assuraient la survie. Ceux qui n’étaient travailleurs de la terre se chaussaient n’importe comment, la plupart marchaient pieds nus.

Ceux qui avaient la chance d’être apparentés à des parents établis en ville, arrivait à obtenir des paires de vraies chaussures. Quelle aubaine ! Ceux qui pouvaient se procurer une paire de mocassins étaient les plus heureux, c’était économique et pratique pour travailler surtout qu’ils étaient solidement attachés aux mollets à l’aide de lacets de la même peau de bête. Puis vint le temps des sabots en caoutchouc mis à la portée vendus à moindre prix, qui étaient commodes en temps de grandes pluies, mais pas pour travailler, à force de les porter, on a les pieds qui étouffent de chaleur. Les plus pauvres obligés de travailler souffraient le plus, pour travailler et gagner un maigre salaire, ils se chaussaient par divers moyens de fortune d’espadrilles quand ils avaient la chance de tomber sur une bonne paire achetée à bas prix, ou offerte par quelqu’un de généreux.

C’était la grande misère à la campagne. Si les hommes arrivaient parfois à se chausser pauvrement, les femmes, en revanche, étaient toujours pieds nus et toute leur vie, hiver comme été. Même en temps de neige, elles allaient s’approvisionner en eau à la fontaine et pieds nus plusieurs fois dans la journée, avec une seule robe sur la peau. On ne parlait pas encore d’imperméable. Après l’indépendance, on assiste à un mieux-être pour tous On a commencé à voir des femmes chaussées, pas toutes mais en majorité. Les premières chaussures pour femmes font leur apparition sur le marché, ce n’était pas du luxe, mais il leur était désormais possible de se chausser pour aller dans les champs et pour s’occuper de menus travaux. Quant aux hommes, ils trouvaient quelques changements pour se chausser selon les moyens dont chacun disposait.

Et au fil du temps, chacun a pu trouver chaussures à ses pieds, surtout à la faveur d’une amélioration de vie matérielle. On a pu avoir des chaussures de production nationale et d’importation si bien qu’on a eu sur le marché des modèles de tous genres et de prix différents et à la portée de la majorité. Mais la plupart d’entre ceux qui achètent des souliers neufs et à prix modéré, sont allés d’abord chez le cordonnier pour leur clouer les semelles avant de les mettre, celles-ci ne tiennent pas plus de trois jours si elles ne sont pas renforcées. Chaque paire de chaussure peut avoir une longue histoire chez les plus modestes. On l’achète, on va chez le savetier pour lui demander de clouer la semelle (j’ouvre une parenthèse pour dire qu’on appelle à tort cordonnier ceux qui s’improvisent pour réparer les souliers ou mettre des clous autour des semelles pour les renforcer, le cordonnier est un artisan dont le travail consiste à faire des chaussures sur mesure selon le cuir choisi et la mode voulus par le client), puis au fil du temps, les semelles fendues sont à refaire et pour cela il retourne chez le savetier.
Pour les enfants, c’est un véritable calvaire que vivent certains parents qui en ont plusieurs qui se comportent comme des diables passant la journée entière à jouer au ballon. Les parents ne peuvent pas les en empêcher même s’ils abîment leurs baskets, aussi le père se saigne pour des marques étrangères, c’est plus solide et ça dure longtemps. Les jeunes portent tous des baskets. Quelques situations insolites Comme dans toutes les situations vécues, il y a des cas insolites dans le domaine des chaussures. Nous vous en rapportons quelques-unes.

Un jeune fut chargé de faire des achats au marché, à l’époque on ne s’approvisionnait nulle part ailleurs. Sa mère lui avait recommandé de ramener des tas de denrées pour la cuisine. Arrivé sur la place du marché, un marchand attire son attention, il se rend vite à son étal, il ne vendait que des bottes. Le voyant naïf, le marchand lui dit que l’usine où se fabriquent les bottes allait fermer et que désormais il n’y en aurait plus, profite et achète moi ces quatre paires qui me restent, lui dit-il. Le jeune dont la naïveté frisait l’idiotie lui versa toute la somme que lui avait donné sa mère, prit le sac de bottes sur le dos et se mit en direction du chemin du retour heureux comme un imbécile, mais arrivé chez lui, sa mère fut ahurie de voir des bottes à la place des denrées alimentaires. Quelqu’un est venu vendre de souliers montants dont il avait les sacs pleins. Achetez des chaussures d’hiver, profitez ce n’est pas cher, disait-il aux gens qui passaient, mille dinars pour des souliers montants. Un témoin nous a avoué avoir été tenté par le diable comme beaucoup d’autres. Il acquiert une paire. Au bout de quinze jours, ses talons lui faisaient mal, même si mal qu’il ne pouvait plus marcher. Il avait compris que cela lui venait des souliers sur lesquels il avait été écrit «made in china», le même phénomène avait touché d’autres.
Abed Boumediene