Les acquis de la cause sahraouie poussent le Maroc à des décisions «irresponsables»

Sahara occidental

Les acquis régionaux et internationaux de la cause du Sahara occidental provoque l’ire du Maroc qui va vers des décisions «irresponsables» et «aléatoires», dans une tentative de pression sur certains pays pour les amener à revenir sur leur solidarité avec le peuple sahraoui, conformément aux résolutions internationales et aux chartes onusiennes, a déclaré Mme Nadjet Handi, représentante du Front Polisario en Allemagne.

La décision portant suspension de toutes formes de communication avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat «va à l’encontre des us et coutumes diplomatiques», a déclaré à l’APS la diplomate sahraouie. Soulignant que cette décision «n’a pas été commentée par les médias officiels au Maroc», elle a écarté la possibilité que le Royaume marocain aille jusqu’à rompre ses relations avec son septième plus grand partenaire commercial. Une telle décision «est destiné davantage à la consommation locale», a estimé Mme Handi. Le Royaume marocain «croit pouvoir faire pression ou exercer un chantage sur un Etat tel que l’Allemagne comme il le fait avec d’autres pays en jouant la carte de l’immigration clandestine, de la drogue ou autre parmi les moyens connus du Makhzen pour amener les pays à se positionner de son côté et à reconsidérer leurs positions, particulièrement en ce qui concerne la question du Sahara Occidental», a-t-elle relevé. «L’Allemagne est un Etat qui se respecte et qui respecte les lois internationales», a assuré la diplomate sahraouie, rappelant son rôle influent au sein de l’Union européenne (UE) dont elle respecte les principes et les décisions ainsi que les chartes de la légalité internationale. En plus, l’Allemagne «est l’un des pays donateurs du Maroc», a-t-elle précisé citant « le don financier accordé par Berlin au Maroc, en décembre dernier, pour aider les citoyens marocains à faire face à la conjoncture difficile marquée par la pandémie du Coronavirus. S’appuyant de nombreux analystes politiques et médias audiovisuels, notamment en Allemagne, la représentante du Front Polisario a expliqué que la décision du Maroc «est intrinsèquement liée aux développements et acquis enregistrés récemment par la cause sahraouie, en particulier auprès de l’Allemagne qui a réitéré à de nombreuses reprises sa position vis-à-vis du Sahara occidental, d’où l’ire de Rabat», a-t-elle fait observé. Dans ce cadre, elle a évoqué «la convocation par la Fédération d’Allemagne, lors de sa présidence du Conseil de sécurité, d’une session à huis clos ou elle a clairement critiqué l’impasse dans laquelle se trouve le processus de règlement du conflit, fustigeant, par ailleurs, la décision de l’ex-président américain Donald Trump reconnaissant la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental». Mais, a-t-elle poursuivi, «la goutte qui a fait déborder le vase, c’est le lever du drapeau de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) au siège du Parlement fédéral de Brême, au lendemain de la célébration du 45e anniversaire de la proclamation de la RASD». «Cette levée de l’emblème sahraoui est depuis cinq ans un témoignage de solidarité avec la cause sahraouie et de soutien au droit légitime de son peuple à la liberté et à l’indépendance», a précisé la représentante du Front Polisario en Allemagne, qui fait état de «protestations marocaines » auprès de l’ambassade allemande à Rabat. L’Allemagne avait alors rappelé au Maroc, a ajouté Mme Handi que les institutions et les fédérations en Allemagne « sont libres en vertu du régime fédéral démocratique allemand de traiter et de se solidariser avec qui ils veulent». Signalant la signature par un grand nombre de parlementaires allemands de la lettre adressée au nouveau Président américain, Joe Biden, lui demandant de revenir sur la reconnaissance par Trump de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, elle fait observé que «tout ceci explique la réaction intempestive marocaine». Evoquant la décision attendue de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui examine, depuis mercredi, le recours introduit par le Front Polisario contre l’accord commerciale Europe-Maroc, la représentante du Front Polisario en Allemagne a fait état de «l’optimisme» de la partie sahraouie à la lumière des audiences qui se réfèrent aux décisions prises en 2016 et 2018. Le 21 décembre 2016, la CJUE avait affirmé que les Accords de partenariat et de libre-échange avec le Maroc ne peuvent s’appliquer au Sahara occidental, soulignant le statut «séparé» et «distinct» de ce territoire inclus sur la liste des territoires non-autonomes de l’ONU. La CJUE avait statué, fin février 2018, que l’Accord de pêche ne peut également s’appliquer au Sahara occidental et à ses eaux adjacentes.

L’Allemagne mise sur le processus onusien pour résoudre le conflit au Sahara occidental
L’Allemagne «mise, comme dans le passé, sur le processus onusien pour la résolution du conflit au Sahara occidental, en dépit des difficultés auxquelles se heurte ce processus», a indiqué mercredi le président de la sous-commission des Nations unies, des organisations non-gouvernementales (ONG) et de la mondialisation, Ulrich Lechte. Dans une entrevue accordée à la télévision allemande, le responsable au Parti libéral-démocrate au Parlement allemand a précisé que «le régime marocain souhaite que l’Union européenne et l’Allemagne reconnaissent la déclaration de Donald Trump sur le Sahara occidental». «Néanmoins, nous misons, comme dans le passé, sur le processus onusien, en dépit des difficultés auxquelles il se heurte, sans pour autant enregistrer aucun progrès depuis des décennies», a-t-il rappelé. Il a en outre affirmé que «la position de l’Allemagne est particulière», d’autant que le dernier envoyé spécial du SG de l’ONU au Sahara occidental était l’ancien président allemand, Horst Kohler qui «a démissionné pour des raisons de santé», ajoutant qu’il «y a une volonté depuis des décennies pour que le peuple sahraoui exerce son droit à l’autodétermination». Il a par ailleurs rappelé l’arrêt de la Cour de justice de l’UE (CJUE) concernant la pêche au Sahara occidental, qui stipule que l’accord de pêche entre l’UE et le Maroc n’inclut pas les eaux territoriales du Sahara occidental. Après la décision unilatérale de Donald Trump reconnaissant la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, l’Allemagne a appelé à la tenue d’une session du Conseil de sécurité consacrée à la question du Sahara Occidental, ce qui «ne sert pas les intérêts du Maroc», a-t-il ajouté. Dans un communiqué laconique, l’ambassade d’Allemagne à Rabat a précisé mercredi qu’«en raison de la situation pandémique au Maroc, nous vous informons de la suspension de la réception des demandes de visas Schengen jusqu’à nouvel ordre». La mesure prise par les services de l’ambassade allemande ne serait nullement liée, selon des analystes, à la situation pandémique au Maroc, mais s’apparenterait à une «réaction» à la décision du Royaume du Maroc de «suspendre tout contact» avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat. Le Maroc avait décidé, selon des médias locaux, de suspendre tout contact avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat, en raison de ce qu’il a qualifié de «malentendus profonds» avec Berlin sur différents dossiers, dont la question du Sahara occidental. L’Allemagne, acteur important au sein de l’UE, souligne l’impératif de régler pacifiquement les conflits à travers le respect des règles et la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité.
R.I