Les ménages algériens désemparés face au processus inflationniste et à la détérioration du dinar

Economie

S’agissant d’un problème aussi complexe que celui de l’inflation, une analyse objective doit tenir compte de la structure et des particularités de l’économie à laquelle ils sont appliqués, les aspects de structures de l’économie internationale, de l’économie interne résultant de l’option de la stratégie de développement économique, aux schémas de consommation générés en son sein pour des raisons historiques, d’influences socio-culturelles et aux composantes des différentes forces sociales pour s’approprier une fraction du revenu national. Il y a lieu d’éviter à la fois autosatisfaction et sinistrose par un discours de vérité, des réalisations entre 1963/2020 mais également des insuffisances qu’ils s’agit de corriger.

Les investissements demandent du temps pour leur rentabilité, les grands projets s’ils sont lancés en 2021 au moins 5/7 ans, soit 2026/2028, et pour les projets PMI/PME, leur seuil de rentabilité se fera dans deux à trois ans. Quant au start tup, prestataires de services, attention à la propagande, ils ont besoin d’un marché et d’un environnement concurrentiel, leur efficacité serait nulle à terme sans la dynamisation du tissu productif, l’élévation du niveau de qualification, et une efficacité des institutions nous retrouve dans le même scénario des nombreuses faillites des projets de l’ANSEJ. Donc il ya urgence d’éviter les replâtrages conjoncturels et d’avoir une vision stratégique les réserves de change ont fondu passant de 194 milliards de dollars au 1er janvier 2014, 62 fin, 2019, à 42 milliards de dollars fin 2020 malgré toutes les restrictions d’importation qui ont paralysé l’appareil productif et accéléré le processus inflationniste du fait du déséquilibre offre limitée et demande croissante.
Malgré cela l’Algérie possède encore quelques leviers, le stock de la dette extérieure étant inférieur à 6 milliards de dollars. Encore que nous assistons à un accroissement important de la dette publique interne qui selon les organismes internationaux s’est établi à 61% du PIB fin 2020, contre 36% en 2018 et 46,3% du PIB en 2019, qui n’est pas propre à l’Algérie avec l’accroissement de la dette publique des Etats due à l’impact de l’épidémie du coronavirus. Aussi, l’avenir de l’économie algérienne repose sur six paramètres stratégiques le tout s’articulant autour d’une nouvelle gouvernance et la moralité des gouvernants renvoyant au politique :
premièrement sur une plus grande cohérence des institutions centrales et locales par une dé-bureaucratisation, autour de cinq à six grands pôles régionaux, donc une véritable décentralisation qui paralyse les initiatives créatrices et non une déconcentration néfaste ;
deuxièmement, la réforme urgente du système socio-éducatif, du primaire au secondaire et le supérieur y compris la formation professionnelle, le savoir pilier du XXIe siècle, le foncier et le système financier (douane, fiscalité, domaine, banques), lieu de distribution de la rente et enjeu énorme du pouvoir ;
troisièmement, la maîtrise de la dépense publique, des coûts et la lutte contre les surfacturation et la corruption ;
quatrièmement, à moyen et long terme l’économie est dépendante de la croissance hors hydrocarbures s’insérant dans le cadre de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur la transition numérique et énergétique ;
cinquièmement, la maîtrise de la pression démographique et de l’urbanisation pour un espace équilibré et solidaire ;
sixièmement, entre 2020/2025, l’économie reposera encore pour longtemps sur le cours des hydrocarbures, impliquant un nouveau management de Sonatrach, impliquant une audit indépendante.
En bref, la raison fondamentale du processus inflationniste en Algérie trouve son fondement dans le mode d’accumulation biaisé, où n’existe pas de proportionnalité entre la dépense publique et les impacts économiques et sociaux, conséquence d’un manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique et sociale, avec la corruption socialisée qui constitue une menace pour la sécurité nationale facteur de démobilisation générale des citoyens. La non maîtrise du processus inflationniste aura pour conséquence l’accélération du divorce Etat/citoyens accentué par l’effritement du système de la communication officielle, devant mettre fin à certains discours qui jouent comme facteur de démobilisation, tenant compte de l’innovation destructrice, en ce monde turbulent et instable pour reprendre l’expression du grand économiste Joseph Schumpeter.
En résumé, je ne m’explique pas la léthargie du gouvernement face à cette flambée des prix qui menace la cohésion sociale et donc la sécurité nationale où certaines organisations de défense des consommateurs qui prêchent dans le désert, incombant la responsabilité aux petits détaillants alors que le problème est ailleurs, l’absence de régulation mais qui ne datent pas d’aujourd’hui, des discours triomphants lorsque la rente des hydrocarbures est en hausse et le désarroi lorsqu’elle baisse. Comment ne pas rappeler ma contribution, au niveau national et international, sous le titre : «Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement, allons faire le marché ensemble» (www.google.com le 08/09 septembre 2009) toujours d’une brûlante actualité, montrant que les mécanises de régulation et de gouvernance n’ont pas fondamentalement changé. Aussi, pour se projeter sur l’avenir, l’Algérie nouvelle impose une nouvelle gouvernance, un langage de vérité, la moralité des gouvernants, de rétablir la confiance pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence, de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, en tolérant les différentes sensibilités mais évitant la division sur des sujets secondaires. Il y va de la sécurité nationale.
(Suite et fin)
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul