Emouvantes obsèques à El Alia

«Annie Steiner a fait partie de ces Français d’origine ayant refusé de cautionner l’oppression du peuple algérien et cru en le droit de ce dernier à son indépendance, allant jusqu’à renier son appartenance à la France coloniale, en dépit du choix qui s’est offert à elle d’obtenir les deux nationalités, française et algérienne.

Ce pourquoi, les Européens ayant épousé la cause algérienne ont été torturés plus cruellement que les Algériens, car considérés comme des traîtres». Ce témoignage de la moudjahida de la Fédération FLN de France, Salima Bouaziz, résume les sentiments des compagnons de lutte d’Annie Steiner, présents à son inhumation, jeudi 22 avril, dans le carré chrétien du cimetière d’El-Alia à Alger lors d’émouvantes obsèques, en présence également d’amis et d’officiels. Dans le quartier Ferhat Boussâad (ex-Meissonier), où elle habitait jusqu’à sa mort, le 21 avril, Annie Steiner était «connue de tous, mais vivait très modestement et ne claironnait pas qu’elle avait fait la guerre et a été emprisonnée». Au moment de l’entrée au cimetière de l’ambulance transportant le cercueil recouvert de l’emblème national, de vibrants you-yous ont été lancés par ses amies et camarades de lutte.
Elle a passé toute sa vie en Algérie et à son service, avec une abnégation exemplaire, ont souligné ceux qui étaient présents à l’enterrement. «C’est ma sœur», dira, fort émue, la moudjahida Louisette Ighilahriz, qui, en dépit de son âge avancé, a tenu à être présente pour témoigner de «la douleur de l’arrachement à ses filles que les forces de police coloniale ont fait subir à la défunte, en sus des supplices infligés en prison, sans que cela n’entame sa détermination à aller au bout de l’idéal auquel elle a cru». Tahar L’hocine, moudjahid de la Zone autonome d’Alger puis de la Wilaya IV, se souvient ainsi de la défunte : «J’ai connu Annie en 1956 lorsqu’elle militait aux côtés de Hassiba Ben Bouali, Daniel Timsit et tant d’autres. Je me souviens encore de son arrestation, le 15 octobre de la même année. Elle a toujours été une brave femme et refusé les feux de la rampe». Ancienne enseignante et formatrice, Fadéla Sahraoui a connu Annie en 1955, sur les bancs de l’université. Elle tient à relever que «c’est grâce à Annie Steiner qu’elle s’est initiée au militantisme pour la cause féminine et pour l’indépendance du pays. «Elle m’a ouvert les yeux sur la réalité de ma condition de femme et je lui dois mon éducation politique et militante». Quant à Bouzid Rachid, des éditions «Rafa», il se souvient que c’est «sous son impulsion» qu’il s’est lancé dans l’édition, afin, lui disait-elle, d’écrire l’histoire de la Révolution algérienne.
L. A.