Un crime contre l’humanité !

Massacres du 8 mai 1945

Date marquante du mouvement national, la commémoration du 8 mai 1945 symbolise dorénavant, en tant que Journée nationale de la Mémoire, la longue lutte du peuple algérien contre l’occupation coloniale. La résistance des Algériens n’a à aucun moment cessé depuis le premier jour de l’invasion de l’Algérie par les troupes françaises.

Le 8 mai 1945, Jour de la Victoire, le peuple algérien est sorti pacifiquement pour exiger l’indépendance nationale, le drapeau algérien a été porté au même titre que les drapeaux des nations alliées victorieuses. Dans le défilé, le mot d’ordre qui a dominé est «el istiqlal», (l’indépendance). Le jeune Saâl Bouzid a été tué parce qu’il a refusé de lâcher le drapeau algérien qu’il tenait à la main. L’armée française, aidée par les milices de colons, a organisé une répression sauvage contre la population algérienne qui réclamait son droit légitime à la liberté et à l’indépendance. Avant d’être fusillés, «les hommes qui vont mourir sont contraints de creuser les fosses de ceux qui viennent d’être tués», écrit Henri Alleg (La Guerre d’Algérie, tome 1). Il rapporte un témoignage bouleversant : «Les légionnaires prenaient les nourrissons par les pieds, les faisaient tournoyer et les jetaient contre les parois de pierre où leur chair s’éparpillait sur les rochers».
Les corps de prisonniers exécutés par rangées, dans le dos, étaient précipités du haut d’une falaise. Des corps sont brûlés dans les fours à chaux. Des groupes de prisonniers enchaînés sont écrasés sous les roues des chars des légionnaires. L’ambassadeur de France en Algérie, au cours d’une visite à Sétif le 17 février 2005, a décrit cette tuerie massive comme une «tragédie inexcusable». La commémoration des Massacres du 8 Mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata et d’autres parties du pays, qui ont fait pas moins de 45.000 martyrs, rappelle que durant 132 années, le colonialisme français a commis des crimes imprescriptibles à l’encontre de notre peuple. L’historien et politologue français, Olivier Le Cour Grandmaison, a appelé le Président Emmanuel Macron à reconnaître de «façon précise et circonstanciée» les crimes commis le 8 mai 1945 en Algérie par la France coloniale comme étant des «crimes de guerre et contre l’humanité».
Dans un entretien accordé à l’APS, il a précisé que «les rafles, les tortures, les exécutions sommaires, les disparitions forcées commises à l’encontre de la population civile (en Algérie) l’ont été en exécution d’un plan concret», soulignant que les «éléments constitutifs du crime contre l’humanité sont donc bien réunis ainsi que l’ont établi depuis longtemps les historiennes et les historiens qui ont étudié ces massacres». A propos du Eapport de l’historien français Benjamin Stora qui s’est montré évasif sur les massacres du 8 mai 1945, alors que ses recommandations demeurent muettes sur les crimes commis par l’armée coloniale, Olivier Le Cour Grandmaison estime que «maintenant que le Rapport est en possession du Président Macron, la responsabilité est désormais exclusivement la sienne».
De son côté, Mathieu Rigouste, spécialiste français des questions coloniales, a souligné, dans un entretien à l’APS, que «dans la continuité des grandes répressions qui ont accompagné la conquête coloniale pour écraser les résistances populaires de 1830 jusqu’au début du XXe siècle, les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata en mai 1945 nous montrent que le crime de masse a constitué un dispositif de gouvernement récurrent sous l’ordre colonial». Sur la question de la réconciliation des Mémoires, Mathieu Rigouste a indiqué que «les Etats dirigent des politiques mémorielles qui répondent aux intérêts des classes dominantes», relevant que deux logiques sont à l’œuvre en France, dont «une première qui consiste à faire croire que l’impérialisme et la Françafrique sont révolus, ceci pour mieux reconduire la politique néocoloniale».
«Macron fait ainsi semblant d’essayer de faire avancer la reconnaissance des crimes coloniaux et de faciliter l’accès aux archives». Mais dans la pratique, c’est surtout l’inverse qui est à l’œuvre», a-t-il dit. Pour les Algériens, le 8 mai 1945 et les jours qui suivirent, ont été le moment de vérité quant à la forme de lutte à adopter pour en finir avec le joug colonial et reconquérir leur souveraineté. Ce fut la lutte armée, qui sera déclenchée le 1er novembre 1954 et qui se terminera le 19 mars 1962 par la victoire, traduite par le départ de l’armée française.
Lakhdar A.