Quelle politique de subventions ciblées pour l’Algérie, pour concrétiser les décisions du président de la République ?

Economie

Le président de la République vient d’annoncer qu’un large débat après les élections législatives, sur un sujet combien sensible, concernant la politique future des subventions, pour des actions opérationnelles. C’est que les tensions sociales, tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés, qui ne profitent pas toujours aux plus démunis.

Le ciblage des subventions que je préconise depuis les années 1990, suppose une large concertation sociale, un système d’information fiable en temps réel et une enquête précise sur la répartition du revenu national et du modèle de consommation par couches sociales devant éviter le nivellement par le bas. Cette présente contribution est une brève synthèse, d’une brûlante actualité, d’un rapport réactualisé, remis aux autorités du pays le 14 septembre 2012 dont les résolutions n’ont jamais été appliquées.

1- Les différentes formes de subventions
Sans entre exhaustif je recense les différentes formes de subventions les plus connues : les subventions du prix du pain, de l’huile, de la semoule et du lait. Bon nombre d’algériens vivent se nourrissant essentiellement de pain et de lait.  Les subventions octroyées coûtent au Trésor public un différentiel qui reste mobile en fonction des fluctuations du prix d’achat de la matière première sur les marchés mondiaux. Toutefois, le Trésor public paie ce différentiel, quel que soit son niveau ;  les subventions des carburants et  de l’électricité. L’Algérie est classée parmi les pays où le prix du carburant est le moins cher au monde. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher.  La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud. Il en est de même du prix  de l’électricité/gaz, avec une différence entre le prix aux ménages   et les clients industriels Le niveau du prix du gaz concédé aux centrales est de l’ordre de 10 % de celui qui correspond aux transactions internationales du gaz, une  différence qui grève considérablement le budget de Sonelgaz , en déficit structurel depuis des années  et en plus  ce prix plafonné qui couvre à peine les couts,  de quoi décourager tout investisseur local ou  étranger dans ce domaine.
Pour les différentes unités pétrochimiques, aciéries, matériaux de construction  fortes consommatrices de gaz , se pose  le prix de cession pour éviter un transfert de rente ; les subventions  de l’eau. Le problème de la tarification de l’eau  se pose à peu près dans les mêmes termes que les carburants. Son prix de cession demeure faible  malgré des couts croissants (investissement additionnel) plus important pour l’eau dessalé qui nécessite de lourds investissements, problème aggravé par les déperditions du réseau de distribution (45 à 50 % de pertes, en moyenne nationale), le différentiel  étant payé par l’Etat ; les subventions de la santé. Pour le système de santé, les subventions supportées par l’Etat sont importantes, se soignant gratuitement dans les hôpitaux  et une forte réduction  pour les médicaments grâce à la carte  Chiffa délivrée, aux citoyens  de la sphère informelle qui ne cotisent pas et  même pour les milliardaires, creusant le déficit de la sécurité sociale .
En comparaison  au niveau des  cliniques  privées,  le coût d’une hospitalisation dans le secteur privé celui d’un accouchement oscille entre 50 000 et 70 000 DA, plus de 100 000 DA pour une césarienne et le montant est largement supérieur pour des interventions pointues fluctuant entre  500.000 et plus de 1.000.000 dinars et plus pour certains cas ;  les subventions dans le transport.  Pour le transport, il n’y pas uniformité devant distinguer le transport par rail subventionné où l’entreprise accuse un déficit structurel, des autres moyens. Pour Air Algérie, la  gestion défectueuse, et les  sureffectifs qui sont de loin plus élevés par rapport aux normes internationales en plus e l’épidémie du coronavirus frôle actuellement la faillite. Les compagnies étrangères s’alignant sur ceux d’Air Algérie bénéficient d’une rente de monopole  Pour le transport routier, on assiste à des conflits permanents notamment des transporteurs privés  du fait du bas tarif , le prix étant lié au cout  de l’achat  qui a flambé  entre 2019/2020  de l’entretien et au prix du carburant;  les subventions pour le soutien au logement social et à l’emploi. Les subventions s’appliquent également au logement social où le prix du mètre carré dans les grandes agglomérations peut aller  entre 200.000  et  300 000 DA  et plus selon les quartiers, non supportés par les bénéficiaires, ce qui qu’occasionne un transfert de rente des bénéficiaires du logement social, pénalisant les couches moyennes écartées, assistant ainsi à un nivellement par le bas.
Pour l’aide à l’emploi où l’entreprise qui recrute, bénéficie d’importantes facilités financières et fiscales, d’importants abattements sur la cotisation de sécurité sociale à leur charge, non supportés par  l’employeur et  pris en charge par le Trésor public. Un bilan s’impose   de ces exonérations en plus du bas taux d’intérêt inférieur au taux d’inflation (accroissement du découvert bancaire) et la création effective de la valeur ajoutée, plus de 70% des bénéficiaires de l’emploi des jeunes étant actuellement en difficultés. Nous avons  les allocations familiales bien que le montant  est  très faibles financées totalement sur le budget de l’Etat ; les autres subventions. Nous avons  la charge financière du transport des étudiants, de la restauration et de l’hébergement des étudiants internes sans distinction ce qui se répercute sur la gestion des œuvres universitaires comme les frais de la carte d’abonnement annuel du transport universitaire  où le prix de la restauration, date  des années   1970. Qu’en sera-t-il avec plus de 3 millions d’étudiants,   sans rappeler également les subventions  à travers  œuvres sociales des CEM et des lycées. Nous avons également les subventions pour le papier concernant la presse et au niveau politique d’importants montants alloués à certains partis politiques et à de nombreuses associations dites «  société civile »  mais souvent sans corrélation avec les impacts comme en témoigne le faible taux de participation aux différentes élections.

2- La nouvelle politique des subventions suppose une nouvelle gouvernance
Grâce à l’aisance financière générée parle passé, les cours élevés des hydrocarbures, les différents gouvernements de 1970 à ce jour, au nom de la paix sociale, ont généralisé les subventions. Or les réserves de change ont clôturé à 42 milliards de dollars fin 2020 contre 194 au 01 janvier 2014, étant impossible de continuer dans cette trajectoire de continuer à dépenser sans compter. En Algérie de celui qui gagne le SNMG au chef d’entreprise national ou étranger, tous bénéficient des prix subventionnés, n’existant pas de système ciblé de subventions.
Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités, expert international
(A suivre)