La littérature de voyage, c’est quoi ?

Motivée par le plaisir, le pèlerinage, une mission officielle, l’exploration géographique ou le profit, la littérature de voyage émerge comme un genre littéraire qui a marqué tous les temps et toutes les cultures. Les récits de voyage se situent à mi-chemin entre la réalité et la fiction, l’autobiographie et l’ethnographie, combinant un certain nombre de disciplines académiques, de catégories littéraires et de codes sociaux.

Ce genre de récit soulève des questions concernant le pouvoir, la perception de soi, la représentation culturelle et l’imagination. On considère que la littérature de voyage est un type d’écriture qui a une valeur littéraire. C’est un genre qui parle des gens, des évènements, des lieux et des sentiments d’un auteur qui sillonne des pays étrangers pour le plaisir du voyage. Ce type d’œuvre est parfois appelé «itinéraire». Pour qu’il soit qualifié de littéraire, le récit doit être cohérent et contenir des points de vue et des valeurs. Ce n’est pas un simple agencement de dates et d’évènements tel un journal ou un carnet de voyage. La littérature qui relate des aventures, des histoires d’exploration et de conquêtes est souvent appelé «littérature de voyage», mais elle se classe aussi sous un genre propre appelé «littérature de plein air». Ces genres s’interpénètrent et ne connaissent pas de véritables frontières. La littérature de voyage est un genre populaire dans l’édition d’aujourd’hui. Toutefois, elle représente rarement une consignation dépassionnée et scientifique d’évènements vécus dans des territoires étrangers. En tant que genre littéraire, il est cadré par un certain nombre de conventions et normes. Les lecteurs sont généralement attirés par l’exotisme, l’Autre et le différent dans les contrées qu’ils explorent littérairement. La littérature de voyage peut être transculturelle ou transnationale dans son essence ; elle peut aussi impliquer le voyage dans les différentes régions d’un même pays.

Le rôle de la littérature de voyage (Rihla) dans le dialogue interculturel et interconfessionnel
Si l’on devait croire la plupart des mythes et des contes, le voyage fait partie de l’aventure humaine. Qu’il quitte son pays pour de bon et qu’il se dirige vers une terre promise (Abraham et Moïse), le voyageur passe par plusieurs épreuves avant de retrouver son pays d’origine (Ulysse), prend la route pour chercher la sagesse à travers de multiples rencontres (Bouddah) ou part à la découverte de la Terra incognita (Ibn Battûta, Christophe Colomb ou Marco Polo). Il enrichit ainsi sa vision du monde dans une ère où le voyage fait partie de la vie quotidienne. L’une des meilleures illustrations du dialogue interculturel et interconfessionnel est probablement la littérature de voyage (Rihla). Des siècles durant, les gens se sont déplacés d’un point géographique à un autre pour le travail, le savoir, le commerce, la diplomatie, le loisir et sont entrés en interaction avec les autres gens de couleurs, de cultures et de croyances différentes. Ces interactions se font de plusieurs manières : elles peuvent être violentes, désagréables ou pacifiques et amicales, et à l’évidence quand nous parlons de violence, nous n’entendons pas par cela l’occupation ou conquête mais tout simplement une approche culturelle inadéquate résultant d’un manque de communication due à des idées préconçues. Le fait est que les êtres humains érigent trop de murs autour d’eux mais trop peu de ponts pour pouvoir se rencontrer. Est-ce la peur ? la supériorité ? la haine ? ou est-ce tout cela à la fois ? en réalité, il n’existe pas de réponse toute faite, mais une multitude de scénarios peut être envisagée.

Objectifs
A cet égard, en entreprenant une recherche sur la littérature du voyage (Rihla), on peut viser un échange culturel avancé dans le domaine de la littérature et de la traduction à travers une coopération multilatérale qui englobe la politique de la recherche et de l’analyse, les publications, la formation des traducteurs et le développement des compétences, la participation conjointe aux salons de livres internationaux, aux festivals littéraires et autres événements, l’organisation de projet de grande envergure, ainsi que des conférences, séminaires et ateliers.

Les objectifs principaux d’une telle entreprise peuvent être résumés comme suit :
Etablir le dialogue à travers la promotion de la littérature de voyage (Rihla) et sa traduction ; Améliorer l’accès des œuvres de littérature de voyage les moins connues, notamment celles écrites dans les langues les moins répandues et celles qui sont sous-représentées sur la scène internationale ; Encourager davantage la diversité des événements littéraires internationaux et de l’édition littéraire pour les catégories d’âge ; Développer des approches innovantes en matière de création littéraire, promotion et soutien de la traduction et formation des traducteurs exerçant dans les langues les moins usitées ; Agir comme un catalyseur des contacts multilatéraux, des collaborations et des projets innovants qui mènent la littérature de voyage vers une interaction avec les autres formes artistiques et explorer le rôle social et politique de l’écriture ; Encourager le débat sur des questions interculturelles et interconfessionnelles pertinentes ; et créer des opportunités pour les échanges d’idées, le transfert des compétences et du savoir et partager les expériences et les ressources auprès des organisations et des institutions dans le but d’encourager le dialogue interculturel et interconfessionnel et la communication. Ibn Battûta était le seul voyageur médiéval à avoir visité les pays de tous les dirigeants musulmans de son temps. Il s’est également rendu à Ceylan (Sri Lanka), en Chine, à Byzance et en Russie. La distance parcourue lors de ses voyages est estimée à plus de 75 000 miles, une performance qui n’a pas été égalée avant l’invention de la machine à la vapeur. Le célèbre voyageur Ibn Battûta a fait sienne la devise suivante : «Ne jamais, si possible, parcourir une route une seconde fois». Cinquante ans avant Marco Polo, il a voyagé, à cheval, à dos de chameau, à pied et en bateau et parcouru toutes sortes de routes, y compris en Afrique de l’Ouest où il a visité Tombouctou, le Mali et le Niger. Son intérêt ne s’est pas limité uniquement à la géographie.

Ibn Battûta
Il a admirablement décrit la situation politique, économique et sociale ainsi que les conditions actuelles, la position des femmes et les questions religieuses. Il a été nommé cadi (grand juge) de Delhi, et a passé les vingt-trois dernières années de sa vie comme cadi de Fès, au Maroc où il a écrit son œuvre. Ibn Battûta a commencé en 1325 ses voyages, quand il avait 21 ans. Sa principale raison de voyager était d’aller en pèlerinage à la Mecque comme tous les musulmans sont tenus de le faire. Mais son voyage a duré environ 29 ans et il a couvert environ 75 000 miles et visité l’équivalent de 44 pays modernes. Ibn Battûta a rencontré de nombreux dangers et connut de nombreuses aventures en chemin. Il a été attaqué par des brigands, a failli se noyer dans un navire en détresse et failli être décapité par un tyran. Vers la fin de sa vie, le Sultan du Maroc a insisté pour qu’Ibn Battûta dicte le récit de ses voyages à un lettré de la cour (Ibn Jouzay). Aujourd’hui, on peut lire ce récit, qui a été traduit en plusieurs langues internationales. C’est un document précieux et intéressant qui nous aide à mieux comprendre l’actualité du Moyen-âge.

Rifa’a at-Tahtawi (1801-1873) : de l’Egypte vers la France
Venu à Paris en tant qu’imam pour une mission de 5 ans (1826-1831), il publia en 1834 son livre intitulé : «Takhlîs al-ibrîz fî talkhîs Bârîs», traduit en Français sous le titre : «L’Or de Paris» et a été publié en 1988. L’année où l’expédition française quitta l’Égypte et le jour même du départ des Français, en 1801, naquit Tahtawi dans le village de Tahtah (Sohag). Il étudia ensuite sous la direction de son maître Hassan Al-Attar à l’université Al-Azhar. Lorsque Muhammad Ali décida d’envoyer un certain nombre d’élèves égyptiens à Paris, en 1826, Al-Attar lui suggéra de les faire accompagner par Tahtawi en tant qu’imam et mentor, pour les guider et leur prodiguer conseils et exhortations. La plupart des élèves égyptiens qui sont partis en Europe au début du XIXe siècle avaient pour mission d’étudier les arts et les sciences dans les universités européennes et d’acquérir des compétences techniques comme l’imprimerie et la construction navale, en plus des techniques militaires modernes. D’après son récit de voyage ‘Rihla’ (Voyage à Paris), Tahtawi a étudié l’éthique, la philosophie sociale et politique, les mathématiques et la géométrie. Durant son séjour en France, il a lu, entre autres, les œuvres de Condrillac, Voltaire, Rousseau, Montesquieu et Bezout. Rifa’a at-Tahtawi était écrivain réformateur égyptien. Il était aussi professeur, traducteur et égyptologue. Il fut incontestablement parmi les premiers érudits qui ont écrit sur la culture occidentale pour tenter de réconcilier les civilisations islamique et chrétienne.
(A suivre)