Un avenir incertain…

Presse écrite

Il n’y a rien qui contredit mieux la volonté politique de faire de la presse un partenaire à part entière, souvent exprimée par le président de la République, que la gestion actuelle du secteur, et pour cause.

Au moment où, au sommet de l’Etat, une approche apaisée et conciliante trouve du répondant auprès des éditeurs qui ont à cœur d’accompagner le chef de l’Etat dans sa vision d’édification de la nouvelle Algérie, conscients qu’ils sont de l’importance de leur rôle dans la traduction de cette vision, de sorte qu’elle puisse être assimilée par les différentes catégories sociales, la presse est approchée, hélas, dans la réalité du terrain, selon un regard économiste et fiscaliste étroit, qui perd de vue une dimension incontournable, qui n’a, à aucun moment, échappé au Président, à savoir que la presse est un acteur de la pensée politique et idéologique de l’Etat – peuple compris – qui ne peut être enfermée dans cet enclos «économiste» où elle n’aurait aucune chance de survie.
Que dire alors de cette vision consistant à diluer l’effort financier qui se consent à travers la publicité institutionnelle en créant chaque jour de nouveaux titres ? Le pluralisme médiatique est-il sauf quand on favorise sa morbidité par la pléthore ? N’est-il pas vrai que la morbidité des entreprises publiques économiques leur vient de la pléthore salariale ? N’est-ce pas une façon de donner l’illusion de favoriser la floraison du secteur tout en œuvrant à son euthanasie ?
Autre travers de cette gestion, le fait que l’on mette sur un même pied d’égalité la presse papier et les médias électroniques.
Alors que les journaux sont créateurs de dizaines d’emplois permanents qui préservent les intérêts d’un collectif important de journalistes et d’autres personnels et leurs familles, les médias électroniques, eux, emploient tout au plus trois à quatre personnes, et exploitent, au titre de pigistes, les journalistes de la presse papier ; cela tout en peinant à trouver l’écho médiatique escompté dans le Web, révélant leur impuissance à être l’alternative efficace au vide médiatique qui se constate dans les réseaux sociaux, que comble hélas le tout-venant de la rumeur et des fake news. Structurée comme une véritable institution, la presse papier n’a jamais laissé s’installer le moindre vide, marquant une présence de tous les instants dans les moments républicains les plus graves, et portant un discours – engagé quand cela est nécessaire – au service, non pas des gouvernements, mais de la continuité des institutions en vue de la puissance pérenne de l’Etat.
Est-il juste de renier tout cela au nom d’un renouveau à la mode qui voudrait opposer, selon une logique financière, presse papier et presse électronique, en donnant l’impression aux représentants de la première qu’ils doivent se préparer à mourir, et aux seconds qu’ils ne pourront vraiment advenir que sur les cadavres de leurs ancêtres ?
Dans ce contexte où l’Algérie est la cible de tant d’ennemis, il y a de la place pour tout le monde, pour peu que ne prime plus cette logique de clochardisation de la presse qui n’obéit, selon tout bon sens, à aucun entendement susceptible de préserver les intérêts du pays.
Non pas qu’il faille enrichir la presse pour qu’elle se mette au service de l’Algérie, mais qu’on lui permette de vivre dans la décence et la dignité, pour qu’elle puisse être libre, indépendante et responsable.
Larbi Balta