«Personne ne peut occulter l’importance de l’Accord d’Alger»

Hamede Ag Eddine, humanitaire de Kidal, à La Nouvelle République :

Hamede Ag Eddine est un humanitaire dans une organisation non gouvernementale de l’ONU à Kidal, nord du Mali. Il évoque dans cet entretien l’Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation au Mali, et l’importance de son application.

La Nouvelle République : La médiation internationale œuvre pour l’application de l’Accord pour l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Peut-on parler d’une reconnaissance des efforts diplomatiques de l’Algérie ?

Hamede Ag Eddine : Depuis quelques années maintenant, la communauté internationale peine à trouver des solutions pour accélérer la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. De nombreux facteurs surgissent presque chaque année qui entravent de façon considérable cette accélération. Le dernier gouvernement issu d’élections démocratique s’est heurté à une contestation politico-sociale et a fait de sa survie politique une priorité au détriment de l’APR (accord pour la paix). La frange politique de cette contestation a fait de son opposition à la mise en œuvre de l’APR et de la mauvaise gestion du gouvernement d’IBK le fer de lance de sa contestation. Cette opposition à empêché l’ancien régime de connaitre des avancées dans la mise en œuvre de l’APR malgré les pressions de la communauté internationale. Après la chute de ce régime par un putsch militaire, la longue instabilité politique au sommet de l’état ne permet pas à la communauté internationale d’exercer ses pressions sur des gouvernements instables et volatiles. A tous ces facteurs s’ajoute une mauvaise volonté des parties signataires maliennes notamment la partie gouvernementale responsable de la mise en œuvre d’un accord pas encore approprié par les populations et qui risque de provoquer la colère de la rue dont tous convoitent les voix aux prochaines élections. La mise en œuvre de l’accord nécessite impérativement des réformes politiques et institutionnelles auxquelles s’opposent une bonne partie de certains partis politiques. Au vu de ces circonstances, l’accord pour la paix et la réconciliation n’a pas eu une avancée, et on ne peut pas occulter le fait que les efforts de ce pays voisin ont beaucoup contribue à l’adoption d’abord de cet accord mais aussi dans la gestion de tous les différents blocages qu’il a connu.

Comment l’Accord d’Alger est vu au Mali ?
Au Nord du Mali, l’accord est une priorité pour les populations et considèrent qu’ il est le meilleur parti qu’elles peuvent tirer pour le moment. Ces deux parties du pays ont également en commun le fait qu’elles ne sont pas satisfaites par cet accord qui selon beaucoup d’acteurs, leur a été imposé par la communauté internationale.

Qu’est ce qui retarde l’application de l’Accord d’Alger ?
Plusieurs facteurs s’associent pour former le frein de l’application de l’APR. Les meilleures avancées dans la mise en œuvre de l’accord ont été constatées durant le mandat du dernier gouvernement issus d’élections.
Depuis lors, il y a une succession de gouvernements issus du putsch militaire d’où une instabilité politique au sommet de l’état mais aussi un changement récurrent des interlocuteurs de la communauté internationale.
Ces gouvernements de transitions manquent de légitimité pour mettre en œuvre les reformes sécuritaires, politiques et institutionnelles qui permettront des avancées dans les grandes lignes de l’accord.
Ces gouvernements de transitions manquent également de volonté à organiser des élections et retardent l’échéance des délais fixés par la communauté internationale à travers la CEDEAO.
Au Delas ces facteurs, il y a aussi une mauvaise volonté de tous les acteurs à avancer sur certains points clés de l’accord qui risquent de les confronter à leurs populations respectives. La situation sécuritaire n’aide pas également la mise en œuvre de l’accord. Les groupes terroristes attaquent de façon quotidienne les forces gouvernementales et internationales et redessine par conséquent les priorités du pays.
La communauté internationale se heurte aussi au souverainisme malien devenu récemment un slogan de contestations contre les actions de la communauté internationale en général de la France en particulier et limite son champs d’action.

L’accord d’Alger évoque le recrutement des opposants armes de l’Azawad par l’armée. Cela favorise-t-il un meilleur combat contre le terrorisme dans l’Azawad ?
A mon humble avis, le recrutement des combattants dits de l’Azawad ne peut qu’être bénéfique pour la lutte anti-terroriste dans la zone du sahel pour bien de raisons. Certains mouvements armes signataires de l’Azawad ont participé auprès des opérations SERVAL et BARKHANE dans la lutte anti-terroriste entre 2013 et 2017.
Cette lutte discrète s’est soldée par l’assassinat de beaucoup d’officiers de ces mouvements. Après ces pertes humaines et matérielles, ces mouvements ont adopté une politique de non-agression avec les groupes terroristes car pour beaucoup d’entre eux.
C’est un combat d’ont-ils n’ont pas les moyens et qui ne contribue en rien à l’atteinte de leurs objectifs. Pour eux, la communauté internationale ne semble pas vouloir leur octroyer ni un soutien logistique ni une reconnaissance diplomatique pour motiver ces mouvements à participer de façon effective à la lutte anti-terroriste. L’intégration de ces combattants dans l’armée régulière contribuera fort bien à la lutte anti-terroriste car les combattants de ces mouvements maitrisent le terrain sur lequel évoluent les groupuscules terroristes et maitrisent les aléas sociaux qu’implique ce combat en utilisant les moyens conventionnels de l’état et la légitimité de l’armée nationale.

L’Accord d’Alger évoque la nécessite du développement économique au Nord du Mali. Parlez-nous des conditions socio-économiques dans la région.
La situation socio-économique dans la région est bien à l’image de l’état sécuritaire de ladite région. Les services sociaux de base tel que l’éducation, la sante, l’eau et l’électricité sont quasi-inexistants depuis 2012. La présence de l’état et de ses services techniques est le plus grand défi de cette décennie au Nord du Mali. Les organisations humanitaires internationales sont seules dans ce combat mais sont aussi affectés par l’insécurité. Les routes sont inexistantes, certaines régions comme Kidal sont coupées du reste du Pays et ne sont reliées par aucune route.
Les populations sont livrées à elles-mêmes tant sur le plan sécuritaire que sur le plan économique. L’élevage et la pèche restent les activités économiques majeures des populations mais connaissent aussi des difficultés à cause du réchauffement climatique grandissant.

L’action militaire dans la région, Mali, Niger et Burkina est aujourd’hui, dénoncé par les populations pour quelles raisons d’après vous ?
L’action militaire de façon générale n’est pas tout à fait contestée dans ces pays. Il y a une réaction a l’inefficacité de l’action militaire française dans la zone.
Les populations de ces pays estiment que l’armée française est suffisamment équipée et à user de suffisamment de temps pour mener a mal les groupes terroristes dans le sahel.
Un résultat encore loin aussi pour les forces françaises que locales. Il y a un sentiment anti-français grandissant car beaucoup estiment que l’ancienne puissance coloniale est plus engagée dans ses intérêts stratégiques que dans la lutte anti-terroriste.
Au-delà ce sentiment anti-français, tous les observateurs s’accordent pour dire que l’action militaire au Sahel doit avancer parallèlement avec une action de développement durable car c’est dans la misère des populations locales que le terroriste tire ses ressources.
Entretien réalisé par T.E.