Islam et démocratie

Politique

Le Saint Coran déclare, dans ce sens, qu’il n’y a: «Nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu’il croit en Allah saisit l’anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Entendant et Omniscient». (Le Saint Coran, 2 : 256).À mesure que le monde devient plus «plat», pour reprendre la terminologie de Thomas Friedman (2007), la compatibilité de systèmes de pensée concurrents devient un sujet de débat plus fréquent. Au premier plan de ce débat se trouve la compatibilité de l’Islam et de la démocratie. En raison des interprétations fluides et variées de ces deux notions, la conversation est immense.
En théorie, les juristes sont autorisés à approuver toute décision politique prise par le dirigeant et ont le droit de s’y opposer si elle est contraire à la sharīcah. L’élite politique avait donc besoin de l’autorité des juristes pour établir sa légitimité. Ainsi, dans la tradition classique, on peut voir comment les juristes et les gouvernants sont en constante coopération. Ce lien historique fort entre les interprètes de la religion et le monde politique explique pourquoi l’islam s’efforce d’établir des règles et des lois qui régissent non seulement la vie de l’homme, mais aussi celle de la société. Malgré leur interdépendance mutuelle, le pouvoir juridique et le pouvoir politique sont séparés, et cette séparation constitue le fondement de la séparation des pouvoirs qui est l’un des l’un des fondements de la démocratie moderne.
L’idée d’un État islamique est un sujet très discuté entre partisans et opposants. Ce concept existe-t-il ? Peut-on qualifier n’importe quel État d’État islamique ? Il y a bien sûr de nombreux prétendants. Il est intéressant de noter que parmi ces prétendants, on trouve aussi bien des dictateurs militaires que des monarques. Peut-on légitimement qualifier un État d’État islamique ? Existe-t-il un critère pour juger de cette revendication ? Si oui, quel est ce critère ? En général, certains aspects rituels de l’islam comme la prière, le jeûne, la zakât, etc. sont imposés en plus des punitions islamiques pour revendiquer le statut d’État islamique. Cela suffit-il ?
Tout d’abord, nous devons savoir s’il existe ou non un concept d’État islamique dans le Coran ou dans les Hadiths. Un examen approfondi des écritures et des Hadiths montre qu’il n’existe aucun concept d’État islamique. En fait, après la mort du Prophète, les musulmans n’étaient même pas d’accord sur la question de son successeur. Les musulmans se sont divisés sur la question – une section soutenant que le Prophète n’a jamais nommé de successeur et une autre section soutenant qu’il l’a fait.
En ce qui concerne le Coran, il existe, au mieux, un concept de société plutôt que d’État. Le Coran met l’accent sur al-cadl wa al-iHsân (justice et bienveillance). Une société coranique doit être fondée sur ces valeurs. De même, le Coran s’oppose fermement à adh-dhulm wa al-cudwân (oppression et injustice). Aucune société basée sur adh-dhulm wa al-cudwân ne peut donc être considérée comme une société islamique. Les valeurs coraniques sont les plus fondamentales. On peut donc se demander si un État, qui se déclare État islamique, peut être légitimement accepté comme tel sans que la société civile ne repose sur ces valeurs.
La société arabe préislamique n’avait connu aucune structure étatique. Il s’agissait d’une société essentiellement tribale, qui ne connaissait pas de distinction entre un État et une société civile. Il n’y avait pas de loi écrite, et encore moins de constitution. Il n’y avait pas d’autorité dirigeante, qu’elle soit héréditaire ou élue. Il y avait un sénat composé des chefs des tribus de la région. Toute décision prise devait être unanime et les chefs de tribu appliquaient la décision dans leurs tribus respectives. Si un chef de tribu était en désaccord, la décision ne pouvait être appliquée.
Il n’y avait pas de système de taxation, ni de police ou d’armée. Il n’y avait aucun concept de gouvernance territoriale, de défense ou de maintien de l’ordre. Chaque tribu suivait ses propres coutumes et traditions. Il y avait bien sûr des guerres intertribales et tous les adultes tribaux participaient à la défense des intérêts de leur tribu. La seule loi qui prévalait était celle du qisâs (représailles). Le Coran l’exprime succinctement en ces termes :‘’C’est dans le talion que vous aurez la préservation de la vie, ô vous doués d’intelligence, ainsi atteindrez-vous la piété. ‘’ (Le Saint Coran, 2 : 179)
Le mouvement islamique de La Mecque a hérité de cette situation. Lorsque le prophète et ses compagnons ont été confrontés à de graves persécutions à la Mecque, ils ont émigré à Médine, également connue sous le nom de Yathrib. Médine était aussi fondamentalement une ville tribale régie par des lois tribales. Comme à la Mecque, il n’y avait pas d’État à Médine et seules les coutumes et traditions tribales prévalaient. En fait, d’une certaine manière, Médine était pire que La Mecque. À La Mecque, les guerres intertribales n’étaient pas très fréquentes, car la société se transformait en société commerciale et des sociétés commerciales intertribales voyaient le jour. Cependant, Médine, qui était une oasis, était aussi une société semi-agricole ou les différentes tribus étaient à couteaux tirés. Pour mettre fin à la guerre intertribale, les habitants de Médine ont invité le Saint Prophète en tant qu’arbitre.
Le Prophète, une grande personnalité spirituelle et religieuse, inspirait un grand respect et entreprit d’établir une société juste à Médine. Il a tout d’abord rédigé un pacte entre divers groupes tribaux et religieux, connu sous le nom de mithâq al-madîna (c’est-à-dire le Traité de Médine), qui garantissait une autonomie totale à toutes les tribus et à tous les groupes religieux, comme les juifs, les musulmans et les autres tribus païennes. Tous les groupes religieux étaient libres de suivre leurs propres lois et traditions. La coercition n’était pas utilisée pour forcer les gens à suivre d’autres lois et traditions.
Le mithâq al-madîna était une sorte de constitution préliminaire de l’”État” de Médine, qui allait au-delà d’une structure tribale et transcendait aussi les frontières tribales en matière de gouvernance commune. Elle établissait également le principe selon lequel, si une force extérieure attaque Médine, tous la défendront ensemble. Ainsi, pour la première fois, un concept de territoire commun, si nécessaire au fonctionnement d’un État, a été élaboré. Avant cela, comme il a été souligné précédemment, il y avait le concept de tribu mais pas de frontières territoriales.
Le Prophète, d’une certaine manière, a pris une mesure révolutionnaire en dissolvant les liens tribaux et en mettant davantage l’accent sur les frontières idéologiques d’une part, et sur les frontières territoriales d’autre part. Cependant, l’objectif du Prophète n’était pas de construire une communauté politique. Il voulait plutôt construire une communauté religieuse. Si les musulmans ont évolué vers une communauté politique, c’est par accident plutôt que par nécessité. C’est pourquoi le Coran met davantage l’accent sur les valeurs, l’éthique et la moralité que sur les doctrines politiques. C’est le dîn (religion) qui importe le plus, et non la gouvernance. Allah dit dans le Coran que :
‘’Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d’Allah, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne, et celle qu’une bête féroce a dévorée – sauf celle que vous égorgez avant qu’elle ne soit morte -. (Vous sont interdits aussi la bête) qu’on a immolée sur les pierres dressées, ainsi que de procéder au partage par tirage au sort au moyen de flèches. Car cela est perversité. Aujourd’hui, les mécréants désespèrent (de vous détourner) de votre religion : ne les craignez donc pas et craignez-Moi. Aujourd’hui, J’ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée l’Islam comme religion pour vous. Si quelqu’un est contraint par la faim, sans inclination vers le péché… alors, Allah est Pardonneur et Miséricordieux. ‘’ (Le Saint Coran, 5 : 3).Ainsi, le Coran prescrit un dîn parfait, pas un système politique parfait dawla. Le système politique a dû évoluer au fil du temps et en fonction des besoins et des exigences.
L’un des devoirs fondamentaux des musulmans est de “faire respecter ce qui est bon et de combattre ce qui est mauvais“. Cela donne clairement une orientation morale et spirituelle à une société islamique. L’accent mis plus tard sur l’association intégrale entre la religion et la politique est totalement absent du Saint Coran. Le Prophète était l’exécuteur du bien par excellence et il a consacré sa vie à éradiquer le mal de la société. Mais il n’a jamais aspiré au pouvoir politique. Il était l’une des grandes personnes spirituelles nées sur cette terre. Il s’efforçait d’inculquer le pouvoir spirituel à ses compagnons. Le verset suivant du Coran énonce la philosophie de base de la communauté musulmane :“Vous êtes la meilleure communauté, qu’on ait fait surgir pour les hommes. Vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allah. Si les gens du Livre croyaient, ce serait meilleur pour eux, il y en a qui ont la foi, mais la plupart d’entre eux sont des pervers.” (Le Saint Coran, 3 : 110).

La notion du consensus ijmâ
En rapport avec ce qui précède, introduisons un autre terme arabe important : ijmāc (consensus). Dans len aucun cas contredire le Coran ou la sunnah. Les écoles juridiques sunnites, largement majoritaires, admettent cette règle du consensus en vertu d’un Hadith disant : ‘’Ma communauté ne se réunira pas sur une erreur’’. (Rapporté par At-Tirmidhî).
Ce concept présuppose que la communauté est à l’abri de l’erreur et ne peut prendre une mauvaise décision parce qu’elle est guidée et dirigée tout au long du processus par l’autorité divine. L’idée de l’infaillibilité de la ‘ummah est légitimée par la sunnah, qui chérit les paroles du Prophète Muhammad. Le consensus de la ‘ummah se transforme en source de la légalité et tout ce qui a été convenu sur sa base devient légitime. Le consensus symbolise la décision de la ‘ummah dans sa totalité et l’idée de sa ciṣma, ou l’immaculée ; de cette manière, la tradition juridique rejette la pratique de succession héréditaire. Le nouveau calife est choisi par consensus par les al-culamā’ (juristes). Ainsi, ils font une sorte de contrat entre le souverain et le statut dans lequel les deux parties ont des obligations.
Dans la pratique, la construction d’un consensus dans l’élection du dirigeant est atteinte par le processus de shūrā (consultation). La première preuve historique de shūrā dans l’élection du souverain suprême par cette pratique remonte à 644 lorsque six Mecquois éminents ont été nommés pour élire le troisième calife après le meurtre du calife Umar ibn al-Khattab.

A suivre …