Un témoin méconnu des luttes afro-américaines

Portrait de Maya Angelou

Femme noire et artiste engagée, Maya Angelou détonnait dans l’Amérique conservatrice des années 1950 et 1960. Toute sa vie, elle a écrit, dansé, chanté et surtout lutté aux quatre coins de la planète et aux côtés des plus grandes figures afro-américaines.Sa carrière artistique va de pair avec un fort engagement politique. Ainsi, lorsqu’elle rencontre à New-York le Sud-africain Vusumzi Make, la vie de Maya Angelou se transforme. Rapidement, elle se marie avec ce proche de Nelson Mandela, part en Égypte pour devenir la responsable de l’édition anglaise de l’hebdomadaire The Arab Observer, puis au Ghana où elle devient assistante à la University of Ghana’s School of Music and Drama et écrit pour The African Review et The Ghanaian Times. À Accra, elle rencontre Malcolm X avec qui elle revient travailler aux États-Unis en 1964, pour l’aider à développer l’Organization of African American Unity.
Après l’assassinat de Malcolm X, Maya Angelou rejoint Martin Luther King et devient la coordinatrice de la section new-yorkaise de son organisation mais aussi la représentante du Nord pour la « Southern Christian Leadership Conference ». Elle poursuit tout de même sa carrière artistique en devenant notamment une productrice de télévision.

Débuts littéraires
A cette époque, Maya Angelou multiplie les voyages et en profite pour apprendre le français, l’espagnol, l’italien et l’arabe. Mais le 4 avril 1968, le jour de ses quarante ans, Martin Luther King est lui aussi assassiné. Maya Angelou est dévastée et perd à nouveau l’un de ses proches collaborateurs et amis.
Encouragée par l’écrivain noir-américain James Baldwin, elle se met à écrire pour combler ce vide grandissant. Elle déménage alors à Harlem, côtoie nombre de jeunes écrivains noirs-américains et intègre le « Harlem Writers Guild ». Elle fait publier deux œuvres autobiographiques qui la rendent célèbre : I Know Why the Caged Bird Sings en 1969 et All God’s Children Need Traveling Shoes en 1986. Mais elle écrit avant tout des poèmes. Le recueil Just Give Me a Cool Drink of Water Fore I Die, publié en 1971, est même proposé pour le prix Pulitzer. Une dizaine d’autres recueils seront publiés par la suite. Mais l’auteur a également écrit des essais, comme Lessons in Living en 1993 ou Even the Stars Look Lonesome en 1997, des livres pour enfants (Mrs. Flowers en 1986 ou Life Doesn’t Frighten Me en 1993), des pièces de théâtre qui ont été jouées à New York, Los Angeles ou Londres (la revue Cabaret for Freedom en 1960, And Still I Rise en 1976 ou King en 1990), des scénarii de films ou de séries télévisées (Georgia, Georgia en 1972 qui fut le premier scénario écrit par une femme noire-américaine, The Black Candle en 2008 ou encore une série de dix épisodes d’une heure pour la chaine PBS intitulée Black, Blues, Black en 1968). Et preuve qu’elle a touché à tous les arts, elle a également réalisé des longs-métrages (All Day Long en 1974 ou Down in the Delta en 1998), joué pour le cinéma et le théâtre. Même si elle multiplie les lectures à travers le monde entier pendant toutes ces années, ce n’est qu’en 2008 que certains de ses ouvrages sont traduits en français, ce qui peut expliquer que le public francophone ne la connaisse que très peu. L’éditeur canadien Les Allusifs a ainsi fait éditer : Tant que je serai noire et Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage. En 1981, elle s’installe en Caroline du Nord (tout en gardant sa résidence à Harlem) à Winston-Salem et obtient la chaire d’études américaines à l’Université de Wake Forest. Depuis, son engagement politique se poursuit dans des voies plus institutionnelles, auprès du camp démocrate américain. Le président Gerald Ford la nomme au sein de la Commission pour le bicentenaire de la Révolution américaine. Le président Jimmy Carter la nomme au sein de la Commission présidentielle pour la Journée internationale de la Femme.
En 1993, Bill Clinton l’invite à écrire un poème, « On the Pulse of Morning », pour le lire lors de son investiture. Et en 2008, Maya Angelou a soutenu Hillary Clinton puis a rejoint le camp de Barack Obama dans la course à la présidentielle. En l’an 2000, elle reçoit la médaille présidentielle des Arts et en 2008, la Ford’s Theatre Lincoln Medal. Aujourd’hui, même si certains parents conservateurs critiquent certaines scènes jugées trop crues dans son autobiographie, I Know Why the Caged Bird Sings est enseigné dans les écoles américaines.
Malgré son âge, Maya Angelou a continué à parcourir les États-Unis pour briser les barrières entre les communautés, inciter les jeunes à se cultiver.
Le 28 mai 2014, Maya Angelou meurt des suites d’une longue maladie, après avoir été trouvée inconsciente dans sa maison de Winston-Salem, quelques jours après avoir annulé une apparition au Beacon Awards de Houston où elle devait être honorée. Elle avait 86 ans.
Il faut savoir que l’effigie de Maya Angelou figure sur une nouvelle génération de « quarters », les célèbres pièces de 25 cents américaines, dont les premiers exemplaires ont été frappés par la Monnaie des Etats-Unis et vont prochainement être mis en circulation.
Il ne s’agit pas d’objets de collection mais de pièces qui seront produites en grand volume, destinées à être utilisées au quotidien. C’est la première fois qu’une pièce ou un billet américains qui ne provienne pas d’une série limitée de collection représente une femme afro-américaine.
(Suite et fin)
H.B.