Musique instrumentale et vocale des temps anciens

Meddahs itinérants

Aussi contradictoire que vous paraît le titre, il y a une compatibilité entre
le meddah, version ancienne et la génération de l’internet et du portable.On a vu des meddahs itinérants,
aujourd’hui, face à des jeunes qui
les regardent chanter au son d’un
instrument à percution: le tambour.
On ne sait pas si c’est par
admiration ou par sentiment
d’avoir découvert un genre ancien
dont le contraste est frappant
avec les chanteurs modernes,
qu’ils se donnent la peine
de les regarder. Pour la nouvelle
génération, c’est le monde de la
tradition orale de nos grands-parents
qui fait irruption dans l’univers
d’aujourd’hui.
Les chants de meddahs, une
histoire…
Effectivement ces hommes nés
meddahs, font revivre aux
contemporains des pratiques traditionnelles
qui ont marqué le
temps de nos aïeux ; ils ont été de
vrais croyants et des pratiquants
incontestables des principes de
l’Islam dans toute leur authenticité.
Les meddahs qui, jadis, existaient
en plus grand nombre, chantaient
le répertoire des khouans, consistant
en de nombreux textes rythmés,
rimés et dont le refrain répète
constitue une originalité majeure.
Du point de vue
thématique, c’est le religieux qui
donne une beauté incomparable
à ces chants. Pas plus loin qu’hier,
nous avons eu le plaisir de voir
passer devant chez nous, deux
meddahs qui semblaient avoir lié
leur vie pour le meilleur et le pire,
en décidant tout jeunes de se
consacrer à ce genre, pas aussi facile
qu’on peut le penser.
De par leur comportement, ils
sont porteurs de convictions religieuses
fortes ; à les entendre, on
comprend qu’ils sont de fervents
pratiquants de l’Islam, d’un Islam
tolérant, bienfaisant, cherchant
à apporter, à chacun et particulièrement
aux désespérés ou aux
sceptiques, tout le réconfort nécessaire
au recouvrement d’un
équilibre psychologique. Avec
eux, on retrouve en se l’appropriant
cette conviction que Dieu
tout puissant est la lumière sur
terre et dans les cieux. Ceci est dit
dans le Coran (sourate «La Lumière
»). Ce que les khouan et les
meddahs traditionnels ont
chanté, c’est tous les sentiments
humains, la compassion, l’exhortation
à ne faire que le bien pour
espérer une récompense. C’est là
tout le sens de la prescription répétée
«craignez Dieu» pour signifier
: faites le bien tout le temps,
soyez sur la voie droite, quelles
que soient les circonstances.
Cette aya, de la sourate «el baqara
» dit : «Si des serviteurs t’interrogent
à mon sujet, je suis près
d’eux, je réponds à l’appel de celui
qui m’appelle, s’il m’appelle .Qu’ils
accomplissent leurs devoirs,
qu’ils croient en moi».
Les paroles qu’ils chantent
C’est des compositions poétiques
composées par de grands
croyants, des cheikhs de zaouia
d’une propreté morale exemplaire
ou des marabouts et des vrais
dont le rôle n’est pas d’exploiter
la naïveté des autres à leur profit,
mais de faire le bien et toujours le
bien par croyance en Dieu et à
son Prophète Mohamed (QLSSL).
Chaque région d’Algérie a connu
de fervents religieux bienfaiteurs.
Ce fut le cas de Chikh Mohand
Oulhoucine qui, de son temps n’a
fait qu’aider ceux qui venaient
chez lui pour lui demander
quelque chose d’important. Deux
ennemis sont repartis réconciliés
à propos d’un morceau de terre,
parce que le pardon, la patience,
la bonté étaient ses maîtres-mots.
Il a sorti de sa poche de quoi
payer une dette à un pauvre menacée
d’expropriation par un méchant
créantier. Chikh Mohand
Oulhoucine avait le don de bien
parler et de composer des
poèmes religieux de grande portée
morale du genre : «Les gens se
disputent pour la terre alors que
nul ne sait à qui elle appartient.
Quant à nous, nous n’existons
que pour sa subsistance. La terre
n’appartient qu’au roi de l’univers,
Dieu l’éternel, alors que
nous, ses serviteurs, nous
sommes destinés à nourrir notre
fin est dans les tombes». Au fil du
temps, les poèmes composés par
des religieux, maîtres de la langue
et dont la vocation a été d’aider
les malheureux, ont constitué le
répertoire des khouan et meddahs.
Les deux meddahs d’hier
D’hier, c’est parce que le hasard a
voulu que l’on sait sur les lieux le
jour de leur passage, hier. Il s’agit
de deux hommes habillés à la traditionnelle
et qui s’entendent à
la perfection, par leur vocation
de religieux et leurs affinités. Ils
chantent en duo, dans une parfaite
harmonie avec un seul accompagnement
musical : le tambour
qui rappelle les ancêtres.
Quand ils chantent ; ils font vibrer
les coeurs tant leurs paroles
touchent les plus insensibles.
Leur voix, nous dit une vieille,
permanente à cet endroit de la
campagne, a cette particularité
de faire frissonner. On se sent
comme transportés, tant ils nous
rapprochent de Dieu. Aussi chacun
a tendu la main pour offrir
une pièce à ce groupe méritant,
parce depuis quelques décennies,
ils ont apporté aux habitants de
quoi pouvoir sortir du chrono :
des moments de joie et de ressourcement
bons surtout en situation
de désespérance. Une
preuve qu’il s’agit d’un groupe
désintéressé qui ne cherche pas
la fortune, ils se contentent de
quelques pièces, souvent très petites
de monnaie. Et comme d’authentiques
hommes de religion
sensibles aux dons minimes tel un
peu d’huile dans une petite bouteille
qu’une vieille a tenu à leur offrir,
ils n’oublient jamais de quitter
des gens sans leur avoir fait
une fatiha avec beaucoup de souhaits.
Abed Boumediene