Le rire comme thérapie est l’objectif principal de l’art dramatique

Un théâtre où on ne rit pas est un théâtre dont on doit rire

Logiquement toute pièce de théâtre, particulièrement une comédie, est composée dans le but de faire rire sur les travers humains, elle est à l’image de la société dans tous ses hauts et ses bas. On doit rire au théâtre, même si c’est du tragique étant donné que les acteurs comme vous et moi jouent des rôles qui, à des moments précis, provoquent le rire du public spectateur venu écouter des scènes de la vie de tous les jours, le théâtre étant la reproduction des moments choisis de la réalité sociale.

Depuis la nuit des temps et dans le pays où il est né, la Grèce antique, les dramaturges célèbres de cette époque lointaine se sont inspirés des évènements de la vie comme les problèmes conjugaux, les incompatibilités d’humeur, les caractères inconciliables, les conflits sociaux comme les luttes des clans, les guerres qui ont existé dans tous les temps, c’est tout ce qui est mis dans diverses sortes de pièces pour amuser le public. Euripide a dû construire plus de cents pièces théâtrales orales, Sophocle et Eschyle avaient dépassé chacun la centaine d’œuvres. Ils devaient avoir des capacités de mémorisation prodigieuses pour emmagasiner tant de travail de leur vivant. Mais ce qui n’est pas écrit se perd et il ne reste plus que quelque unes de ces pièces, parce qu’elles ont été récupérées par l’écriture. Chez nous également, il y a eu des générations successives de comédiens très doués pour le genre et qui ont composé oralement de nombreux sketchs, des petites pièces théâtrales inspirées de la réalité coloniales et conçues pour faire faire rire. De petites pièces de circonstances destinées à faire du spectacle sur les places publiques des agglomérations rurales où à une certaine époque, il n’y avait point de moyens de pérenniser les productions orales, qui se perdaient dans l’oubli quelques années après qu’elles avaient été jouées. Nos populations n’avaient pas à l’époque ni de téléviseurs, ni de lieu de défoulement, et pour peu que quelqu’un veuille bien les faire rire, il était non pas seulement le bienvenu mais une aubaine.

Pour faire rire le public,
il faut être naturel
Ceux qui vont au théâtre, c’est pour rire, et c’est pour aussi retenir des idées nouvelles qui ne peuvent être que bénéfiques. Celui qui a assisté à une représentation théâtrale revient chez lui en ayant appris quelque chose, il est plus détendu qu’il ne l’était avant d’aller assister à la représentation. Le rire comme thérapie est l’objectif principal de l’art dramatique, exactement comme cela est recommandé par les spécialistes en psychiatrie. Le rire antidote contre toute forme d’agression pouvant provoquer des perturbations et psychiques, il permet d’oxygéner l’organisme, de diminuer les tensions musculaires. Cela permet d’éliminer les résidus présents dans les poumons et d’augmenter les capacités respiratoires. Il est certain que le fait de rire pourrait contribuer à soigner tous les problèmes concernant l’équilibre psychologiques des personnes.
Le côté bénéfique du rire en général, étant largement mis en évidence, tournons –nous vers le théâtre comme sa source, principale, le rire peut avoir d’autres causes possibles : spectacles musicaux qui procure une joie immense, discussions où des personnes douées peuvent entrainer à de grands fous rires, on peut rire à la vue d’un pitre de passage sur la voie publique. Mais ce qui nous intéresse c’est de savoir comment un théâtre peut faire rire. Réellement, c’est l’ensemble des agissements des acteurs sociaux que le dramaturge reproduit tels quels du milieu social qui font rire.
Pour faire une pièce de théâtre, on s’inspire directement du milieu social en faisant le choix de situations qui prêtent à rire, sinon on recrée des moments importants en fonction du thème de la pièce, les dramaturges sont là – dessus très créatifs. On n’a qu’ à revoir à la tv les pièces jouées pendant le ramadhan qui ont fait rire aux larmes grâce à des artistes de Constantine et c’est de vrais, qui jouent à la perfection l’actualité par les problèmes quotidiens qui font rire aux éclats. Ils ont joué pour le ramadhan, des scènes qu’on se presse de voir au moment du ftour, rien qu’à les voir ces acteurs donnent envie de rire ; ils joueraient très bien les comédies de Molière. Combien de fois on a improvisé des comédies jouées par des troupes volontaires constituées à l’occasion des vacances d’été et qui ont été admirables. On aimerait bien voir le groupe aaçab oua aoutar dans une pièce théâtrale pour jouer tous les problèmes qui prêtent à rire comme les disputes quotidiennes entre marchands et clients, ou entre pères de familles pour leurs enfants qui se disputent. On exploite toutes sortes de situations qui pourraient avoir du succès auprès du public.

Un théâtre qui ne fait pas rire ne mérite pas d’être appelé « un théâtre»
Il est le contraire du principe de l’art dramatique fondé sur la thérapie et la catharsis. Le spectateur n’est pas dans le même état avant et après une mise en scène théâtrale. Une personne qui a assisté à une pièce de théâtre en sort revigorée parce qu’elle s’est beaucoup défoulé à force d’observer les personnages, et d’avoir beaucoup ri sur les écarts des caractères, il revient totalement changé par l’ambiance qui revivifie le public ; le spectacle donne à voir des différences de réactions selon le caractère des individus. Lorsqu’il s’agit de comédie, quelques –uns rient discrètement, d’autres rient aux éclats, sinon aux larmes et vont jusqu’à perturber le spectacle. Et un théâtre qui n’entraine de réactions de joie n’est pas un théâtre, il ne reproduit pas fidèlement les scènes de la vie sociale alors que normalement la vie reproduite telle qu’elle est vécue doit, par les erreurs quotidiennes, les bêtises de chacun, donner l’envie irrésistible de rire au de ce que chacun dit ou fait. En fait le travail du dramaturge consiste à reproduire à repasser le film de la vie sociale, pour permettre à chacun de s’y voir et de découvrir ses propres erreurs, en se voyant dans ses mouvements, ses paroles, ses élans au cours d’une journée. En se voyant dans l’écran, les uns font la grimace, froncent les sourcils, d’autres pendant ce temps là, rient aux éclats parce qu’ils trouvent ridicules ce type de comportements. Mais, ce sont là, des réactions naturelles face aux paroles des autres, à leur colère et à leurs manières d’être ridicules. La catharsis est un terme du théâtre classique de la Grèce antique qui signifie garder ce que le spectateur juge bon et rejeter ce qui est mauvais après une représentation théâtrale.

Quelques exemples de pièces théâtrales pouvant servir d’exemples convaincants
Ne nous éloignons pas trop en parlant du théâtre parfait de Kateb Yacine, sa première trilogie qui ont donné les signes d’un grand dramaturges, tout est théâtre chez Kateb, même sa mère est un théâtre, a –il dit lui-même dans le roman « Le Polygone étoilé », et toute sa vie a été un théâtre. Ce premier théâtre se présente sous la forme d’une trilogie sous le titre « Le cercle des représailles» composé de deux tragédies séparées par une comédie. Il a été joué pour la première fois en Belgique grâce à son metteur en scène Jean Marie Serreau qui s’est occupé des costumes, de la musique, du décor, et de tout le nécessaire comme le souffleur et le bruiteur omniprésents dans un théâtre. Quelle que soient les tragédies, il y a des moments où on a envie de pleurer, mais les moments d’émotion n’excluent pas le rire. Il n’y a pas de tragédies qui ne donnent pas l’occasion de rire, et les tragédies de Kateb sont loin de faire exception à la règle, surtout « Le cadavre encerclé » qui présentent les évènements d’Algérie comme le « Le huit mai 1945 » dont Kateb a pris une part active et la guerre de libération nationale. Il n’est pas normal qu’il n’y ait pas de rire lors d’une représentation nationale. Et que de comédies conçues pour faire rire abondamment. La comédie de Kateb « La poudre d’intelligence » est constituée d’histoires populaires ayant pour but de faire rire, comme celles du légendaire Djeha.
La pièce est divisée en jeux de rôles et en parties. Cependant, il faut lire attentivement la pièce conçue à la manière des comédies de la Grèce antique, on y trouve « Le chœur » et le coryphée qui en est le chef. La pièce fait éclater de rire l’ensemble des spectateurs, mais il faut avoir vu la pièce jouée pour réagir par le rire. Quant aux comédies de Molière, elles peuvent se jouer partout dans le monde sans heurter les croyances, elles sont véritablement universelles. Beaucoup de ses pièces ont été jouées en Egypte et dans d’autres pays arabes comme « L’avare », il s’agit d’un grand avare, d’une avarice qui frise la maladie. La nuit, il a peur des voleurs et une fois même, il a attrapé un bras, mais c’était celui d’un parent venu le voir. Dès qu’il entend un moindre bruit, il crie « au voleur ». Une autre comédie « Le Misanthrope » désigne quelqu’un qui déteste les hommes pour leur méchanceté, leurs vices, il jure d’aller vivre seul dans un désert. Face à lui, le philanthrope qui ne se fait aucun souci, il vit avec tout le monde, donnant l’impression de les aimer, mais c’est de cette façon qu’on peut supporter la société. C’est un théâtre où on rit beaucoup.
Boumediene Abed