L’insoutenable supplice de Djamel Bensmaïl, victime innocente de la barbarie, horrifiait l’Algérie

C’était le 11 août 2021…

« Je suis arrivé hier […]. Je suis venu soutenir mes frères. Ils m’ont donné une leçon de solidarité, de courage et de force ». Ces belles paroles qui, rétrospectivement, prennent une résonance bouleversante, furent les dernières prononcées face à la caméra par Djamel Bensmaïl, avant qu’il ne soit atrocement crucifié, à Larbaâ Nath Irathen, par une foule hystérisée et assoiffée de vengeance. Une foule muée en meute sauvage.

Ce furent les dernières paroles d’un être solaire, dont il n’émanait que des ondes rayonnantes et positives, avant celles, déchirantes, émises par le martyr de la barbarie humaine qu’il devint, pris au piège de ses bourreaux sanguinaires dans un fourgon de police où, jusqu’à l’ultime instant de son long supplice, avec un extraordinaire courage et une grande dignité, il clama son innocence.
Souvenons-nous, c’était le 11 août 2021, l’horreur absolue, innommable, survenait dans la wilaya de Tizi Ouzou qui était en proie aux flammes. Djamel Bensmaïl, n’écoutant que ce que lui dictait sa conscience, s’était empressé de quitter Miliana pour voler au secours de la Kabylie ravagée par des incendies gigantesques et meurtriers. Cette belle âme connut un sort effroyable, d’une cruauté sans nom, qui épouvanta l’Algérie et le reste du monde.
Alors que ses 102 assassins de la pire espèce, parmi lesquels figurent une dizaine de femmes, devront répondre de leur crime abominable devant la justice algérienne en septembre prochain, nous rediffusons le vibrant hommage que nous avions rendu à l’artiste Djamel Bensmaïl, mort en Chahid sur l’autel de noirs desseins.
C’était au cours d’un mercredi 11 août funeste, le martyre subi par Djamel Bensmaïl, effroyable au-delà des mots, n’en finit pas de hanter les consciences. Son souvenir se fait chaque jour plus prégnant, plus obsédant, plus traumatisant.
Sous un ciel assombri par les ténèbres de la barbarie, c’est une belle âme que l’on a, ce jour-là, suppliciée au-delà de l’horreur à Larbaâ
Nath Irathen. C’est un artiste talentueux, généreux et attachant que l’on a assassiné sauvagement, c’est un être merveilleux, viscéralement humaniste, que l’on a arraché aux siens avec une cruauté sans nom, mais aussi à l’Algérie, unie et solidaire, pour laquelle il nourrissait de grands espoirs.
C’est un jeune algérien de 34 ans, plein de vitalité et pétri de bonté, que l’on a crucifié atrocement, alors même qu’il était accouru depuis Miliana pour prêter assistance à une Kabylie ravagée par les flammes, si chère à son cœur, sa guitare et son sens aigu de l’entraide en bandoulière.
Une Kabylie avec laquelle ce musicien, surnommé affectueusement « Jimmy » par ses proches, qui appréciait particulièrement les sonorités arabo-andalouses, avait tissé des liens chaleureux et étroits. Une Kabylie, dont le passionné de nature qu’il était ne se lassait pas de contempler la beauté des paysages, au point de bivouaquer souvent dans l’Akfadou.
Artiste ayant plus d’une corde à son arc, guitariste, auteur-compositeur et peintre à la fois, le regretté Djamel Bensmaïl avait l’engagement chevillé au corps. Il était sur tous les fronts, la main toujours tendue vers les plus vulnérables, vers les plus démunis, vers ses frères et sœurs en Dieu et en humanité que les vicissitudes de l’existence et les tumultes du monde n’avaient pas épargnés.
Cet éveilleur des consciences appelait, avec la même ardeur, à faire preuve de solidarité envers les réfugiés des pays du Sahel qu’envers la région sinistrée, et lourdement endeuillée, de Kabylie. Épris de justice et de démocratie, il oeuvrait en faveur du renouveau politique en Algérie, auquel il aspirait tant, mais aussi en faveur de la démocratisation de l’art, chez lui, à Miliana. Il était d’ailleurs membre de l’Association des amis de Miliana pour la culture et l’art, une initiative visant à introduire l’art dans les rues de la ville.
Erigé désormais en martyr, Djamel Bensmaïl, cet homme désespérément seul, traqué, piégé et abandonné de tous dans un fourgon de police où il fut jeté en pâture à des barbares, mais resté debout devant eux, le corps et le visage tuméfiés sous la torture, laisse derrière lui un sillage lumineux, qui brille et brillera longtemps à travers les ténèbres les plus obscures.
Adieu l’Artiste, repose en paix. Allah y rahmou.
Correspondance particulière