Les défis de l’Algérie 2022/2025, face aux tensions géostratégiques, l’inflation et le chômage

Déclaration de la politique générale du gouvernement devant le Parlement

Le gouvernement s’apprête à présenter son bilan socioéconomique devant le parlement. Pour éviter toutes mauvaises interprétations de cette présente contribution , personne n‘ayant le monopole du patriotisme à ne pas confondre avec le nationalisme chauviniste ( nous aimons tous l’Algérie à notre manière), il faut dénoncer ceux qui s’adonnent au tout sinistrose mais également l’au satisfaction béate contraire aux réalités sociales, tout ce qui a été réalisé depuis l’indépendance politique n’est pas négatif : où vivaient nos parents et quel était leur niveau de vie, expliquant d’ailleurs le long combat des Algériennes et des Algériens depuis la colonisation de 1830 et combien d’étudiants avions nous ? Mais il faut reconnaître qu’entre les moyens déployés entre 2000 et 2021, plus de 1100 milliards de dollars d’entrée de devises (98% provenant de Sonatrach avec les dérivées), avec une importation en devises de 1055 milliards de dollars, le solde étant les réserves de change au 31/12/2021, sans compter les dépenses en dinars, existent un important écart entre les résultats et les impacts, qu’il s ‘agit de corriger en améliorant la gouvernance.

Dans ce cadre le BTPH pourvoyeur d’emplois est actuelles en pleine crise et selon l’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA) 5.700 entreprises fermées et 150.000 emplois perdus à fin avril 2021, y compris la léthargie des services, et ce sans compter bon nombre de PMI/PME qui constituent l’ossature du tissu économique, en crise de financement et en rupture d’approvisionnement fonctionnent à peine à 50% de leurs activités, les grands projets structurants dont la rentabilité ne se fera pas avant 2027/2030, en dehors des hydrocarbures, étant toujours en lettres d’intention (pas de contrats définitifs) avec les partenaires étrangers. Or selon les institutions internationales l’atténuation des tensions nécessite un taux de croissance 2022/2027 de 8/9% pour absorber un flux annuel entre 350.000 et 400.000 par an, qui s‘ajoute au taux de chômage actuel, non des emplois rente ( faire et refaire les trottoirs) ou le recrutement de fonctionnaires mais des emplois productifs, posant d’ailleurs un problème de sécurité nationale.
Les tensions sociales de plus en plus criardes sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions mais mal gérés et mal ciblés qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sont accentuées par l’individualisation car si on résout la crise du logement sans relance économique véritable, il y a risque de tensions sociales car un ménage vivant seul avec deux à trois enfants, avec la femme au foyer, sans voiture, avec l’alimentation , les factures d’électricité, téléphone, d’eau en plus du cout du logement à rembourser doit avoir au minimum un revenu de 80.000 dinars net par mois.
A court terme, ces tensions sont atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), la sphère informelle, les emplois rente (distributions de revenus sans contreparties) et les subventions qui servent de soupape de sécurité, assurant une paix sociale fictive. Aussi la loi de Finances 2022 prévoit 62 % des transferts sociaux aux subventions en soutien aux ménages et aux secteurs de l’Habitat et de la Santé et les subventions aux produits de base représenteront un total de 17 milliards de dollars.
Gouverner étant de prévoir, les défis qui attendent l’Algérie sont immenses du fait de l’important retard accusé dans les réformes se réfugiant dans le court terme par des dépenses monétaires colossales, sans se préoccuper de la bonne gestion. Or, 2030 ,c’est demain. Car depuis de longues décennies, l’Algérie est dans une interminable transition n’étant ni une économie étatisée, ni une véritable économie de marché concurrentielle, expliquant le peu d’efficacité tant de la régulation politique, sociale et économique. Si le processus inflationniste continue à ce rythme cela aura des incidences sur le taux d’intérêt des banques qui devraient le relever au moins de deux à trois points par rapport aux taux d’inflation réel, si elles veulent éviter la faillite, ou, alors l’Etat devra recourir à nouveau à leur assainissement tant qu’il a la rente des hydrocarbures. Cela freinerait à terme le taux d’investissement utile, la plupart des opérateurs économiques préférant se réfugier soit dans les activités spéculatives à court terme actuellement dominantes. Ce processus inflationniste aura pour conséquence l’accélération du divorce Etat/citoyens accentué par l’effritement du système de la communication gouvernementale où nous assistons à un dialogue de sourd, devant éviter des discours totalement déconnectés de la réalité sociale. C’est par un langage de vérité et un bilan serein, ni sinistrose, ni autosatisfaction, que l’on pourra redresser l’économie algérienne, des salaires sans contreparties productives, grâce à la rente des hydrocarbures, calmant le front social à court terme, mais conduisant au suicide collectif à moyen terme avec une stagflation, croissance faible, inflation et chômage. Dès lors comment ne pas se rappeler certains discours de ministres et parfois de premiers ministres totalement déconnectés de la réalité sociale où selon les propos du président de la République, bon nombre de décisions en Conseil de ministres ne sont pas palpables sur le terrain. Rappelons les déclarations entre 1986 et 2021 de certains responsables qui oublient souvent leur propos, formatés à l’ancienne culture bureaucratique rentière, alors que nous sommes avec les nouvelles technologies dans une maison de verre. Ainsi, il y a de cela environ 15 années un ministre déclarait ((repris par l’APS), qu’en Algérie, il n’y a pas de pauvres mais des nécessiteux ; d’autres ministres épaulés par certaines associations gravitant au niveau des sphères du pouvoir, il y a une maîtrise des prix et c’est la faute des consommateurs qui gaspillent alors que la majorité des citoyens arrivent difficilement à joindre les fins et je les invite d’aller faire le marché. Comment ne pas rappeler cette image de la télévision algérienne des années 2000, où, à une question sur le taux de chômage, un ministre affirmait que les enquêtes moins de 8 % et qu’un journaliste lui répliqua : êtes-vous sûr de vos données ? Oui, répond le ministre. Ce à quoi le journaliste répliqua sous l’œil amusé de la présentatrice, non convaincue d’ailleurs, qu’il irait faire un tour dans les quartiers Algérie et qu’il dirait aux chômeurs que dorénavant leur appellation n’est plus chômeur mais travailleur. Et après la grande pénurie que connaissait le pays après la crise de 1986, à l’ENTV où un ministre avançait avec assurance que le marché était saturé selon les données en sa possession, la présentatrice lui rétorquant s’il a fait un jour le marché et que la population algérienne ne mangeait pas les chiffres. Et récemment fin 2020, un ministre déclarait que la voiture n’est pas une nécessité pour les algériens oubliant la léthargie du système de transport collectif et que lui responsable, la maintenance de sa voiture ou de ses voitures allouées pour sa famille est supportée par le budget de l’Etat.

En conclusion, l’amélioration du pouvoir d’achat et le véritable patriotisme des Algériens, se mesurera par leur contribution à la valeur ajoutée interne. En plus des tensions géostratégiques aux frontières de l’Algérie, où la communauté internationale reconnaît le rôle de stabilisateur de la région africaine et méditerranéenne grâce aux efforts de l’ANP et des services de sécurité, sans véritable développement il y a accroissement de l’insécurité, la véritable clef du développement devant reposer sur la ressource humaine et une gouvernance rénovée au sein d’une planification stratégique. On ne décrète pas la création d’entreprises ou la création d’emplois. C’est l’entreprise publique et privée libérée de toutes les contraintes bureaucratiques qui créent la richesse. L’Algérie possédant d’importantes potentialités pour devenir un pays pivot au niveau de la région, durant cette conjoncture particulière d’une crise économique et sécuritaire mondiale inégalée, qui touche toute la planète et pas seulement l’Algérie, s’impose une mobilisation de la population, autour d’un large front national tenant compte des différentes sensibilités, le rétablissement de la confiance et une nouvelle gouvernance, sans lesquelles aucun développement n’est possible.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul
(Suite et fin)Les défis de l’Algérie 2022/2025, face aux tensions géostratégiques, l’inflation et le chômage