Une presse inscrite dans le temps pérenne de l’Etat

Elle aurait de véritables enseignes

La presse papier s’effrite au gré du mépris qui la touche dans un contexte où la prise en charge de ses grands problèmes existentiels ne semble pas constituer une priorité, et ce, en dépit du grand intérêt manifesté, dès son investiture, par le premier Magistrat du pays, qui a tout de suite mesuré la portée stratégique de la communication et de l’information en tant que rempart contre l’offensive anti-algérienne orchestrée ces dernières années.

A analyser les actions diligentées par le précédent ministre dans le cadre de la gestion fiscale et parafiscale, il semble bien que l’on considère la presse papier comme une niche précieuse de fiscalité et de confort social, sinon comment expliquer les opérations menées par les services des impôts et du commerce contre une presse exsangue, qui ne vivote plus, plutôt qui attend, dans l’agonie d’un mourant, qu’on l’euthanasie.
S’agissant d’un outil d’information et de communication, le journal papier doit cesser d’être considéré sous l’angle de la commercialité, car il porte une dimension politique et culturelle qui l’exonère de cette classification encombrante, cela surtout que ceux qui ont choisi de vouer leur existence à cette activité l’ont fait tout en sachant, à quelques rares exceptions perverses, qu’elle ne les enrichira pas d’argent, mais bel et bien de satisfactions intellectuelles, de gratifications politiques et, pourquoi pas, de reconnaissance nationale.
Dans toutes les capitales du monde, et bien qu’en réalité il n’y ait pas un seul organe de presse qui soit viable économiquement, la presse papier s’enorgueillit de ses grandes enseignes et affiche une bonne santé qui défie le principe ridicule de commercialité, parce que derrière elle, il y a un Etat et des institutions qui veillent sur sa pérennité et sa vigueur, car ils n’auraient que faire d’une presse qui quémande de la publicité pour assurer sa survie ni d’une presse pointée du doigt par quelque fonctionnaire hargneux pour des questions d’argent que ni les éditeurs, et encore moins les journalistes, n’ont considéré autrement que comme un moyen de subside pour poursuivre, dans la dignité, une aventure qui les passionne plus que tout.
Tout journaliste qui se respecte et tout éditeur qui a voué sa vie entière à la presse vous diront, en dépit de toutes les tentations faciles d’aller vendre des denrées alimentaires pour gagner dix fois mieux sa vie que ces scribouillards entêtés qui sont, avec leurs chefs et rédacteurs en chef, en voie de disparition, que la presse n’est pas qu’un lieu où ils aiment être, qu’elle n’est pas qu’un métier qu’ils adorent faire, qu’elle n’est pas qu’un emblème qu’ils tiennent à afficher comme antidote contre les venins que distillent les ennemis de l’Algérie, elle est aussi et surtout mesure de leur passion d’exister dont on voudrait les priver au nom de considérations, dont personne aujourd’hui ne saurait expliquer les tenants, puisque le président de la République lui-même porte un regard différent qui ne cadre pas avec la politique actuelle qui fonde cette réalité qui afflige la presse. Au vu des défis qui appellent à un rôle de la presse qui soit au diapason de ce à quoi est confronté notre pays et à la hauteur des questions qui se profilent aux horizons social, économique et politique, il n’y a pas un argumentaire digne de ce nom qui puisse justifier cette politique ou lui donner une quelconque raison d’être.
Une décision forte et réaliste consisterait à budgétiser, structurellement, ce qu’il serait convenu d’appeler «l’effort de presse», afin de permettre aux journaux d’émerger de nouveau et de regagner en vigueur, dans un élan nationaliste, pour redonner ses lettres de noblesse à la profession, car le pays a besoin, plus que jamais, de ses femmes et de ses hommes qui n’ont pas eu besoin qu’on les intronise ou les enrichisse pour s’affronter avec l’obscurantisme des années de braise. Le coût d’une presse que l’on abat est incommensurablement plus élevé que toutes les recettes fiscales et parafiscales, plus élevé que toutes les aides que l’on a préféré thésauriser, alors qu’une presse qu’on laisse vivoter, vulnérable et affaiblie comme une feuille d’automne, est pire, car elle existe, en dépit de sa morbidité avancée, dans la léthargie, la médiocrité et la culpabilité par rapport au devoir non ou mal accompli.
Seule une presse forte, qui reflète la vigueur de l’Etat et la bonne santé de ses institutions, qui porte les aspirations citoyennes et qui joue, entre autres institutions, son rôle de gardienne du temple, vaut son pesant de dignité et peut être à la hauteur d’un pays comme l’Algérie qui a érigé la parole vraie, la défense des opprimés, le droit à la liberté et la justice égale pour tous en sacerdoce révolutionnaire éternel.
L’Algérie a besoin d’enseignes médiatiques qui portent son unité historique comme un emblème sacré et qui portent la pluralité politique qui l’agite de l’intérieur comme une nécessité démocratique, et qui intègrent leur rôle, dans la dynamique nationale, comme un fait complémentaire des actions pérenne de l’Etat, qui bannit tous les sectarismes et tous les intérêts étroits des personnes et des groupes.
Une véritable enseigne médiatique est à ce prix, à ce seul prix. Combien coûte, en monnaie fiduciaire, un tel investissement ? Ce n’est pas à la presse, ni aux journalistes d’en tenir la comptabilité, ni aux citoyens de soutenir un discours populiste qui consiste à leur faire croire que la presse, par ses besoins en trésorerie, les appauvrit. Seul l’Etat, dans ses projections pérennes, est en mesure de définir ce que peut être le rôle d’une presse éclairée, intelligente, responsable et patriote, et seul l’Etat peut définir le coût matériel d’un tel investissement.
Pour ce qui est du jeu de la scène médiatique, elle-même, et des différences qui s’y font jour, donnant à voir des plus pertinents, des plus méritants, des plus engagés, elle devrait être stimulée par ce plus que constituerait la publicité, qui ne serait plus la manne unique et originelle, et qui permettrait de rendre justice à ceux qui honorent leur métier et qui arrivent à construire de véritable enseigne. Et en cela, que se concurrencent les concurrents.
Ahmed Aymen

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