Des législatives «fondamentales pour l’avenir politique de la Turquie»

Turquie

Dimanche 14 mai sera un jour d’élections en Turquie. Outre la présidentielle, les électeurs doivent choisir leurs députés pour les cinq prochaines années. L’universitaire et chercheur Nicolas Monceau décrypte les enjeux de ces législatives, qui se déroulent dans l’ombre du duel entre le président Erdogan et l’opposition. Erdogan sera-t-il réélu à la tête de la Turquie dimanche prochain ? Si l’enjeu monopolise l’attention à l’étranger, la présidentielle ne sera pas le seul scrutin à se dérouler le 14 mai. Les résultats des législatives, loin d’être secondaires, détermineront en grande partie les politiques menées dans le pays.
En Turquie, les législatives se déroulent en un seul tour. Les électeurs choisissent les 600députés qui composeront pour cinq ans la Grande Assemblée nationale, un parlement de type monocaméral (à une seule chambre). La Turquie compte 87 circonscriptions électorales, réparties dans 81 provinces. Actuellement, la majorité à l’Assemblée est détenue par le bloc politique formé du Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan et de ses alliés du Parti du mouvement nationaliste (MHP). France 24 fait le point sur les enjeux de ces législatives avec Nicolas Monceau, maître de conférences en science politique à l’université de Bordeaux, chercheur associé à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul et auteur de l’ouvrage «Turquie : un dilemme européen ?» (éd. de l’Aube et Fondation Jean-Jaurès, 2021). Nicolas Monceau : Ces élections, qui se jouent en un seul tour, sont très importantes. En fonction des résultats, elles détermineront les changements et les réformes politiques et économiques mises en œuvre par le prochain gouvernement. Elles détermineront également les rapports de force avec le futur président et la marge de manœuvre de ce dernier face au Parlement. Par conséquent, ces élections législatives sont fondamentales pour l’avenir politique de la Turquie.
Pour donner un exemple, l’opposition (incarnée par Kemal Kilicdaroglu) s’est engagée à abolir le système présidentiel. Mais pour cela, il aura besoin d’une majorité au Parlement pour pouvoir réformer la Constitution.
C’est la difficulté qu’a rencontrée l’AKP d’Erdogan pendant des années pour réformer la Constitution. Le parti ne disposait pas de la majorité requise pour atteindre le quorum nécessaire lors du vote des députés. En 2017, l’AKP a atteint le quorum (des trois cinquièmes des députés) avec le soutien des députés d’un parti allié, le MHP. Pour réformer la Constitution, il y a deux options : soit le vote des deux tiers des députés, soit le vote des trois cinquièmes des députés suivi d’un référendum – comme ce fut le cas en 2017. Au-delà de la réforme constitutionnelle, c’est tout le programme politique de l’opposition qui ne pourra pas être mis en œuvre si elle ne dispose pas d’une majorité suffisante au Parlement.
Les programmes sont élaborés et défendus par des partis politiques. Qu’il s’agisse du parti au pouvoir ou des partis d’opposition, les candidats aux élections législatives défendent un programme qui est globalement le même que celui des candidats à l’élection présidentielle. Au niveau national, les principales thématiques débattues sont les enjeux économiques et sociaux en raison de la crise économique profonde que traverse la Turquie, et le maintien ou non du système présidentiel. Il y a également des enjeux de politique internationale, mais au niveau local, on peut imaginer que ces derniers sont moins abordés.n