Pourquoi la haine de l’Occident envers la Russie ?

Le Pr. Grover Furr

Grover Carr Furr III (né le 3 avril 1944) est un professeur américain de littérature anglaise médiévale à l’Université d’État de Montclair dans le New Jersey. Il a publié de nombreux livres et articles sur l’histoire soviétique, en particulier sur l’ère stalinienne. Né à Washington, DC, Furr est diplômé en 1965 de l’Université McGill à Montréal, Québec, Canada, avec un BA en anglais. De 1965 à 1969, il était à l’Université de Princeton dans le département de littérature comparée, avec une formation en littérature britannique médiévale, allemande, russe et française.

En ce moment, la propagande ukrainienne relayée par les médias mainstream occidentaux accuse l’URSS d’avoir provoqué une famine en Ukraine en 1932-33, connue sous le nom de l’Holodomor. Ne sommes-nous pas devant un mensonge historique ? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
Je ne veux pas résumer tout ce que j’ai écrit à ce sujet. Voir les deux premiers chapitres de mon livre « Blood Lies », et le premier chapitre de mon livre « Stalin Waiting for … the Truth ». J’y résume les recherches du professeur Mark Tauger de l’université de Virginie occidentale. Il est l’expert mondial de l’agriculture et des famines russes et soviétiques. Je ne saurais trop recommander ses travaux ! Naturellement, ses travaux sont dépréciés et ignorés par la plupart des « autorités » du courant dominant, notamment par Snyder
(« Bloodlands») et Stephen Kotkin
(« Stalin. Waiting for Hitler, 1928 – 1941 »). La vérité, telle qu’elle ressort des meilleures recherches, est que la famine de 1932-1933 a été causée par des catastrophes naturelles : inondations, sécheresse, infestations de souris, maladies des cultures. Lorsque le gouvernement de Staline a appris que c’était le cas, il a commencé à apporter une aide à grande échelle aux régions touchées, y compris la République socialiste soviétique d’Ukraine. Grâce à l’aide importante du gouvernement soviétique, la paysannerie, bien qu’affaiblie par les maladies et les nombreux décès, a pu obtenir une bonne récolte et mettre fin à la famine.

Vous avez écrit « The Mystery of the Katyn Massacre, the Evidence, the Solution ». Les médias dominants imputent ce massacre aux Soviétiques, ce qui constitue un autre mensonge historique. Ne sommes-nous pas face à un anticommunisme primaire?
Oui, c’est un mensonge, et un mensonge intéressant. Le gouvernement polonais anticommuniste en exil s’est rangé du côté des nazis en soutenant la version nazie selon laquelle ce sont les Soviétiques qui ont fusillé plusieurs milliers de prisonniers polonais en 1940. Les Soviétiques ont bien entendu nié ces faits.
Il semble qu’à un moment donné après sa nomination au poste de premier secrétaire – dans les années 1950 – Nikita Khrouchtchev ait commencé à parrainer un plan visant à rendre Staline et ses proches responsables de Katyn. Ce plan a été annulé, mais des documents falsifiés ont été produits. C’est le début de ce que l’on appellera plus tard le « Closed Packet No. 1 » (ou « Secret Packet No. 1 »). Mais un certain nombre de hauts responsables du Parti avaient vu ces faux documents, les croyaient authentiques et étaient convaincus que l’Union soviétique avait bel et bien assassiné tous ces prisonniers polonais.
Ainsi, lorsque Gorbatchev et ses hommes ont commencé à discuter de l’aveu de la culpabilité soviétique à Katyn – c’était à la fin des années 1980 – ils pensaient que les Soviétiques étaient coupables à Katyn.
Il existe de nombreuses preuves contradictoires – ou ce qui semble être des preuves – au sujet de Katyn. Je savais donc que je devrais étudier la question de Katyn à un moment donné. En 2018, j’ai publié le livre dont vous citez le titre. Je pense avoir établi, en étudiant toutes les preuves qui ne peuvent pas avoir été truquées, que les Soviétiques n’ont pas tué les Polonais.
Cependant, il s’agit depuis longtemps d’une question de « foi » et non de preuve. Il est « tabou », interdit dans le domaine de l’histoire soviétique, de douter, et encore moins de nier, la culpabilité soviétique à Katyn. Il est illégal – littéralement contraire à la loi – de mettre en doute la culpabilité soviétique dans certains pays, par exemple en République tchèque, où un communiste tchèque a récemment été condamné à une peine de prison pour avoir publiquement mis en doute la culpabilité soviétique à Katyn, apparemment sur la base de la publication d’un de mes articles.
C’est également illégal en Pologne et en Ukraine, voire dans d’autres pays. Dans les universités occidentales, il est de facto considéré comme « au-delà des limites », « tabou », de le remettre en question. Les preuves n’ont rien à voir avec cela – il s’agit d’une foi – une foi anti-Staline, anticommuniste. Le mensonge de la culpabilité soviétique à Katyn est également fortement soutenu par le mouvement trotskiste. Les trotskistes répètent toutes les falsifications des « autorités » ouvertement pro-capitalistes, puisque le culte de Trotsky repose sur les propres mensonges de Trotsky à propos de Staline.

Depuis 2012, chaque année, la Russie soumet un texte à l’ONU dénonçant la « glorification du nazisme » et recommandant la vigilance devant les formes modernes de la xénophobie et de la réhabilitation du IIIe Reich. Le 4 novembre 2022, un vote a eu lieu à l’ONU et 52 pays ont voté contre la résolution russe, dont la France et les autres pays européens ainsi que les Etats-Unis, l’Ukraine et le Canada. Comment expliquez-vous que l’ensemble des pays européens qui ont connu la deuxième guerre mondiale aient refusé de condamner le nazisme?
Je ne fais pas de recherches sur cette période. À mon avis, c’est parce que des actes de type nazi sont souvent commis par des pays capitalistes comme l’Ukraine, mais aussi par les États-Unis, qui soutiennent les fascistes à l’étranger, par exemple en Corée du Sud, au Viêt Nam (pendant la guerre du Viêt Nam), au Brésil et en Argentine. Israël aussi est souvent coupable d’actes de type nazi à l’encontre des Palestiniens, comme l’admettent même d’éminents Israéliens.
Interview réalisée par Mohsen
Abdelmoumen
(Suite et fin)