L’africanité du conte algérien

Mois du patrimoine

Le conte algérien, ce support de l’oralité ancestrale, jalousement gardé par la mémoire collective, revêt des «formes compatibles» aux lieux et aux traditions locales dont il émane, laissant, néanmoins, «voyager» ses contenus au-delà des frontières pour atteindre des contrées lointaines en Afrique.

Prônant une similitude de fait dans les contenus aux sens essentiellement liés aux valeurs de justice, de tolérance, de bonté, d’humanisme et de respect de la vie, entre autre, le conte algérien, porté par la voix du «Goual», se prolonge et se retrouve chez les conteurs du continent, et donne ainsi l’impression de perpétuer un seul et même récit humain, de dimension africaine.
Ainsi, le conteur Kada Bensmicha, raconte avoir découvert en 1989, à la faveur d’un festival en Italie que le contenu du conte, «Azza ou Maâzouza», avec lequel il avait participé, existait intégralement dans d’autres contes déclamés par des narrateurs comme Toumani Madiala du Mali et Kayro de la République du Congo, qui avaient pris part au même festival.
«Il n’y avait de différents que l’environnement socio-culturel et les personnages de l’histoire, menée dans cette version par des animaux», explique le conteur algérien, précisant que le conte africain était un «réceptacle de rites, bien souvent paranormaux, liés aux traditions ancestrales».
«Le conte n’a pas besoin de visa pour voyager», conclura Kada Bensmicha qui, par ailleurs est également comédien et marionnettiste.
Conteur passionné, Seddik Mahi évoque, de son côté, une de ses nombreuses participations à l’étranger, celle à Pointe-Noire (République du Congo) cette fois-ci, lors du Festival de l’Oralité, où il avait alors fait équipe avec Jorus Mabiala du Congo Brazzaville pour écrire ensemble le spectacle, «Les Nuits du conte en Afrique».
Entretenant cette fusion inédite, les deux hommes se sont vite rendus compte qu’ils étaient animés par le «même imaginaire créatif » et que les contenus qu’ils voulaient véhiculer à travers leur histoire «existaient bel et bien dans leurs patrimoines et leurs cultures respectives».
La seule différence, notera Mahi Seddik, résidait dans «la forme à donner au spectacle», lui, tout comme Kada Bensmicha d’ailleurs, connu pour leurs grandes aptitudes de conteur, se suffisant à l’utilisation du châle comme accessoire multifonctionnel. Sur ce phénomène d’intertextualité entre le conte algérien et celui d’autres pays africains, le conteur congolais, Jorus Mabiala, a confirmé «l’existence d’une similitude des contenus», expliquant que les contes originels, qui «racontaient l’état naturel des choses» et desquels la morale et les enseignements nécessaires étaient tirés, «ont subi le fait de la colonisation», ce qui a conduit à une conception classique du conte, à savoir l’éternelle dualité entre le bien et le mal, le bon et le mauvais ou le gentil et le méchant.
Ces lieux communs dans le conte ont donné lieu à un beau projet de transmission de l’essence du conte africain sous forme de film d’animation, sous la direction du cinéaste, auteur et dessinateur Djilali Beskri.
«Tales of Africa», un des projets africains né sous l’ombre du 2e Festival panafricain d’Alger en 2009, associe les créativités algérienne et camerounaise pour créer le personnage de Papa Nzenu qui raconte dans une série de films différents contes dont «Malika et la sorcière» et «Trois vérités». Aussi le personnage du conteur, du griot ou du goual s’était aussi fait une place de choix dans le cinéma africains, dans «Chroniques des années de braise» de Mohamed Lakhdar Hamina ou le film burkinabé «Soleil», entre autres, en plus d’une présence remarquée sur les planches du théâtre.

R.C.