Le Maroc empêtré dans un nouveau scandale d’espionnage en Espagne lié au Sahara occidental

Espagne

Le Maroc est impliqué dans un nouveau scandale d’espionnage en Espagne où le refus par la justice d’octroyer la nationalité espagnole à un Marocain jette la lumière sur les pratiques du régime du Makhzen consistant à recruter des immigrés en tant qu’agents secrets pour surveiller des responsables du Front Polisario, ont rapporté des médias espagnols. L’Audience nationale (Tribunal espagnol à compétence nationale) a refusé, dans un récent arrêt, la nationalité espagnole à un citoyen marocain, accusé par le Centre espagnol d’intelligence (CNI) de collaborer avec les services secrets de Rabat dans la surveillance des Sahraouis, précise El Pais dans son édition de lundi. Cet arrêt du tribunal révèle que le CNI a détecté en 2010 l’existence d’un réseau d’espionnage marocain qui recueillait des informations sur «le Front
Polisario et la communauté marocaine résidant en Espagne». A cet égard, le jugement, daté du 31 mai et auquel El Pais a eu accès, souligne que le citoyen marocain aurait eu des contacts avec un «chef» des services de renseignement marocains.
Il indique que le collaborateur des services secrets du Makhzen a entamé les démarches pour obtenir la nationalité espagnole en mai 2010 en faisant valoir qu’il vivait légalement en Espagne depuis 22 ans et qu’il n’avait pas d’antécédents judiciaires. Ce subterfuge n’a pas échappé à la justice espagnole qui a rejeté sa demande le 10 avril 2019 à cause d’un rapport rédigé par le CNI dans lequel il déconseille d’accorder la nationalité espagnole à cet agent marocain «pour des raisons d’ordre public ou d’intérêt national». Le jugement souligne que, selon ce document des services secrets, il existe des «preuves» que le citoyen marocain collaborait avec les services de renseignement du Makhzen depuis 2010, lorsqu’il était en contact avec le chef de ces services. Ce fait a été jugé suffisant pour considérer que le demandeur n’avait pas «justifié» de la «bonne conduite civique» requise dans le code civil pour obtenir la nationalité espagnole. En juillet de la même année, le citoyen marocain a introduit un recours contentieux-administratif qui vient d’être rejeté par l’Audience nationale avec le soutien du bureau du procureur, représentant le ministère de la Justice. Dans son arrêt, elle considère que le rapport de la CNI était un motif suffisant pour rejeter la demande du citoyen marocain, car il démontre qu’il ne remplit pas la condition d’»intégration».
A noter que ce n’est pas la première fois qu’un arrêt de l’Audience nationale met en lumière les activités d’espionnage du Maroc en Espagne. La dernière affaire date de septembre 2022 lorsqu’un tribunal avait rejeté la demande d’un employé du consulat marocain à Madrid sur lequel les services secrets espagnols enquêtaient depuis 2011 en tant qu’»agent local» présumé de l’espionnage du Makhzen, indique El Pais. A l’époque, le rapport du CNI accusait ce travailleur d’entretenir des «liens étroits avec son pays d’origine» et «avec l’actuel chef des services de renseignement marocains en Espagne».
Le journal espagnol souligne qu’au cours des 11 dernières années, la justice ibérique a refusé à au moins cinq autres reprises d’accorder la nationalité à des citoyens marocains en raison de l’existence de rapports du CNI avertissant que les demandeurs avaient espionné pour le compte de Rabat. Il rappelle, en autres, qu’en juin 2021, en pleine crise diplomatique entre Rabat et Madrid liée à l’hospitalisation à Logrono (nord) du secrétaire général du Front Polisario et président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Brahim Ghali, un document confidentiel du CNI alertait déjà le gouvernement espagnol sur l’intense acti vité de l’espionnage marocain en Espagne. Selon les détails de ce rapport, les services de renseignement marocains avaient activé une double stratégie «judiciaire et médiatique» dans le but de «harceler» Ghali et d’»entraver sa mobilité».
Le CNI avait ensuite affirmé que Rabat utilisait «des moyens considérables, y compris économiques» pour «faire pression sur le gouvernement espagnol afin d’obtenir une position favorable» au Maroc dans le conflit du Sahara occidental.
APS