Lutte contre la mauvaise gestion et les transferts illicites de capitaux par une nouvelle gouvernance, une question de sécurité nationale

Economie

Le dossier des transferts illicites de capitaux et de l’évasion fiscale pose le problème de la gouvernance et de l’urgence d’une coordination sans faille des institutions de contrôle, avec pour finalité de relancer l’économie nationale et garantir la nécessaire cohésion sociale.Dans plusieurs rapports, la Banque d’Algérie faisait état de dizaines de milliards de dinars d’infractions de change (pénalités) constatées par les services des douanes et les officiers de la police judiciaire. Précisons que la gestion des transferts et du contrôle des changes dépend de la Banque d’Algérie et que le gouverneur de la Banque d’Algérie est directement sous l’autorité du président de la République et non du ministre des Finances. Donc, ces problèmes ne sont pas nouveaux, et ont été déjà soulevés par le passé, puisque les conditions de transfert de capitaux en Algérie pour financer des activités économiques et rapatriement de ces capitaux et de leurs revenus ont été prévues dans le Règlement de la Banque d’Algérie n°90-03 du 8 septembre 1990 (loi sur la monnaie et le crédit) puis par le Règlement n°95-07 du 23 décembre 1995 modifiant et remplaçant le règlement n°92-04 du 22 mars 1992 relatif au contrôle des changes et l’article 10 de l’Ordonnance 96-22 du 09 juillet 1996 relative à la répression des infractions à la législation des changes et des mouvements de capitaux vers l’étranger. Rappelons également que le 11 août 2012, le ministère des Finances, par un tapage médiatique, annonçait un décret exécutif numéro 12/279 portant institution d’un fichier national des fraudeurs ou contrevenants à la réglementation de change et mouvement de capitaux a été publié au Journal officiel. Ce décret exécutif fixait pourtant les modalités d’organisation et de fonctionnement du fichier national des contrevenants en matière d’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux et vers l’étranger. Devait être instituée auprès du ministère des Finances et de la Banque d’Algérie une banque de données dans laquelle serait enregistrée toute personne, physique ou morale, résidente ou non-résidente, ayant fait l’objet d’un procès-verbal de constat d’infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux vers l’étranger.
Le Comité national et local des transactions, l’Inspection générale des finances, les directions générales des changes de la Banque d’Algérie, des douanes, des impôts, de la comptabilité, l’agence judiciaire du Trésor public, la cellule de traitement du renseignement financier et le ministère du Commerce étaient les structures et institutions qui peuvent accéder au fichier. Qu’en est-il de l’application de toutes ces ordonnances et décrets ?
Il y a urgence de mettre en place des mécanismes de contrôle démocratiques (Parlement, notamment), de réactiver la Cour des comptes et surtout d’éviter la création de plusieurs institutions de contrôle dépendantes de l’Exécutif (étant juge et partie) qui se neutralisent en fonction des rapports de forces. Les montants des surfacturations se répercutent normalement sur les prix intérieurs (les taxes des douanes se calculant sur la valeur du dinar au port surfacturé) donc supportés par les consommateurs algériens. Les transferts de devises via les marchandises sont également encouragés par les subventions généralisées mal ciblées, et bien que servant de tampon social, elles sont source de gaspillage étant à l’origine des fuites des produits hors des frontières que l’on ne combat par des mesures bureaucratiques. D’une manière générale, la gestion administrative (flottement administré) du taux de change du dinar a intensifié les pratiques spéculatives. Les surfacturations dues à l’utilisation de la distorsion du taux de change entre l’officiel et le marché parallèle est difficile à combattre s’expliquant par l’incohérence de la politique du taux de change du gouvernement.
Le recours au marché parallèle des changes n’est pas perçu comme un acte de corruption pour la majorité des ménages algériens, qui face à une allocation de devises dérisoire, se portent demandeur sur le marché parallèle, soit pour se soigner ou acheter face à la restriction des importations des matières premières pour certaines entreprises privées. Comme j’ai eu à le souligner dans maintes contributions depuis des années, l’importance de la dépense publique entre 2000/2022, ou les départements ministériels ont été dépourvus de contrôle des projets, n’ont pas, dans la majorité de leurs secteurs, de management stratégique de suivi des projets avec des réévaluations intolérables, ce qui accentue les surcoûts exorbitants et parfois des délits d’initiés, accentué par la désorganisation du commerce intérieur. Aussi, lorsque les échanges s’effectuent entre structures d’un même groupe multinational (filiales, fournisseurs, distributeurs…), le potentiel de manipulation des prix, des cours et de la facturation est naturellement multiplié.
L’Algérie doit mettre en place de nouvelles méthodes de gestion tant dans les administrations (méthode de rationalisation des choix budgétaires) que dans les entreprises (comptabilité analytique) et il devient urgent, étant une question de sécurité nationale, de s’attaquer à l’essence de ce mal qui ronge le corps social, le terrorisme bureaucratique qui enfante la corruption et la sphère informelle, processus dialectique, contrôlant selon la Banque d‘Algérie plus de 6200 milliards de dinars, au cours de 137 dinars un dollar 46 milliards de dollars, certaines organisations internationales avançant plus de 33% de la masse monétaire en circulation, avec une intermédiation financière informelle à des taux d’usure .sphère informelle qu’aucun gouvernement depuis l’indépendance politique n’a pu réaliser intégrer car enjeu énorme de pouvoir, la numérisation n’étant qu’un moyen technique , l’objectif essentielle une nouvelle gouvernance centrale et locale
Abderrahmane Mebtoul
Pr des universités,
docteur d’Etat en sciences économiques
(Suite et fin)