Les défis de l’Afrique pour une sécurité pérenne

La situation au Niger et l’instabilité régionale

Oubliant que le principal défi du monde est le développement sur un nouveau modèle, du fait du réchauffement climatique qui menace l’humanité, le coup d’Etat récent au Niger a fait oublier également les importants conflits dans le monde : le conflit israélo-palestinien, les scènes dramatiques les conflits en Libye au Soudan, et au Yémen avec des interférences étrangères déstabilisatrices entrainant une misère dévastatrice , le conflit en Ukraine avec ses incidences sur la crise alimentaire et dans bien d’autres contrées dont la non résolution du conflit au Sahara occidental.

D’une manière générale nous vivons dans un monde déséquilibré où opulence côtoie la misère au niveau mondial et au sein des Nations, le fossé entre les riches et les pauvres se creusant davantage où l’écart des revenus renforce les inégalités dans l’éducation, la santé avec des conséquences pernicieuses du chômage. En ce mois d’août 2023 étant à l’orée d’une période d’incertitude croissante, aux racines ancrées dans la polarisation des sociétés, avec l’ampleur de la récession mondiale et des gouvernances mitigées, nous assistons à des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse totalement désorientée surtout en Afrique.
Cette contribution est un rappel depuis plusieurs décennies de six (06) de mes interventions :
la première à l’invitation des fondations –Bill Gates- Rockefeller New York USA en novembre 2012 USA/Maghreb-Afrique,
la seconde à Malte à l’invitation de la commission européenne avril 2014 sur les enjeux géostratégiques en Méditerranée,
la troisième en mars 2015 au sénat français à l’invitation de Jean Pierre Chevènement sur les relations Maghreb Europe,
la quatrième de l’association internationale africaine ARGA en mai 2015 sur les enjeux du développement de l’Afrique,
la cinquième à l’invitation de l’Institut militaire de documentation et de prospective Ministère de la Défense Nationale – IMDEP Algérie en octobre 2019 sur les enjeux au Sahel et le trafic aux frontières
et la sixième à l’invitation simultanément à l’école Supérieur de Guerre ESG/MDN et au siège de l’ambassade de l’Union européenne à Alger en 2021 où étaient présents la majorité des ambassades étrangers accrédités à Alger sur les enjeux énergétiques mondiaux .

1.- Le Niger s’étend sur 1.267.000 km2, ayant une position géographique stratégique partageant ses frontières avec sept pays à savoir l’Algérie 956 km, le Bénin 266 km, le Burkina Faso 628 km, la Libye 354 km, le Mali 821 km, le Nigeria 1497 et le Tchad 1175 soit au total 5697 km. L’instabilité du Niger risque d’avoir une répercussion sur toute la stabilité régionale notamment sur le Nigeria qui partage la plus longue frontière confronté à la lutte contre les djihadistes, ayant une position stratégique au Sahel étant un carrefour d’échanges entre l’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud au Sahara. Face à la situation au Niger, le sommet de la Cédéao qui a gelé toute coopération économique bien que privilégiant le dialogue, avant toute intervention militaire a donné un ultimatum d’une semaine aux putschistes nigériens pour rétablir à son poste le président Mohamed Bazoum, encore que cela ne fait pas l’unanimité du fait de relations complexes tribales entre une fraction de militaires du Niger et certains pays de la Cédéao. Aussi la situation est complexe et toute intervention militaire, en plus des révoltes des populations locales qui y verraient une atteinte à la souveraineté nationale pourrait conduire à une escalade incontrôlée dans l’ensemble de la région.
Dans un communiqué commun le Burkina Faso, le Mali, rejoints par la Guinée ont affirmé qu’une intervention militaire au Niger, serait considérée comme une déclaration de guerre à leurs pays. Dans ce contexte, selon la Sous-Secrétaire général adjointe de l’ONU aux affaires humanitaires, 2,9 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire en 2020, une augmentation de 26% par rapport à 2019., la situation sociale restant précaire avec un taux de pauvreté extrême d’environ 42 % en 2021, soit plus de 10 millions d’habitants. Entre 1991 et 2021, le budget de la dette du Niger a varié entre 478,0 millions et 5,5 milliards d’euros et en 2021, dernière année évaluée, le montant a été de 5,46 milliards d’euros le plus élevé des 30 dernières années et rapporté au nombre d’habitants, cela correspond au Niger à un endettement de 216 euros par personne. En réaction, la France principal pourvoyeur de fonds a décidé de suspendre son aide au développement et pour le chef de la diplomatie de l’Union européenne et la Banque mondiale toutes les actions de coopération sont suspendues, le Nigeria en plus ayant coupé les exportations énergétiques, ce qui risque d’accroître les tensions sociales et un sentiment anti-occidental de la population. Paradoxe, le Niger recèle d’importantes richesses. Les quatre principales provinces métallogéniques sont : AIR (or, étain, coltan, le cuivre, le vanadium, le titane et les pierres précieuses, l’uranium), Liptako (Or, argent, le platine, le nickel, le lithium, le plomb, le zinc, le cuivre, le molybdène, le manganèse, le vanadium, chrome), Sud Maradi et Damagaram- Monio (or, argent, cuivre, plomb, zinc) et les bassins de lllumenden (uranium, charbon, le gypse, le calcaire, le sel, les phosphates, fer, cuivre, argent).Or, c’est un des pays avec 10 autres les plus pauvres du monde. avec un produit intérieure brut PIB de 14,91 milliards de dollars en 2021 pour une population de 25,25 millions d’habitants et selon le rapport du PNUD de 2022, en 2021, le Niger est à la dernière place mondiale selon l’Indice de développement humain (IDH), le PIB à parité de pouvoir d’achat (PPA) par habitant étant de 761 de dollars. Cependant l’instabilité du Niger est à replacer dans le contexte géostratégique turbulent de la région. Dans une note du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest de l’OCDE, il est mis en relief que l’arc sahélien, sans compter le reste du continent, est riche en ressources, sel, or, pétrole, gaz, fer, phosphate, cuivre, étain et uranium autant de richesses nourrissant les convoitises de puissances. Ce qui explique les sommets réguliers, USA/Afrique, Chine/ Afrique, Europe/Afrique, Japon/Afrique Turquie/Afrique. La situation actuelle au Niger risque d’accroitre les tensions régionales. Car, les relations entre les deux rives du Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent la communauté internationale qui doit être attentive aux tensions en Afrique subsaharienne qui connaît une misère inégalée où seulement en trois ans, 2020/2022, le nombre de personnes qui se rapprochent de la famine est passé de 3,6 millions à 10,5 millions dans cinq pays – le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger avec un flux migratoire selon le PAM de 400%. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen avec des conséquences pour la région. De plus en plus nombreux, des migrants subsahariens s’installent désormais dans les pays du Maghreb avec l’intensification de la contrebande. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, des centaines de milliers d’armes, dont 15 000 missiles sol-air qui étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée et dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel,
Abderrahmane Mebtoul, Pr des universités,
docteur d’Etat en Sciences économiques
(A suivre)