Quand les marchés informels cachent les dealers

Blida

Le wali de Blida ne cesse d’être interpelé par la population, notamment les commerçants formels pour mettre de l’ordre dans les rues de Blida et éradiquer le commerce informel à travers un arrêté et la mobilisation des services de sécurité. Mais la question qui se pose, c’est quoi le lien entre ce genre de commerce et la prolifération des drogues dans la wilaya de Blida ?

Dans une lettre adressée par des représentants de commerçants de la rue des Martyrs (ex-rue d’Alger) au wali de Blida (avec accusé de réception le mois de juillet dernier), le rédacteur de la requête évoque non seulement le squat de la chaussée et des trottoirs, pénalisant ainsi les commerçants formels, mais il cite le climat d’insécurité et de menace… «Les devantures et entrées de nos magazines sont squattées pas des individus qui menacent même notre intégrité physique en permanence lorsque nous demandons de libérer l’accès à nos magazins. Cette déplorable situation affecte lourdement l’activité des véritables commerçants qui payent leurs impôts et plus grave profite à restaurer l’anarchie au moment où les dealers y trouvent leurs comptes en vendant leurs drogues…», lit-on dans la lettre en question et datée du 29 juillet 2023. Pour un autre commerçant exerçant au niveau des mêmes lieux, «la rue d’Alger est devenue la rue de danger comme l’appellent tristement certains Blidéens, des rixes et bagarres y éclatent à coups d’armes blanches. Nous demandons le renforcement de la présence des services de sécurité pour éviter le pire». Un troisième commerçant se désole de voir la situation actuelle dans laquelle se trouve la rue en question. Son appellation officielle est la rue des Martyrs. Dommage de la voir sale, synonyme d’anarchie et un repère pour les dealers. «On espère que le nouveau wali réagira pour y remettre de l’ordre et surtout honorer la mémoire des Chouhadas. Du coup, un arrêté de sa part s’impose…». Le coordinateur de la wilaya de Blida à l’Union générale des commerçants et artisans abonde dans le même sens. «Par le passé, des initiatives contre le commerce informel ont eu lieu, ce qui a soulagé les commerçants formels et leur a permis de travailler à l’aise tout en libérant les différentes rues de la ville de Blida, les baraques et chapiteaux de fortunes, et surtout des dealers qui rodaient au milieu de l’anarchie», a-t-il témoigné. Et de poursuivre avec regret «Aujourd’hui même l’ambulance risque de ne pas secourir à temps un malade à cause de la fermeture des accès par les commerçants informels.» Le coordinateur appelle toutefois à la création de marchés parisien
s à travers toutes les communes de Blida afin de créer de l’emploi, régulariser les commerçants informels et leur permettre de travailler dans la légalité, loin de l’anarchie et ses conséquences…
L’hôpital comme baromètre
La consommation des différents types de drogues se traduit souvent par un comportement agressif. Le CHU Frantz-Fanon de Blida constitue alors le bon baromètre concernant le phénomène de l’augmentation de la consommation des drogues. «Rien qu’en 2023, le service des urgences médico-chirurgicales comptabilise à lui seul environ 6 000 consultations à raison de 500 consultations par mois, et ce, suite à des coups de blessures volontaires et dont les causes sont souvent liées à la consommation de la drogue. Et en attendant la préparation du bilan annuel de 2023, je dirai que la tendance est pratiquement la même, c’est-a-dire qu’on tourne dans les mêmes chiffres», déclare un médecin de ce CHU. «En plus, on assiste souvent à des rixes le soir à l’intérieur du service des urgences entre des gangs venus pour se faire soigner suite à des coups de blessures volontaires et qui se terminent par une histoire de vengeance entre eux.» Notre interlocutrice semble surtout s’inquiéter des dealers de plus en plus jeunes. «Il y a même des collègiens qui s’adonnent à la drogue», avertit-elle.

L’avis d’une psychiatre
Professeure agrégée en psychiatrie depuis l’année 2019 à l’établissement de psychiatrie de Blida, Leila Naâmane estime que «L’addiction est loin d’être un phénomène nouveau, mais elle a pris une ampleur effarante ces dernières années avec des répercussions sociales et médicales des plus indéniables, elle concerne actuellement toutes tranches d’âges, précocement, même chez des enfants de 11 ans», a-t-elle déclaré. Selon les spécialistes, la lutte contre le marché informel s’avère aujourd’hui une obligation compte tenu de l’impact négatif qu’il a sur notre société.
Rachid Lounas