Les neufs déterminants du cours du pétrole

Du G20 au G21

Cette présente contribution est une extension de l’interview que j’ai donnée au quotidien arabophone El Khabar sur les déterminants du prix du pétrole, les perspectives et son impact sur l’économie algérienne Rappelons que les treize membres de l’OPEP sont l’Algérie, l’Angola, l’Arabie saoudite, le Congo, les Émirats arabes unis, le Gabon, la Guinée équatoriale, l’Iran, l’Irak, le Koweït, Libye, le Nigeria et le Venezuela Les 10 autres pays membres de l’OPEP+ sont l’Azerbaïdjan, le Bahreïn, le Brunéi, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, Oman, le Soudan, le Soudan Sud et la Russie principal acteur.

Selon l’Agence internationale de l’Énergie, l’OPEP représente 34% de la production mondiale et l’OPEP+ compte pour environ 51% de la production mondiale de pétrole en 2020 et les décisions de ces organisations ont un impact considérable sur le marché pétrolier mondial. Le cours du pétrole le 15 septembre 2023 a été de 93,84 dollars le Brent (87,92 euros) et le Wit 90,73 dollars (85,00 euros soutenu par les bons indicateurs économiques de la Chine. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a revu à la hausse ses prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole en 2023 qui s’achemine vers son niveau le plus élevé jamais enregistré pour atteindre 102,2 millions de barils par jour, même estimation de l’OPEP qui maintient sa prévision de croissance de la demande mondiale avec une augmentation de 2,4 millions de barils par jour, pour atteindre une moyenne de 102 mb/j, (contre 99,57 mb/j en 2022) Je recense neuf facteurs qui déterminent à la fois à court et à moyen terne le cours de l’énergie

Premièrement : L’élément central de la détermination du prix du pétrole est la croissance de l’économie mondiale , notamment de la Chine , Inde, USA et Europe principales locatives de l’économie mondiale. Aucun expert ne pouvant prévoir au-delà de 2025, du fait d’ importantes nouvelles mutations du modèle de consommation énergétique.
Cependant la banque américaine d’investissement Goldman Sachs prévoit que les prix du pétrole pourraient atteindre 107 dollars d’ici la fin de l’année 2024 si l’Arabie Saoudite et la Russie maintiennent leurs décisions de réduction de la production et des exportations de pétrole.
Deuxièmement: la hausse des prix s’explique également par le resserrement monétaire de la FED notamment par le fait que l’’AIE et prévoit pour le quatrième semestre 2023 une pénurie de l’offre après l’annonce des coupes dans les productions et exportations russes et saoudiennes dont les capacités pour chacun de ces deux pays dépassent 11/12 millions de barils par jour soit plus 20% de la production mondiale à des coûts compétitifs car on peut découvrir des milliers de gisements sais non rentables en fonction du vecteur prix international. La production de pétrole des 13 pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a connu une faible hausse de 113.000 barils par jour au mois d’août 2023 dans un contexte de réduction de production donnant environ 27,45 millions de barils/jour qui fait suite à une baisse la production des membres de l’Opep de près de 900.000 barils par jour en juillet.
La Russie et l’Arabie saoudite ont continué de réduire leur production de pétrole jusqu’à la fin de 2023. Par exemple, l’Arabie saoudite va continuer de réduire sa production de 1 million de barils par jour (bpj) pour la période d’octobre à décembre 2023, la production du royaume pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre 2023 sera d’environ neuf millions de bpj selon son ministère de l’Énergie et La Russie a annoncé elle aussi, sa décision de maintenir la réduction de ses exportations de pétrole de 300 000 barils par jour jusqu’à la fin de l’année 2023.

Troisièmement: un des plus grand producteur mondial grâce au pétrole et gaz de schiste, sont les USA où du côté de l’offre, nous assistons à une hausse plus rapide que prévu de la production de pétrole (non conventionnel) qui a bouleversé toute la carte énergétique mondiale, étant passé de 5 millions de barils/jour de pétrole plus de 10 millions de barils jour. Les Etats-Unis, importateur par le passé, sont devenus le plus grand producteur de pétrole brut (tenant compte de la consommation intérieure) devant l’Arabie saoudite et la Russie.
Selon The Telegraph, les Etats-Unis devraient pénétrer fortement le marché mondial avec des quantités sans précédent de gaz naturel liquéfié (GNL) 30 projets sont en cours de réalisation, grâce au gaz et le pétrole de schiste pesant ainsi sur le marché mondial du GNL.

Quatrièmement: L’on doit tenir compte du conflit en Ukraine qui a bouleversé toute la carte énergétique avec la décision du G7 plus l’Australie de plafonner prix du pétrole par voie maritime à 60 dollars le baril et les dérivées à compter de février 2023, ainsi que la décision récente de la commission européenne de plafonner le prix du gaz à 180 dollars le mégawattheure. Certes, ces plafonnements n’ont de chance de succès que si ces prix se rapprochent de ceux du marché mais cela remet en cause la stratégie expansionniste russe avant ces conflits, à travers le North Stream et le South Stream d’une capacité de plus de 125 milliards de mètres cubes gazeux pour approvisionner l’Europe, plus de 45% avant les tensions.
Avec le conflit actuel ces canalisations fonctionnent en sous capacités, la demande européenne ayant fortement baissé en 2022, plus de 46%, expliquant d’ailleurs les tensions énergétiques en Europe, la Russie se tourne actuellement vers l’Asie dont la Chine et l’Inde à des prix préférentiels, le projet canalisation Sibérie Chine devant mettre plusieurs années avant son exploitation.

Cinquièmement: Il faut prévoir le retour à terme, sur le marché de la Libye, sous réserve d’une stabilisation politique, des réserves de 42 milliards de barils de pétrole et plus de 1500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants, pouvant facilement produire plus de 2 millions de barils/jour; l’Irak, pouvant aller vers plus de 7 millions/jour et l’Iran, s’il y a accord sur le nucléaire ayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant d’exporter entre 4/5 millions de barils jour, sinon plus et possédant le deuxième réservoir de gaz traditionnel mondial, plus de 35 000 milliards de mètres cubes gazeux, derrière la Russie 45 000 et avant le Qatar 20 000.

Sixièmement: Les nouvelles découvertes dans le monde en offshore en Méditerranée orientale (20 000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région, et en Afrique dont le Mozambique (plus de 4000 milliards de mètres cubes gazeux) qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique.

Septièmement : Les politiques de la transition énergétique seront déterminantes pour un nouveau modèle de consommation énergétique mondial qui influe sur les prix des hydrocarbures transitionnels. D’ici à 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/ Chine/Europe/Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars et les grandes compagnies devraient réorienter progressivement leurs investissements dans ces segments rentables à terme, les industries de la vie pour reprendre l’expression de Jacques Attali. Les USA/Europe représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial qui dépasse le seuil des 100.000 milliards de dollars en 2022, pour une population inférieure à un milliard d’habitants. Et si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique, il faudrait cinq fois la planète

Huitièmement : L’évolution des cotations du dollar et l’euro, toute hausse ou baisse du dollar, pouvant entraîner un écart de 10/15%.

Neuvièmement : Les stocks américains et souvent oubliés les stocks chinois.
En conclusion, attention à l’euphorie de court terme pour les pays rentiers assis sur la rente des hydrocarbures qui doivent se préparer à affronter de nouveaux défis, la puissance d’une Nation se mesurant à son poids économique , n’existant pas de situations statiques où toute Nation qui n’avance pas recule forcément. Car le monde de demain est à l’aube d’une profonde reconfiguration des relations internationales, 2023/2025/2030 fondée sur le renouveau des institutions.

Professeur des universités Expert
international Abderrahmane Mebtoul