Oiseau de mauvais augure ?

Croyances populaires

On l’a toujours déconsidéré et vu sous l’angle d’un oiseau de mauvais augure pour son plumage noir qui symbolise ce qu’il y a de plus mauvais, comme la nuit coloniale, la tristesse.

Jamais, on n’aurait imaginé un mode de vie d’oiseau sauvage, proche de l’homme dans ses relations avec ses semblables, sa quête de ce qui lui manque pour survivre et se maintenir en bonne forme physique.
Des ethno-zoologues ont été surpris de voir un cercle de corbeaux autour d’un des leurs agonisant, n’est-ce pas là un rappel du comportement humain dans une situation identique. Des preuves de son intelligence Ce n’est pas pour rien que les fabulistes de tous les temps le privilégient comme personnage de leurs récits fictifs ; on le trouve trônant dans l’univers imaginaire d’Esope, de Bidpaci ou d’Ibn el-Mouqafâa.
Qui n’a pas entendu réciter «Le corbeau et le renard» de La Fontaine pour personnifier deux traits de caractère humains : la crédulité et la ruse. C’est pour ses qualités rares que Dieu lui a donné une place parmi d’autres animaux choisis pour des rôles spécifiques. Ainsi, il est dit dans la sourate «La table est servie», aya 31 : «Dieu envoya un corbeau qui se mit à gratter la terre pour lui montrer comment cacher le cadavre, celui d’un fils d’Adam tué par son frère. Il lui fait dire : «Malheur à moi ! Suis- je capable d’être comme ce corbeau et cacher le cadavre de mon frère ?». Il se trouva alors au nombre de ceux qui se repentent».
Le corbeau, présenté comme un oiseau mystérieux, a un mode de nutrition digne des plus intelligents. Il utilise des outils de fortune pouvant offrir des scènes distrayantes. Lorsqu’il en a envie, il mange des noix ; on peut même dire qu’il en raffole, et pour l’éplucher, il casse d’abord la coque en s’élevant en altitude, tout en serrant le fruit dans ses serres. Et une fois arrivé à une hauteur raisonnable, il laisse tomber la noix sur une pierre, elle se casse, et il s’abat sur elle pour récupérer le contenu dont il se nourrit.
On le voit alors manger goulûment et, une fois la coque vidée, il va prendre une autre noix. Imaginez, donc, des dizaines de corbeaux dans un champ de noyers. Lorsqu’il doit tirer un insecte à manger ou un grain, sinon un fruit d’un trou inaccessible, il se façonne un outil infaillible : une tige à courbure qu’il introduit dans le trou, d’où il tire facilement et sans trop d’effort ce qu’il veut.

La nature comme dans un vrai théâtre
Les hommes de sciences friands de scènes de la vie animale rapportent parfois des anecdotes agréables à entendre et porteuses de leçons enrichissantes. On raconte qu’un Russe a observé des abeilles qui nettoient leur ruche en la débarrassant des faux bourdons tués qu’elles donnent à manger aux oiseaux. Pour casser un œuf dur d’autruche, l’aigle se sert d’une pierre qu’il fait tomber dessus à partir d’une certaine hauteur, pour être sûr d’arriver à ses fins. L’œuf se casse et le rapace s’en nourrit.
Ce procédé ingénieux rappelle celui du corbeau qu’il a peut être vu faire, l’initiation frappante en est la preuve. Les chercheurs en ethno-zoologie aident les animaux à se servir de leurs outils naturels. Pour le corbeau qu’ils connaissent bien, ils suspendent une ficelle au bout de laquelle est attachée la tige dont il se sert pour cueillir quelque nourriture. Il la saisit fortement entre les mandibules et, immédiatement, on le voit s’en servir pour extraire d’une cavité un insecte qu’il avale immédiatement.
On a comparé le cerveau du corbeau à celui des singes les plus intelligents. Quand ils font leur nid, ils se donnent en spectacle lorsqu’on les observe discrètement. La forme du nid prend celle des matériaux de fortune dont ils se servent lorsqu’ils les trouvent en chemin. Une fois, ce fut un cintre métallique qui servit d’armature. Les corbeaux sont tellement intelligents qu’ils brouillent les pistes à ceux qui les regardent faire. Ils construisent un nid puis, sitôt qu’on ne les regarde plus, ils en font un autre.

A chaque pays ou continent sa race de corbeaux
La diversité raciale se fait remarquer par l’immense diversité des cris. On a recensé plus de 250 cris différents de corbeaux. Chaque race d’un pays donné possède 2 dialectes pour sa communication avec ses congénères. On a remarqué qu’il manifeste à sa famille son extrême douceur par un cri sonorisant. Contrairement aux autres familles animales, les couples de corbeaux se constituent à vie et restent veufs pour le restant de leur vie si l’un des partenaires venait à disparaître. Ils gardent leurs petits cinq à six mois, dans une ambiance de relation cognitive ; ils les affectionnent, les protègent et les nourrissent.
On dit que les corbeaux ont besoin de leurs parents et de leurs congénères pour mieux vivre. Leur régime alimentaire, extrêmement varié, correspond aux besoins de leur cerveau. Le corbeau est omnivore, il peut manger des grains, de la viande, des fruits, y compris les fruits secs comme les amandes et les noix qu’ils ont les moyens d’ouvrir. En fonction de l’estimation du poids, il prend la hauteur nécessaire pour jeter le fruit dur qui finit par se casser, et quelle que soit la hauteur, il retrouve le fruit. De la même façon, un individu qui s’éloigne arrive à retrouver ses congénères. C’est là le signe d’une socialisation qui demande de la mémoire et de l’intelligence.
Abed Boumediene